« Le drame est que les français restent sans voix et sans réactions, comme hébétés, devant toutes les mutilations de leur souveraineté qui leur sont imposées. (...) Ce n'est plus un peuple de veaux mais une colonie de lemmings. »
Le propos d'Yves Marie Laulan est sévère, violent, et même s'il convient de ne pas en exagérer la portée, on ne peut non plus nier qu'il est révélateur d'un courant de pensée en vogue de nos jours : l'euroscepticisme. Car c'est bien de cela qu'il s'agit ici : l'impossible conciliation des intérêts étatiques particuliers avec l'intérêt global supérieur de l'Europe politique (« ce gros et mol estomac » selon les termes de Régis Debray).
Comme tout provocateur, Laulan nous entraine sur un sujet d'une réelle actualité, et nous amène à réfléchir sur le sens de la notion de souveraineté étatique aujourd'hui, un an après l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.
[...] De la même manière, le droit communautaire était, à l'origine (Traité CEE 1957), cantonné à la seule dimension économique de la construction européenne. Il n'y avait aucune volonté politique affichée, et la CJCE opérait un contrôle strict afin de ne pas voir les communautés empiéter sur la souveraineté des Etats membres. Néanmoins, lors de l'entrée en vigueur du Traité de Maastricht en 1993, l'Union Européenne a été divisée en trois piliers dont le troisième, qui n'était qu'un simple mécanisme de coopération (et exigeait donc l'unanimité des Etats membres pour chaque prise de décision), concernait le domaine de la « Justice et des Affaires Intérieures ».
[...] En principe, les communautés n'ont aucune compétence pour créer des incriminations nouvelles et en assurer la sanction. Néanmoins la jurisprudence extensive de la CJCE pallie cette lacune, notamment par un arrêt de 2005 : la communauté peut prescrire une sanction pénale par le moyen d'une directive (basculement dans le premier pilier et donc adoption à la simple majorité), dès lors que le domaine dans lequel s'exerce la norme pénale est une matière totalement communautarisée. (...)
[...] Tout traitement différencié devenait donc intolérable. - de la même manière, c'est parfois le juge pénal, et plus précisément la chambre criminelle qui prononce de réelles abrogations judiciaires, au titre de la CESDH : une loi de 1977 prohibait tout sondage d'opinion dans la semaine précédant une élection présidentielle. Sur le fondement de l'article 10 de la CESDH, la chambre criminelle a annulé les condamnations prononcées sur la base de cette loi, au nom de sa contrariété avec la convention. [...]
[...] L'impact neutralisateur du droit européen découle de la nécessaire primauté des conventions internationales sur le droit interne. Depuis l'arrêt Jacques Vabre, une loi, qu'elle soit antérieure ou postérieure à la ratification d'un traité, ne peut aller à l'encontre de cette convention. Il en résulte un phénomène de sanction du législateur imprudent par un effet d'annihilation du droit pénal interne en contradiction avec le traité, tant au niveau de l'incrimination que de la sanction La neutralisation de l'incrimination nationale. > L'arrêt CJCE Costa contre Enel de 1964 consacre la logique d'intégration des communautés européennes : la communauté est une ordre juridique propre intégré aux systèmes juridiques des membres et qui s'impose à leurs juridictions Bien avant l'arrêt Jacques Vabre, la CJCE avait annoncé la primauté du droit communautaire sur les ordres juridiques internes. [...]
[...] Par nature, les normes communautaires sont donc supérieures aux normes de droit interne. Cette supériorité se manifeste notamment par la possibilité, reconnue tardivement par la chambre criminelle pour le juge pénal de poser une question préjudicielle à la CJCE. (1997 alors que la CJCE prévoyait dès 1972 la possibilité pour le juge pénal de la saisir à cette fin). Le litige est suspendu jusqu'à la réponse de la Cour : le droit communautaire tient le criminel en l'état. > Dès lors, on devine que le droit communautaire primaire peut neutraliser le droit pénal interne contraire au Traité, dès lors que les dispositions de la convention sont claires et précises et qu'elles créent une obligation juridiquement parfaite. [...]
[...] En posant des exigences auxquelles doivent se conformer les Etats membres, les Cours supranationales s'érigent en législateur de fait. Tant la CEDH que la CJUE développent des jurisprudences et des concepts autonomes leur permettant d'initier la création de droit pénal interne Si l'on ajoute à cela la consécration institutionnelle d'un pouvoir d'impulsion direct en matière pénale, notamment par le biais du Traité de Lisbonne on est en droit de s'interroger sur le devenir de la souveraineté nationale en droit pénal. Une jurisprudence européenne créatrice de droit pénal. [...]
[...] Europe et droit pénal. Le drame est que les français restent sans voix et sans réactions, comme hébétés, devant toutes les mutilations de leur souveraineté qui leur sont imposées. ( . ) Ce n'est plus un peuple de veaux mais une colonie de lemmings. Le propos d'Yves Marie Laulan est sévère, violent, et même s'il convient de ne pas en exagérer la portée, on ne peut non plus nier qu'il est révélateur d'un courant de pensée en vogue de nos jours : l'euroscepticisme. [...]
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