La cour de cassation, 3e chambre civile et la chambre commerciale a eu à connaître à des dates très proches, dans les deux arrêts du 4 janvier 2006 et du 4 juillet 2006, de la question de la responsabilité des dirigeants sociaux, en l'occurrence des gérants d'une EURL et d'une SARL dans l'autre cas, à l'égard de fautes pénales. Les faits des deux espèces sont différents et pourtant il s'agit bien d'une faute pénale dans les deux cas.
Dans la première espèce, une société unipersonnelle à responsabilité limitée a par l'intermédiaire d'une société initiative et partenaire vendu à un couple de particulier une maison d'habitation qu'elle avait édifiée elle-même après démolition de la construction précédente. Des désordres ont été constatés, ainsi le couple acquéreur a assigné en réparation du préjudice le gérant de la société unipersonnelle, car la société unipersonnelle a été mise en liquidation judiciaire. Alors que dans la seconde espèce, un préposé qui conduisait un véhicule de fonction a renversé une motocyclette. Le contrat d'assurance de la voiture, souscrit par le gérant de la société, a été rompu quelques jours avant l'accident pour défaut de paiement des primes. Le fonds de garantie contre les accidents de la circulation a assigné en paiement de dommages-intérêts le conducteur du véhicule.
Lors de la procédure, les cours d'appel n'ont pas eu la même solution.
[...] Lorsque la société est en cessation des paiements et que s'ouvre une procédure collective, les créanciers qui seront rarement payés dans le cadre de la procédure vont tenter d'engager la responsabilité des dirigeants sociaux pour faute de gestion, c'est l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, dans ce cadre les créanciers ne sont pas tenus de caractériser une faute détachable des dirigeants. Enfin, la faute peut être pénale, mais la faute pénale n'est pas nécessairement détachable des fonctions du dirigeant social, c'est notamment ce que précisent les solutions de la Cour de cassation du 4 janvier 2006 et du 4 juillet 2006. [...]
[...] A l'inverse, dans l'arrêt du 4 janvier 2006, le gérant qui oublie de souscrire l'assurance construction, est une simple négligence de sa part, il n'a pas agi délibérément, ce qui lui vaut de ne pas avoir commis une faute intentionnelle, insusceptible d'engager sa responsabilité personnelle. Néanmoins, la solution de la Cour de cassation du 3 juillet 2006 se comprend aisément d'un autre point de vue, en effet, il ne peut faire parti des fonctions d'un dirigeant social d'avoir la volonté de commettre une infraction pénale, un dirigeant d'une société, ne peut avoir pour mission officielle de commettre des infractions pénales intentionnelles. [...]
[...] Par cette solution la Cour de cassation crée une sorte “d'écran” par la personne morale qui sera responsable des agissements du dirigeant social qui commet une infraction pénale, mais sans en avoir l'intention. Cette décision va à l'encontre du principe pénal selon lequel c'est l'auteur de l'infraction qui est responsable de ses agissements et doit en répondre. De plus, cela va aussi à l'encontre du mouvement connu depuis quelques années de moralisation du droit des affaires, même s'il est difficile de condamner un dirigeant social pénalement et de le mettre en prison pour certains délits, il est vrai que ceux-ci ne devraient pas non plus passer à travers les mailles du filet et in fine être acquittés au profit de la condamnation de la société. [...]
[...] Dans la seconde espèce, il s'agit d'un fait délictuel, d'un accident de voiture, donc seulement la responsabilité délictuelle pouvait être recherchée par la victime. En bref, puisque la responsabilité délictuelle est recherchée par les victimes dans les deux espèces, il s'agit d'engager la responsabilité du fait personnel des gérants. Dans la première espèce, le fait dommageable du gérant est de ne pas avoir payé l'assurance construction, dans la seconde le gérant n'a pas payé l'assurance automobile et n'a pas interdit à son préposé de prendre le véhicule. [...]
[...] En la première espèce, le couple acquéreur se voit privé d'un débiteur solvable en ne pouvant obtenir de lui qu'il répare sa faute, celle de ne pas avoir souscrit d'assurance et donc de ne pas avoir respecté ses obligations, alors que la société est mise en liquidation judiciaire, la solution qui pose un principe clair, se veut néanmoins injuste et non- protectrice du justiciable qui va devoir supporter tous les frais pour une faute qui n'est pas la sienne. Une faute d'une particulière gravité La faute pénale détachable des fonctions pour engager la responsabilité personnelle du dirigeant doit donc être intentionnelle, mais elle doit aussi être d'une exceptionnelle gravité. Ceci se retrouve dans l'arrêt de la 3e chambre civile, mais aussi dans l'arrêt de la chambre commerciale, toutes deux reprenant la solution de la chambre commerciale de 2003. Cela signifie que la faute intentionnelle doit être très grave. [...]
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