Selon l'article 40-1 du Code de Procédure Pénale (CPP), le procureur de la République, « lorsqu'il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance constituent une infraction pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, décide s'il est opportun : soit d'engager des poursuites, soit de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites, soit de classer sans suite la procédure ».
Cet article est le socle du principe de l'opportunité des poursuites appartenant au procureur de la République, à qui la pratique, puis le CPP depuis la loi du 9 mars 2004 offre une option dans l'exercice de l'action publique. Cette individualisation des poursuites peut ainsi conduire à la mise en oeuvre d'alternatives aux poursuites pénales traditionnelles, la « troisième voie » entre le classement sans suite et la poursuite proprement dit.
Ces alternatives aux poursuites ont été développées dans les vingt dernières années. Si la médiation pénale a été introduite dès 1993, c'est en 1999 que ces mesures alternatives ont été réellement étendues et encadrées par le CPP, notamment par l'avènement de la composition pénale et la codification d'alternatives issues de la pratique. Enfin, c'est par la loi du 9 mars 2004, loi PERBEN II, que les mesures alternatives aux poursuites ont définitivement été consacrées et structurées aux articles 41-1 et 41-2 du CPP.
Le but du développement de ces alternatives aux poursuites est ici en premier lieu de désengorger les tribunaux tout en proposant des réponses pénales à des infractions dont la gravité n'exige ni une poursuite imposée ni une réponse pouvant paraitre démesurée au regard de la situation. Ainsi, afin d'éviter de nombreux classements sans suite pouvant paraître à juste titre incompréhensibles à l'opinion publique, il est apparu nécessaire au législateur de développer de nouvelles réponses. Ces alternatives ont aussi un rôle modérateur contre les effets pervers sur l'égalité entre les citoyens du principe de l'opportunité des poursuites. En effet, selon le procureur de la République, une même infraction pouvait donner lieu à un classement sans suite comme à une mise en oeuvre de l'action publique ! L'avènement de ces mesures répond alors à une nécessité de mettre en oeuvre la réponse pénale à mi-chemin entre le classement sans condition et son caractère mortifiant et frustrant pour la victime et le procès pénal et son caractère vexatoire pour le poursuivi.
En quoi la récente consécration de ces nombreuses alternatives aux poursuites entrainent-elles ce paradoxe d'être nécessaires quoique dangereuses pour l'intelligibilité de la justice pénale ? (...)
[...] De même, si le rôle du procureur de la République se trouve valorisé par ce nouveau pouvoir d'estimer discrétionnairement que l'alternative peut être préférée à la poursuite pénale, le juge du siège, indépendant et compétent pour juger des faits délictueux reste présent afin de valider la composition pénale. Le recours au juge de siège est en effet essentiel afin de limiter le danger de l'arbitraire et de respecter le principe de la séparation des autorités de poursuite et de jugement. C'est ainsi que le Conseil Constitutionnel a considéré dans sa décision du 2 février 1995 que la validation de la composition par un juge du siège était satisfaisant. Etant soumis à l'homologation du président du Tribunal, le parquet n'acquiert finalement pas un réel pouvoir de sanction. [...]
[...] Les alternatives aux poursuites représentent aujourd'hui une masse considérable. En effet, l'annuaire statistique de la justice précise que 73392 affaires ont donné lieu à une composition pénale et que 558047 autres ont fait l'objet d'une autre alternative aux poursuites. Cependant, si cette tendance permet une réponse souvent appropriée, les alternatives aux poursuites comportent de nombreuses failles dans leur mise en œuvre pouvant notamment porter atteinte à la nécessaire égalité de traitement entre les citoyens. Si les alternatives aux poursuites forment une tendance récente et se sont rapidement développées dans leur diversité ces nouveaux modes de poursuite modérée doivent respecter un certain équilibre entre la volonté justifiée de donner une réponse pénale tout en désengorgeant les tribunaux (II). [...]
[...] Le danger est d'engendrer la conséquence inverse du but recherché à savoir un sentiment de frustration de la victime et de l'opinion publique et le sentiment d'une prise en charge brouillonne et confuse d'une justice pénale qui tend aujourd'hui à tous les stades de la procédure à transiger avec le délinquant. [...]
[...] Il eut été sans doute préférable que le législateur n'élargisse point la liste des infractions susceptibles d'être traitées par une composition pénale. Aujourd'hui et depuis 2004, quasiment toutes les infractions punissables par moins de 5 ans d'emprisonnement sont visées, ce qui n'incite clairement pas au respect des prescriptions légales pour des délits pouvant être moyennement importants. Ainsi, il n'est absolument pas sûr que les alternatives aux poursuites aient un caractère dissuasif, d'autant plus qu'il est fréquent que les autorités de poursuite proposent une telle mesure envers un multirécidiviste de petits délits. [...]
[...] Cependant, en cas d'absence de consentement de la personne, comme en cas d'inexécution de la mesure, le procureur a l'obligation de poursuivre les faits reprochés. Ainsi, le procureur de la République peut proposer au contrevenant diverses mesures, le code en énumérant 17, pouvant revêtir le caractère d'une amende, de la remise de la chose qui a servi à la commission de l'infraction, du véhicule, du permis de conduire ou du permis de chasser mais pouvant aussi porter sur une obligation de soins, d'accomplissement de stages ou de travaux d'intérêt général. [...]
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