Droit pénal spécial, cour de cassation, chambre criminelle, 15 décembre 2015, denrée alimentaire périmée, abandon d'une chose, intention d'abandon, chose d'autrui, vol, soustraction fraduleuse de la chose d'autrui, gaspillage alimentaire, préjudice matériel, article R.112-25 du Code de la consommation, article 311-1 du Code pénal, impropre à la commercialisation, loi du 17 août 2015, loi du 11 février 2016
La société Schiever décide donc de saisir la justice aux fins de réparation de son préjudice. Poursuivie pour vol, elle est relaxée au premier degré. Cependant, la première instance ne condamne pas la directrice. Le Procureur de la République et la partie civile interjettent appel.
La Cour d'appel va infirmer le jugement de 1re instance en la condamnant à une peine de 1000 euros d'amende avec sursis, et sur l'action civile, l'a condamnée à payer à la société Mazagran services la somme de 500 euros en réparation de son préjudice matériel. La Cour s'attache en effet, d'une part, au règlement intérieur dans lequel cette société interdit à son personnel d'user, sans autorisation, des biens lui appartenant et où elle précise que toutes les marchandises sorties du magasin doivent faire l'objet d'un passage en caisse.
D'autre part, à une note interdisant, conformément à l'article R.112-25 du Code de la consommation alors en vigueur, de distribuer, même à titre gratuit, ou de consommer des denrées alimentaires périmées. Les juges en déduisent que la société victime a clairement manifesté ainsi sa volonté de demeurer propriétaire de ses biens jusqu'à leur destruction effective.
[...] On observe donc que la décision rendue par la Cour de cassation est surtout intéressante, car elle révèle l'importance de l'élément intentionnel pour déterminer si une chose est abandonnée. Le caractère déterminant de cet élément était déjà apparu dans une affaire précédemment jugée. Il s'agissant, comme ici, d'un bien jeté à la poubelle, une lettre déchirée, mais qui n'a pas été considéré comme une chose abandonnée. En effet, les juges avaient considéré que son propriétaire n'avait aucunement consenti par avance de façon explicite à ce qu'elle soit interceptée et subtilisée dans des mains non autorisées (Cass.crim mai 2005). [...]
[...] Il a notamment jugé que commet un vol la personne qui admet avoir trouvé sur la voie publique des rouleaux de fils de cuivre et qui s'est approprié ces objets alors qu'il ne pouvait penser qu'ils avaient été abandonnés (Cass.crim mai 1978). En l'espèce, on peut tenter d'interpréter la décision de la chambre criminelle en y décelant le recours par la Cour à plusieurs types de critères permettant de retenir un abandon de la chose par la société. La valeur nulle des denrées alimentaires périmées a sans doute influé dans l'exclusion de la qualification de vol. Et de ce point de vue, on a du mal à comprendre l'arrêt d'appel qui a condamné Mme Y de vol. [...]
[...] Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle décembre 2015, 14-84.906 - Les denrées alimentaires jetées à la poubelle constituent-elles une chose appartenant à autrui susceptible, par conséquent, d'être volée ? Jeudi 1er mars 2018 Droit pénal spécial LES SOUSTRACTIONS « Il risque la prison pour avoir volé de la nourriture périmée dans les poubelles de l'enseigne Metro » (20 minutes septembre 2017). Cette phrase ; choquante pour certains ; normale pour d'autres est la manifestation d'un contentieux toujours plus grand entre les enseignes de supermarchés qui considèrent que la soustraction des biens périmés est un vol ; et les associations qui s'insurgent contre un tel raisonnement de leur part ainsi que du gaspillage alimentaire. [...]
[...] Toute la difficulté est donc de savoir, si en l'espèce, les denrées alimentaires jetées à la poubelle avaient été abandonnées par leur légitime propriétaire. Dans notre arrêt, les denrées alimentaires étaient non seulement périmées, mais elles avaient été, en conséquence, jetées à la poubelle dans « l'attente » de leur destruction. Tout paraissait alors concourir à les percevoir comme des choses abandonnées, en conséquence de quoi, leur appréhension ne constituait pas un vol. C'est en ce sens que conclut la Cour de cassation en disant « la nature réelle » de ces choses abandonnées et non de ces « biens », ne se trouvant donc pas affectées par l'existence d'une règlementation sanitaire contraire, celle-ci poursuivant un « autre objectif que la préservation des droits du propriétaire légitime ». [...]
[...] En effet, les choses n'appartenant à personne ont pu être appréhendées à travers la formule de « res nullius » ou chose sans maitre (eau, mer). Ainsi, dès qu'une personne s'approprie une res nullius, cette chose perd sa qualité et devient alors susceptible de vol. Ainsi, commet l'infraction, celui qui s'empare d'un animal retenu prisonnier dans un zoo (Cass.crim avril 1903). Mais ne commet pas un vol, celui qui récupère de la ferraille abandonnée depuis longtemps par son propriétaire dans une usine en ruine (CA Rennes juin 1926). [...]
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