En l'absence de texte spécifique incriminant une complicité particulière, les juges ne peuvent sanctionner la complicité d'une infraction qui n'est pas commise. C'est cette nécessité de l'acte principal punissable que la Cour de Cassation impose strictement, tout demandant implicitement au législateur de légiférer en matière de provocation à l'assassinat qu'elle n'a pas les moyens de punir au jour du jugement.
En l'espèce, Schieb a rencontré Benamar et lui a proposé de lui offrir 100 000f s'il tuait sa femme qui se refusait au divorce. Benamar n'aurait pas accepté, mais profité de la situation pour lui soutirer de l'argent, en plusieurs versements. À la suite de quoi, Schieb lui donne toutes les instructions nécessaires à l'exécution de l'assassinat, lui remet un pistolet supposé servir au crime. Benamar voulant vendre l'arme, est alors dénoncé.
Benamar est poursuivi du chef de tentative d'assassinat et Schieb du chef de complicité de tentative d'assassinat. La chambre d'accusation de Colmar les acquitte en considérant que « les différentes rencontres avec Benamar, les consignes criminelles données par Schieb, même accompagnées du versement de sommes d'argent, la remise de l'arme et enfin la promesse d'une somme de 100 000 F, en cas de réalisation du crime, ne constituent que des actes préparatoires dudit crime ; que, bien que coordonnés et procédant d'une détermination criminelle, ils ne sauraient constituer, en présence de l'inaction ou du désistement de Benamar, le commencement d'exécution susceptible de conférer à la simple intention criminelle le caractère d'une tentative punissable ; par voie de conséquences, il n'est pas possible de retenir à l'égard de Schieb, le crime de complicité de tentative d'assassinat, qu'elle qu'ait été son intention, la complicité ne se concevant que s'il y a eu fait punissable ».
Le procureur général près la Cour de Cassation forme alors un pourvoi en affirmant que Schieb ayant organisé l'agression dans tous ses détails, et possédant une volonté criminelle réitérée, ses actes constituent bien le commencement d'exécution d'une tentative punissable.
Peut on poursuivre un instigateur de complicité de tentative d'assassinat, alors que l'auteur principal ayant accepté l'argent et l'arme, n'a commis aucun acte tendant à la consommation du crime ?
[...] La complicité nécessite absolument un acte principal punissable afin d'engager les poursuites, acte qui soit abstraitement incriminé, mais qui n'a pas à être concrètement puni. En l'espèce, la tentative d'assassinat est bien incriminée, mais elle n'a finalement pas eu lieu dans les faits, juridiquement c'est donc insuffisant, l'acte principal punissable est manquant. On ne peut pas être déclaré complice de tentative d'assassinat, si la tentative d'assassinat n'a pas eu effectivement lieu, autrement dit si elle n'est pas punissable, la complicité ne l'est pas non plus. [...]
[...] En 62, les juges n'avaient pas manqué de préciser que dans certains cas où la complicité ne pouvait être retenue, un texte particulier serait le bienvenu. Il avait rappelé que la simple provocation à commettre une infraction ne peut pas être punie lorsqu'elle n'est pas prévue par un texte particulier, et ce n'est que par une loi du 9 mars 2004 que le législateur entend cette demande, en créant une infraction spécifique de provocation à l'assassinat, punie de 10 ans d'emprisonnement et de 15000e d'amende. A présent, Schieb tomberait donc sous le coup de la loi pénale. [...]
[...] Dès lors, les instructions données par Schieb ne constituent que des actes préparatoires insusceptibles de tomber sous le coup de la loi pénale. Donc, on ne peut pas non plus retenir contre lui la tentative d'assassinat. Le législateur avait prévu l'infraction de complicité pour pouvoir sanctionner ces complices qui n'exécutent pas leurs crimes eux-mêmes, notamment lorsqu'ils ont l'intention criminelle et sont à l'origine d'un projet criminel, mais à la condition nécessaire et suffisante d'un fait principal punissable, qui faut défaut en l'espèce. II. [...]
[...] En constatant l'absence de commencement d'exécution du crime les juges en déduisent l'impossible poursuite de la complicité (II). I. L'absence de commencement d'exécution du crime Comme l'a énoncé souvent la Cour de Cassation, le commencement d'exécution d'une infraction permettant de caractériser une tentative ne se conçoit que par des actes devant avoir pour conséquence directe et immédiate de consommer le crime Or, le crime prévu par Schieb n'a pas été tenté par Benamar et les instructions que le premier avait donné à cet effet ne sont considérées que comme des actes préparatoires Un crime non tenté par l'auteur principal L'auteur principal supposé, Benamar, à qui l'exécution matérielle de l'assassinat de la femme de Schieb avait été confiée, n'a commis aucun acte tendant directement et immédiatement à la consommation du crime. [...]
[...] Les instructions données par le complice considéré comme des actes préparatoires En effet, Schieb, ici complice du fait des instructions données et du moyen fourni en vue du crime, pourrait être considéré comme l'auteur principal, et Benamar comme l'homme de main. Mais les juges de cassation refusent de qualifier les actes de l'instigateur de commencement d'exécution, ils considèrent que ces actes pourraient être susceptibles de tomber sous le coup de la complicité, mais pas de la tentative. Pourtant, c'est bien lui qui a préparé chaque détail de l'assassinat manqué : l'arme, le moyen, le lieu, les heures possibles de la commission du crime. [...]
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