Le mensonge est une notion qui est très peu utilisée par le législateur, alors même qu'il apparaît clairement qu'elle est au cœur de nombreuses infractions. Il n'en existe pas de définition légale. De façon classique, le mensonge est défini comme le discours contraire à la vérité tenu avec le dessein de tromper, sachant que le mensonge est souvent apprécié en termes de paroles, mais qu'il existe aussi, bien sûr, à l'écrit.
Le mensonge fait l'objet d'un éternel débat en philosophie. Tandis que Benjamin Constant affirme que le mensonge peut être légitime dès lors qu'il s'agit d'éviter de nuire à autrui, Kant, lui, estime que tout mensonge nuit, si ce n'est à un homme en particulier, au moins à l'humanité en général, et refuse donc d'accorder une place au mensonge. Et cet antagonisme s'est ressenti très tôt en droit. Ainsi, l'auteur René Garraud trouvait « légitime d'ériger, en délit pénal, tout mensonge, direct ou indirect, susceptible de causer un préjudice pécuniaire ou moral et commis dans une intention malfaisante ».
[...] Mais l'esprit du code pénal et la jurisprudence s'attachent à toujours rappeler que le principe d'indifférence des mobiles s'applique en cette matière aussi: il n'y aura donc pas impunité du fait du mobile, même si celui-ci pourra impacter la peine prononcée. En ce qui concerne l'élément moral des infractions mensongères il faut relever que bien souvent la preuve d'un dol spécial est exigée. Il faut donc non seulement prouver la volonté de l'auteur de commettre l'infraction et sa conscience de violer la loi, mais aussi l'intention de provoquer le résultat puni par la loi. [...]
[...] Dans tous ces cas, la crédibilité du mensonge provient d'éléments extérieurs au mensonge, qui s'ajoutent au mensonge pour lui donner un caractère plus réel. Il s'agit en quelque sorte de mensonges-moyens car ils ne sont en vérité que des moyens de parvenir à une fin illicite autre que le mensonge en lui même. Par exemple, la fin de l'escroquerie c'est la remise d'une chose par la victime, qui peut être un bien, une valeur, des fonds, ou la fourniture d'un service, ou encore d'un acte portant obligation ou décharge. [...]
[...] Or, le dol général de l'escroquerie, c'est-à-dire la conscience et la volonté de commettre l'infraction, recoupe ces éléments. En ce qui concerne le délit de faux, une partie de la doctrine considère qu'il existe un dol spécial qui serait la conscience que le comportement est de nature à causer un préjudice. Or, le dol général du faux c'est la volonté consciente de commettre le délit, et il paraît forcément inclus dans la volonté consciente de commettre le délit puisque le délit de faux est constitué dès lors que le mensonge est de nature à causer un préjudice. [...]
[...] Cette indifférence du préjudice est commun à de nombreuse infractions impliquant le mensonge, comme la fausse monnaie de l'article 442-1 du code pénal, la falsification des titres ou autres valeurs fiduciaires émises par l'autorité publique de l'article 443-1 du même code, la falsification des marques de l'autorité de l'article 444-1 du même code, la dénonciation mensongère à l'autorité judiciaire ou administrative de faits constitutifs d'un crime ou d'un délit ayant exposé les autorités judiciaires à d'inutiles recherches de l'article 434-26 du code pénal, l'usurpation de fonctions de l'article 433-12 du même code, l'usurpation de signes réservés à l'autorité publique de l'article 433-14 du même code, l'usurpation de titres de l'article 433-17 du même code, ou encore la publicité mensongère dont le régime est fixé aux articles L 121-1 et suivants du code de la consommation. Seules quelques infractions mensongères semblent échapper à cette caractéristique commune de l'absence de nécessité d'un préjudice. D'abord, il y a le délit d'escroquerie réprimé par l'article 313-1 du code pénal. En effet, il paraît requérir expressément un préjudice pour que l'infraction soit constituée, puisqu'il énonce que l'escroquerie est le fait [ . [...]
[...] Alors que d'autres auteurs, parmi lesquels Donnedieu de Vabres, affirment eux que l'abus de confiance implique nécessairement un mensonge. Légalement, il est vrai que l'article 314-1 du code pénal ne requiert comme élément constitutif de l'infraction qu'un détournement, qui consiste à ce qu'un propriétaire soit empêché d'exercer ses droits sur sa chose. Donc il est possible d'imaginer un abus de confiance sans mensonge, même s'il faut se rendre à l'évidence que dans la plupart des cas il y aura bien une tromperie à la base. [...]
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