Parmi les trois infractions majeures contre les biens, se réalisant par une atteinte juridique, l'abus de confiance a une physionomie particulière puisque victimes et auteurs entretiennent des relations, qui au départ, sont normales. Cette infraction a donc toujours été délicate à définir et à circonscrire.
Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 9 février 2011 permet justement de mieux comprendre s'il y a eu préjudice ainsi qu'un comportement malhonnête permettant la retenue du délit d'abus de confiance.
En l'espèce, il y a eu conclusion d'un contrat entre deux sociétés, la première, le transporteur et la seconde qui est une agence de voyages. Ce contrat avait pour objet la vente de titres de transport et prévoyait que les sommes encaissées, qui restaient la propriété du transporteur, devaient être représentées chaque mois par l'agence de voyages.
La gérante de cette dernière a cependant utilisé le produit des ventes de billets d'avion réalisées en septembre et octobre 2003 afin de régler les frais de fonctionnement de l'agence de voyages, qui n'a donc pu être représenté en raison des difficultés financières que traversent cette société.
Le transporteur a donc porté plainte et s'est constitué partie civile du chef d'abus de confiance.
[...] La représentation rentre dans le champ de l'article 314-1. Le bien étant fongible, la dissipation elle-même n'entraine pas un détournement coupable, puisqu'il est possible de remettre l'équivalent, il faut l'impossibilité de restituer. Les 2 conditions de la dissipation sont réunies, l'acte de dissipation qui ici réside dans le règlement des frais de fonctionnement, et la prévenue se trouve dans l'impossibilité de restituer, ici en raison de difficultés financières de la société. Il y a donc détournement, celui-ci impliquant sans aucun doute la volonté de mal faire. [...]
[...] Vers une présomption de mauvaise foi en matière d'abus de confiance. Il est possible d'affirmer que l'on s'oriente vers une présomption de mauvaise foi. Ceci parce que l'acte de dissipation ou de détournement établit à lui seul l'intention coupable, puisqu'il met automatiquement l'agent dans l'impossibilité de le restituer. Depuis un arrêt rendu par la chambre criminelle le 21 février 1930, la jurisprudence dispense même les juridictions de s'expliquer sur l'existence de l'intention. On a malgré tout vu que lors du détournement d'une chose fongible, et surtout s'il s'agit d'une somme d'argent, la simple dissipation ne suffit pas pour prouver l'intention coupable. [...]
[...] Et il en va de même du désintéressement de la victime, consacré dans un arrêt de la même chambre le 10 mars 1970, repris par la suite le 18 janvier 1972, le 21 janvier 1976, et jusqu'à l'arrêt d'espèce du 9 février 2011 car la cour de cassation réaffirme ce principe dans son attendu. La différence est qu'en l'espèce le désintéressement est partiel, mais on peut clairement affirmer que si le désintéressement total n'efface pas le délit, le désintéressement partiel a encore moins de chance de l'effacer. La solution d'espèce est donc une suite logique à une jurisprudence qui n'a jamais admis le repentir actif comme cause d'exonération du délit d'abus de confiance. B. [...]
[...] L'arrêt du 12 mai 2009 rendu par la chambre criminelle de la cour de cassation illustre cette jurisprudence constante qui explique que la démonstration des éléments de fait permet la déduction implicite de l'intention coupable. Mais appliquer systématiquement cette règle jurisprudentielle confine à une présomption de mauvaise foi, et pourrait engendrer des difficultés avec la Cour Européenne des Droits de l'Homme. [...]
[...] La difficile exonération de la responsabilité pénale lors d'un délit d'abus de confiance. Cette sévérité se traduit de différentes façons, d'abord dans le refus de l'exonération en cas de désintéressement et ensuite dans l'orientation vers une présomption de mauvaise foi A. Le désintéressement insuffisant à l'exonération du délit d'abus de confiance. Dans l'arrêt d'espèce, la cour de cassation prend le contre-pied de la décision de la cour d'appel qui venait confirmer celle de première instance en la cassant et en l'annulant. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture