Selon Paul Ricoeur, la punition est la condition préalable à toute forme de pardon. C'est en ce sens que le droit pénal revêt toute sa dimension de vecteur de la paix sociale. Cependant, et l'idée est millénaire, la paix sociale peut aussi être assurée par un facteur aux antipodes de l'idée de punition : l'oubli. [...] > Amnistie : Elle se présente toujours sous la forme d'une loi qui fait disparaître rétroactivement le caractère délictueux des faits. Elle a souvent servi à rétablir l'unité
nationale après une période troublée. C'est l'autorité politique qui oeuvre ici en faveur de l'oubli.
Conditions : chaque loi porte sa propre réglementation : aucune théorie générale de l'amnistie.
- Tantôt pure et simple/tantôt conditionnée : réparation du dommage, exécution de la peine.
- L'amnistie vise des infractions et non des coupables, même si elle tend à devenir de plus en plus individualisée : « grâce amnistiante » : individus nommément désignés par le Président de la République lui même. Lorsque le Président n'intervient pas directement, l'amnistie est laissée à l'appréciation des autorités judiciaires : lorsque l'amnistie est subordonnée au prononcé d'une certaine peine.
[...] C'est ici au nom de principes supérieurs qu'opère le devoir de mémoire, et pas dans un souci prosaïque de politique répressive. Le droit pénal, reflet de nos valeurs, prend ici toute sa dimension symbolique.
L'oubli recule dès lors d'autant que l'on en revient la conception de Beccaria concernant l'imprescriptibilité des crimes atroces. Mais il ne s'agit plus ici de rendre imprescriptibles les atteintes à la personne humaine elle même, il s'agit davantage de réprimer toute atteinte à l'essence de l'Homme avec un grand H : l'Humanité.
> Imprescriptibilité des crimes contre l'humanité : les crimes contre l'humanité commis par les puissances de l'Axe pendant la seconde guerre mondiale sont sanctionnés par les juridictions répressives françaises sur le fondement de la Charte du Tribunal de Nuremberg. La Charte étant un texte international, elle s'impose en droit interne et peut ainsi être appliquée par les juridictions françaises dans la mesure où la loi du 26 décembre 1964 a posé le principe de l'imprescriptibilité de tels crimes. (...)
[...] S'ensuivirent des condamnations ans après les faits : le cas de Maurice Papon est évidemment emblématique. Le droit pénal avait quitté la sphère de l'oubli, pour rentrer dans l'ère de la repentance. La punition tend alors à devenir la fonction unique du droit pénal, l'oubli étant marginalisé. La société actuelle n'admet plus que l'œuvre du temps puisse paralyser la répression : l'Homme doit se rendre comme maitre et possesseur de la Nature, mais aussi du Temps. L'oubli subsiste certes, mais surtout après la condamnation. L'alternative est claire : punir ou oublier, pour pardonner ? [...]
[...] La focalisation de l'attention sur la victime est ici manifeste : les actes de la partie civile de même nature que ceux du ministère public interrompent aussi l'action publique. Le droit { l'oubli en matière pénale est donc réellement affaibli en ce qui concerne la prescription de l'action publique. Néanmoins, se manifestent d'autres formes d'oubli, tendant à se confondre avec le pardon, de par leur nature postérieure aux poursuites, voire à la condamnation. Pardonner pour oublier. On l'a vu, le principe de prescription de l'action publique est affaibli. [...]
[...] Dès lors, on a largement édulcoré le principe d'oubli en droit pénal : les articles et 9 du CPP ont connu 6 modifications depuis 1992. - Sur le point de départ du délai de prescription : le point de départ est repoussé ponctuellement pour certaines infractions, faisant perdre toute cohérence à la classification originelle : certains délits sont prescrits par 3 mois alors que les contraventions sont prescrites au bout d'un an. De plus, pour les infractions contre les mineurs, le point de départ du délai est repoussé { sa majorité, ce qui atténue considérablement le droit { l'oubli dont peuvent se prévaloir les auteurs de crimes sexuels sur des mineurs notamment. [...]
[...] On le voit ici, la mémoire est un attribut de protection de l'Humanité et elle prime sur l'oubli dans les situations les plus graves. De la même manière, les faits commis depuis le 1er mars 1994 tombent sous le coup des articles 211-1 et suivant du NCP, qui pose une définition propre des crimes contre l'humanité. Il en définit aussi l'imprescriptibilité, même si la cour de cassation n'admet pas leur rétroactivité. Dès lors, les exactions commises après la seconde guerre mondiale mais avant l'entrée en vigueur du NCP, ne pourront être poursuivis sur ce fondement. [...]
[...] La mémoire dans la peau. > Fichiers : outre le casier judiciaire strictement encadré par le législateur, on assiste à un accroissement substantiel du nombre de fichiers de police. Aussi divers et variés, ils constituent un outil efficace pour les forces de police dans le cadre de la recherche des auteurs d'infraction. Leur énumération serait vaine tant ils sont nombreux, mais on peut citer les plus emblématiques : le FIJAIS, pour les auteurs de crimes sexuels/le STIC : pour les personnes mises en cause mais aussi les victimes/le FNAEG recensant les empreintes génétiques des mis en cause et qui a connu une extension frappante depuis la loi Perben II. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture