Dans un arrêt du 10 janvier 2006, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a qualifié d'administration de substances nuisibles la transmission du virus de l'immunodéficience humaine lors de rapports sexuels non protégés par un agent n'ayant pas informé son partenaire de sa séropositivité. Le choix de cette qualification implique le refus de celle d'empoisonnement, infraction définie par l'article 221-5 CP.
L'empoisonnement est une infraction distincte du meurtre dont la suppression avait été envisagée lors de la genèse du Code pénal du 01 mars 1994. Elle a cependant été maintenue, son intérêt résidant notamment dans sa qualification d'infraction formelle (qui est constituée indépendamment du résultat de l'acte d'administration d'une substance mortifère), ce qui permet d'incriminer à titre principal la simple tentative d'empoisonnement. L'empoisonnement se définit en effet comme «le fait d'attenter à la vie d'autrui par l'emploi de substances de nature à entraîner la mort». Dès lors, l'infraction est constituée que la victime décède ou non et que l'agent ait ou non eu l'intention de tuer, la simple volonté d'emploi ou d'administration de substances mortifères suffisant à caractériser l'élément moral.
Cependant, l'utilité de cette incrimination spécifique est aujourd'hui remise en question par la doctrine. Tout d'abord, certains estiment que l'exigence de l'animus necandi, c'est-à-dire de l'intention homicide au titre des éléments constitutifs de l'infraction, non prévue par le texte d'incrimination, par la jurisprudence (Crim. 18 juin 2003) a conduit à faire de l'empoisonnement un avatar du meurtre, un meurtre spécial. Par ailleurs, cette infraction ne suffit pas nécessairement à appréhender l'ensemble des actes d'empoisonnement tels que le suicide par ingestion de médicaments qui n'est pas pénalement répréhensible. De même la vente de stupéfiants, par essence nocifs pour la santé, peut être qualifiée d'empoisonnement au sens large du terme («ensemble de troubles consécutifs à l'introduction d'un poison dans l'organisme», Le Petit Robert). D'autres infractions recouvrent ces actes d'empoisonnement comme l'administration de substances nuisibles. Enfin, il est possible de se demander si nombre d'infractions du droit pénal de la consommation ne visent pas à prévenir tout risque d'empoisonnement au sens courant du terme constitué par l'ingestion de produits alimentaires avariés, ne répondant pas aux normes de sécurité d'hygiène ou dont l'étiquetage ne signale pas les composants alimentaires dangereux pour des personnes subissant de graves allergies.
Dès lors, il semble intéressant de s'interroger sur l'intérêt de la qualification d'empoisonnement au regard de la multitude d'actes pouvant constituer ou conduire à un empoisonnement au sens courant du terme. L'empoisonnement au sens large implique alors d'instaurer une répression diversifiée (I) mais qui, paradoxalement, ne parvient pas à assurer cette répression qui demeure incertaine (II).
[...] - La loi du 22 mars 2005 n'a pas dépénalisé l'euthanasie. Toutefois, elle crée des portes de sortie en autorisant, dans des conditions précises et strictes, le médecin a administré une substance thérapeutique ayant pour effet secondaire de hâter le décès du patient. Pourtant, cela aurait pu être analysé comme un empoisonnement au sens pénal du terme, le médecin ayant conscience du caractère mortifère du produit thérapeutique puisque celui-ci a pour effet secondaire d'abréger les jours du malade. Il faut enfin noter que la jurisprudence et notamment les jurys d'assises font preuve d'une certaine indulgence en matière d'euthanasie en raison de la faible dangerosité de leur auteur et de son mobile altruiste. [...]
[...] Le choix de cette qualification implique le refus de celle d'empoisonnement, infraction définie par l'article 221-5 CP. L'empoisonnement est une infraction distincte du meurtre dont la suppression avait été envisagée lors de la genèse du Code pénal du 01 mars 1994. Elle a cependant été maintenue, son intérêt résidant notamment dans sa qualification d'infraction formelle (qui est constituée indépendamment du résultat de l'acte d'administration d'une substance mortifère), ce qui permet d'incriminer à titre principal la simple tentative d'empoisonnement. L'empoisonnement se définit en effet comme fait d'attenter à la vie d'autrui par l'emploi de substances de nature à entraîner la mort». [...]
[...] D'aucuns, dont Alain Prothais ont estimé qu'en exigeant l'animus necandi au titre de l'élément moral, la jurisprudence avait fait de l'empoisonnement un meurtre spécial et avait perdre toute utilité à cette qualification. Les relations sexuelles ayant conduit à une contamination par le virus de l'immunodéficience humaine - Il s'agit ici d'individus qui, se sachant infectés du virus de l'immunodéficience humaine, ont des relations sexuelles non protégées avec un partenaire non-informé de leur état de santé. La question de la qualification pénale de ce comportement a donné lieu à divers arrêts. [...]
[...] Le Sénat s'était opposé à une telle incrimination, considérant qu'il s'agissait là d'un véritable délit d'intention et de la pénalisation des pensées criminelles. Pourtant, l'auteur intellectuel est considéré sur un plan criminologique comme particulièrement dangereux car suffisamment intelligent pour se prémunir de toute poursuite pénale en déléguant la commission de l'acte délictueux à un autre agent, si bien sûr, son comportement ne peut être appréhendé au titre de la complicité par fourniture d'informations (article 121-7 alinéa 2 CP). - Le législateur du 09 mars 2004 a créé l'infraction de mandat criminel en insérant un article 221-5-1 CP. [...]
[...] La répression diversifiée de l'empoisonnement Le législateur contemporain conscient de la diversité des actes d'empoisonnement a cherché à réprimer l'ensemble de ces actes. En raison de la gravité des conséquences humaines et animales des empoisonnements (infirmités, décès), il a choisi de réprimer en amont de l'empoisonnement Toujours dans un souci d'efficacité, le droit pénal contemporain s'est attaché à construire une répression permettant d'appréhender la diversité des actes empoisonnement La répression en amont de l'empoisonnement Le droit pénal de la consommation - L'empoisonnement au sens large n'est appréhendé que de manière parcellaire par l'infraction d'empoisonnement de l'article 221-5 CP. [...]
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