Tribunal Spécial pour la Sierra Léone,
Le Procureur c. Sam Hinga Norman, App.,
Arrêt sur l'exception préliminaire fondée sur le défaut de compétence n°SCSL-2003-14-AR72(E) , 31 Mai 2004
En 2002, la Sierra Leone s'engageait dans un processus de réconciliation nationale, appuyé sur la création du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) et la mise en place d'une Commission vérité et réconciliation sur le modèle sud-africain - un impératif, après une guerre d'une violence exceptionnelle qui a duré plus de dix ans. En mars 1991, une rébellion venue du Liberia, lui-même en proie à la guerre civile, avait conduit à un coup d'Etat militaire mettant fin à la présidence de Joseph Momoh, en avril 1992. Principal mouvement rebelle, le Front révolutionnaire uni (RUF) de Foday Sankoh était soutenu par M. Charles Taylor, alors chef de la plus influente faction libérienne et qui deviendra président de son pays en 1997. La lutte pour le contrôle des mines de diamants constituait le moteur principal de l'affrontement . Malgré l'éphémère « paix » signée le 7 juillet 1999 à Lomé (Togo) sous l'égide de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et de l'Organisation des Nations unies (ONU) , le conflit a coûté la vie à plus de 50 000 personnes ; des milliers d'autres ont été violées ou amputées. Les mains coupées par le RUF deviendront l'un des symboles de ce déchaînement.
La question posée au Tribunal est celle de savoir si le crime défini à l'article 4(c) du Statut peut être reconnu comme un crime emportant responsabilité pénale individuelle de l'accusé compte tenu du droit international coutumier au moment des faits reprochés dans l'acte d'accusation.
[...] Pour appréhender cette question difficile, la Cour base son raisonnement sur des jugements rendus antérieurement par le Tribunal Pénal pour l'ex- Yougoslavie, à savoir l'arrêt Hadzihasanovic[7] et l'arrêt Tadic[8]. Reprenant l'arrêt Hadzihasanovic, le Tribunal rappelle que l'interprétation du principe nullum crimen sine lege, doit aussi s'entendre de la question de savoir si le comportement reproché était punissable au moment de sa commission[9]. En d'autres termes, il doit être possible et envisageable pour l'accusé de savoir que sa conduite était punissable. Selon la Cour et selon son raisonnement précédent (voir l'enrôlement d'enfant était sans conteste une violation du droit international identifiable par l'accusé. [...]
[...] Balmond, Chronique des faits internationaux (15 Mars 2004 15 Juin 2004) RGDIP p727 - E. Blunt, Paix fragile en Sierra Leone Le Monde diplomatique, décembre 1999. - D. Boyle, L'apport des tribunaux pénaux internationalisés quant au régime du crime in - H. Ascensio, E. Lambert-Abdelgawad, JM. Sorel, Les juridictions pénales internationalisées Cambodge, Kosovo, Sierra Léone, Timor Oriental, Société de législation comparée p121 - G. [...]
[...] Et pourtant, une vraie juridiction internationale doit pour pouvoir se fonder, pour exister, sur l'affirmation de la responsabilité pénale internationale des individus[12]. En partant du constat que l'existence d'une juridiction internationale pénale, dans son mode opératoire concret, implique la reconnaissance, pour ainsi dire judiciaire, qu'à côté des Etats, il y a des individus titulaires de droits et de devoirs sur le plan international ; par conséquent, comme les Etats, les individus doivent pouvoir être considérés responsables de tout acte commis en violation des normes de droit international général[13]. [...]
[...] Le Tribunal reprend ensuite l'arrêt Tadic pour justifier l'engagement de la responsabilité de l'accusé. La subtilité consiste de passer de l'interdiction à l'infraction à proprement parler. L'arrêt pose quatre critères jurisprudentiels d'éléments constitutifs des crimes internationaux : - la violation doit constituer une atteinte à une règle de droit international humanitaire ; - cette règle peut être coutumière ou conventionnelle ; - cette violation doit être grave ; - la violation doit emporter l'engagement de la responsabilité pénale individuelle de la personne ayant entravé la règle. [...]
[...] Arseneault, Sierra Leone, de la justice à la réconciliation Le Monde diplomatique, octobre 2005, p20 - H. Ascensio, L'apport des tribunaux pénaux internationalisés à la définition des crimes internationaux in H. Ascensio, E. Lambert- Abdelgawad, J.M. Sorel, Les juridictions pénales internationalisées Cambodge, Kosovo, Sierra Léone, Timor Oriental, Société de législation comparée p 69 - H. Ascencio, R. Maison, L'activité des juridictions pénales internationales (2003/2004), AFDI p - L. [...]
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