Au lendemain de la découverte des atrocités commises sous le IIIe Reich, lors de la libération, par les Alliés, des survivants des camps d'extermination nazis, est apparue une nécessité nouvelle dans l'histoire juridique : celle de la naissance d'une justice internationale.
Une justice dotée d'instances propres, à compétence universelle, à même de juger les crimes les plus odieux : génocides, déportations, massacres et viols collectifs ; brefs, crimes de guerre ou crimes contre l'humanité. C'est tout le sens de la création du tribunal spécial qui conduit le procès de Nuremberg. La nécessité, le devoir moral, de ne pas laisser les auteurs des crimes les plus atroces vieillir en toute impunité, ont survécu à Nuremberg. Car le tribunal de Nuremberg et, dans une moindre mesure, celui de Tokyo, ont permis la prise de conscience, non pas tant de la nécessité d'une juridiction pénale internationale, que de celle de ne jamais laisser impunis les responsables des crimes les plus graves qui puissent être commis à l'encontre de l'humanité. Mais Nuremberg, qui n'était pas exempt de défauts, posait aux juristes certains problèmes (question de la rétroactivité, question d'une justice de vainqueurs exercée contre des vaincus, entre autres). Bref, il a bientôt fallu, pour pallier ces manques, envisager la création d'une instance nouvelle : la Cour pénale internationale.
Née le 17 juillet 1998, la Cour pénale internationale, dont le siège se situe à La Haye, voit le jour avec l'adoption du statut de Rome en 128 articles, lors d'une conférence diplomatique réunie sous les auspices des Nations Unies. Cette instance juridique nouvelle a vocation à poursuivre l'œuvre des tribunaux pénaux internationaux ayant existé, tribunaux ad hoc dont les carences avaient été durement ressenties dans l'expérience d'ex-Yougoslavie notamment. La nouvelle Cour est donc marquée par la volonté de tirer les leçons des échecs juridiques passés. A cet égard, elle doit être une garantie absolue contre l'impunité des grands criminels, souvent puissants dans leur pays, mission qui implique nécessairement, pour être menée à bien, que l'instance revête un caractère international et même supranational.
Cependant, les règles fondamentales de l'édifice juridique existant, celles du droit international, ne peuvent être bafouées. La nouvelle Cour se doit également, paradoxalement, de respecter le principe de souveraineté des Etats : dès lors, comment peut-elle légitimement s'ingérer dans le système juridique d'un pays et conduire un procès au nom d'une justice prétendue mondiale, alors même que la justice est l'un des premiers éléments constitutifs de la souveraineté d'un Etat ?
Ce qui nous mène à cette question fondamentale : la création de la Cour pénale internationale en tant que rempart contre l'impunité viole-t-elle le principe fondamental du droit qu'est la souveraineté particulière des Etats ? Telle est la problématique que nous retiendrons dans cette étude sur la Cour pénale internationale ; problématique qui découle évidemment d'une dialectique entre deux principes contradictoires : celui d'une justice internationale, par essence supranationale, et celui de la souveraineté nationale dont jouit, et doit jouir, tout Etat indépendant.
[...] Notamment, les avocats des hauts dignitaires nazis font valoir que le droit international n'a trait qu'aux actions des Etats souverains, et en aucun cas à celles des personnes, ce qui induit que les accusés ne peuvent avoir à répondre des crimes internationaux. Ce n'est que dans les années suivant Nuremberg, sous l'égide de l'ONU, que naît une commission devant travailler non seulement à l'élaboration des normes du droit applicables (définition des différents crimes, de la notion de génocide, etc), mais encore à l'élaboration du statut d'une future cour criminelle internationale, qui prendra la forme de la CPI. [...]
[...] En outre, le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire est l'un des fondements de la juridiction moderne. CONCLUSION La naissance d'une juridiction permanente universelle, la Cour pénale internationale, synthèse entre les deux cultures juridiques dominantes aujourd'hui (Common Law et droit continental) est, pour citer le Secrétaire général des Nations-Unies dans son discours du 17 juin 1998 un grand pas en avant vers l'universalité des Droits de l'Homme et le respect de la règle de droit sans pour autant porter atteinte au vieux principe de souveraineté des Etats, comme on aurait pu légitimement le craindre, principe qui avait jusque là fait le jeu de l'impunité. [...]
[...] A cet égard, un gage efficace contre tout abus de souveraineté d'un Etat à l'encontre d'un autre, à travers la CPI, est l'indépendance dont jouissent les membres de la Cour. Celle-ci est en effet composée de quatre organes. En premier lieu, il existe une Présidence, composée d'un président et des premiers et seconds vice-présidents, élus à la majorité absolue par les juges, pour un mandat renouvelable de trois ans. Les membres de la Présidence ne sont donc pas soumis à tel ou tel Etat. La Présidence est chargée de la bonne administration de la Cour, à l'exception du Bureau du Procureur (de manière à garantir l'indépendance de ce dernier). [...]
[...] La façon dont la Cour pénale internationale dépasse ces échecs comporte l'avantage de concilier les principes de souveraineté des Etats et le combat contre l'impunité des crimes de barbarie ; en effet, l'idée clef qui accompagne la naissance de la Cour pénale internationale est la suivante : la responsabilité internationale des personnes doit aller de pair avec un mouvement international en faveur des droits de l'homme Ainsi, le respect des droits de l'homme est une condition sine qua non de la jouissance de la souveraineté, ce qui crée une sorte de droit d'ingérence juridique. En outre, pour bénéficier des droits de la défense, les individus doivent se reconnaître comme des sujets soumis à des devoirs internationaux. Il y a individualisation de la responsabilité pour les crimes de guerre, si bien que l'Etat n'est pas mis en cause. [...]
[...] Il convient donc ici de nuancer pour éviter tout manichéisme. En effet, si la CPI a vocation à intervenir au-dessus des Etats dont les chefs se livreraient à des crimes graves, et ce malgré la souveraineté de ces Etats normalement indépendants, la réalité n'est pas celle d'une intervention automatique d'une Cour toute- puissante dans un Etat souverain, pour juger son ou ses chef(s). Ainsi, le principe qui gouverne le fonctionnement et l'action de la Cour est celui d'une véritable complémentarité : les États conserveront à titre principal la responsabilité de poursuivre et juger eux-mêmes les crimes les plus graves ; et la CPI ne sera compétente qu'en cas de défaillance ou de mauvaise volonté des États. [...]
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