Il est traditionnellement admis que l'escroquerie est un délit de commission qui suppose l'accomplissement par l'agent d'un ou plusieurs actes positifs, qu'il s'agisse d'une prise de faux nom ou de fausse qualité, d'un usage de qualité vraie ou de la mise en œuvre de manœuvres frauduleuses et la modification de rédaction apportée par l'article 313-1 du code pénal de 94, substituée à celle de l'article 405, ne paraît pas de nature à remettre en cause un principe qui semble bien établi.
En effet, une jurisprudence centenaire juge qu'il ne saurait y avoir d'escroquerie lorsque le prévenu s'est contenté de garder le silence sur un fait qui, s'il avait été connu de la victime, l'aurait déterminée à ne pas lui remettre la chose convoitée (Cass.crim 22 janvier 1914).
Cependant, si le principe demeure certain, sa mise en œuvre suscite toujours des difficultés et la question de « l'escroquerie par simple mensonge » a souvent conduit les auteurs à marquer la frontière entre la tromperie punissable et le silence justifié et c'est ce qu'illustre bien notre arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 30 avril 2003 relatif à l'escroquerie par usage d'une fausse qualité d'infirme.
En l'espèce, une personne se disant atteinte de cécité et invalide avait obtenu en 1989 l'allocation compensatrice pour l'aide d'une tierce personne versée par le département de Saône-et-Loire, allocation dont elle obtint le renouvellement par une nouvelle demande déposée en 1996. Mais à la même époque, elle demanda l'agrément d'assistante maternelle, ce qui donna lieu à une enquête administrative qui permit d'établir qu'elle ne souffrait d'aucune infirmité. Une expertise médicale ordonnée ensuite par le juge d'instruction confirma l'absence d'infirmité.
La « prétendue » infirme fut condamnée pour escroquerie par le tribunal correctionnel mais la cour d'appel de Dijon infirma son jugement et relaxa la prévenue au motif qu'elle n'avait commis aucun acte positif en s'abstenant seulement d'indiquer à l'organisme payeur que son état de santé s'était amélioré dans un contexte d'évolution très lente.
On peut dès lors logiquement se demander si le fait, pour la prévenue, de garder le silence sur ce point, peut constituer une omission dans l'action punissable et ainsi de caractériser un délit d'escroquerie par omission.
Les juges de la Haute juridiction répondent par l'affirmative en censurant sévèrement l'arrêt de la cour d'appel au double motif que celle ci n'a pas recherchée si la prévenue n'avait pas fait usage de la fausse qualité d'infirme invalide pour obtenir le versement de l'allocation et retient donc que la dissimulation, par la prévenue, de l'amélioration de son état de santé constituait un usage de fausse qualité et qu'au surplus, les faits étaient également susceptibles de constituer l'infraction prévue par l'article 441-6 al.2 du Code pénal.
Nous verrons dans un premier temps que pour constituer le délit d'escroquerie, la loi exige une attitude active de l'agent (I) même si ce principe tend à être progressivement assoupli par l'admission d'un silence punissable (II).
[...] L'escroquerie, un délit de commission Si le voleur soustrait, si l'auteur d'un abus de confiance détourne, l'escroc, lui, trompe sa victime, par des sollicitations captieuses, afin de la déterminer à lui remettre le bien qu'il convoite. - En effet, l'article 313-1 du Code pénal définit l'escroquerie comme : le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque ( ) - on en déduit donc que la sollicitation doit être positive, même si le terme tromper décrit plus un résultat que les comportements qui sont aptes à l'engendrer (il est possible de tromper en se taisant) - Mais cet art. [...]
[...] La réponse mérite d'être nuancée car en examinant les faits de la cause tels que décrits dans l'arrêt, on s'aperçoit en effet que la Cour de cassation ne sanctionne pas une abstention pure et simple, mais surtout une abstention dans l'action (la prévenue avait pris l'initiative de déposer une demande de renouvellement d'allocation en 96 tout en sachant que son état de santé ne le justifiait pas ; déclaration d'où découlait sa fausse qualité de bénéficiaire des indemnités sollicitées ) - Ainsi, l'affirmation selon laquelle l'absence de déclaration caractérise un acte positif ne doit pas surprendre - Si la prévenue se serait contentée d'une abstention pure et simple, celle ci n'aurait pas été punissable or, en l'espèce, son abstention dans l'action est constitutive du délit d'escroquerie car sa conduite (demande de renouvellement et sa demande d'agrément d'assistante maternelle) prouve que son infirmité avait disparue et donc que les sommes allouées étaient indues. (à rapprocher d'un arrêt du 20 mars 97 où la conduite du prévenu qui, prenant l'initiative d'une action positive, dissimule et omet de mentionner des éléments dont la connaissance aurait dissuadé la victime de lui verser les sommes demandées). En définitive, pour la Cour de cassation, cette information primordiale sur son état de santé devait être mentionnée et ne pouvait être dissimulée sans constituer une omission dans l'action punissable. [...]
[...] Mais à la même époque, elle demanda l'agrément d'assistante maternelle, ce qui donna lieu à une enquête administrative qui permit d'établir qu'elle ne souffrait d'aucune infirmité. Une expertise médicale ordonnée ensuite par le juge d'instruction confirma l'absence d'infirmité. La prétendue infirme fut condamnée pour escroquerie par le tribunal correctionnel mais la cour d'appel de Dijon infirma son jugement et relaxa la prévenue au motif qu'elle n'avait commis aucun acte positif en s'abstenant seulement d'indiquer à l'organisme payeur que son état de santé s'était amélioré dans un contexte d'évolution très lente. [...]
[...] CA Paris 27 septembre 1978). - Cependant, on peut être amené à se demander si la Chambre criminelle ne se livre pas parfois à une interprétation excessive de la loi notamment lorsqu'elle tente de sanctionner un comportement par un délit d'escroquerie alors que l'acte incriminé ne devrait pas recevoir cette qualification On le voit, la Chambre criminelle témoigne d'un attachement variable au respect du principe de l'interprétation stricte concernant certaines infractions - Enfin, comme motif secondaire de cassation, la Chambre criminelle retient que les fais étaient également susceptibles de constituer l'infraction prévue par l'art. [...]
[...] - De même, le fait de ne pas déclarer l'exercice d'une activité professionnelle constitue un acte positif de prise de fausse qualité de travailleur privé d'emploi (Cass. Crim 8 avr. 1999). - Par ailleurs, l'escroc est par définition celui qui induit sa victime en erreur, si celle ci se trompe toute seule, il n'y a pas d'escroquerie à s'abstenir de la détromper et la jurisprudence a longtemps confirmé cette interprétation (Cass. [...]
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