Cour de cassation chambre criminelle 8 juin 2017, interrogatoire d'un majeur sous curatelle, juge d'instruction, présence d'un avocat, dépassement des vérifications autorisées, mise en examen, viol aggravé, commission rogatoire, filature, projet d'assassinat, nullité d'une audition, procureur de la République, procédé déloyal, détournement de procédure, principe de saisine in rem
Dans le cadre d'une information ouverte le 10 décembre 2014, M.Patrick.X a été mis en examen, notamment, du chef de viol aggravé sur son ex-compagne, Mme Natacha.Y. Le 21 janvier 2015, agissant dans le cadre de l'exécution d'une commission rogatoire, les services de police recueillent le témoignage de son fils M.Kevin.X, jeune majeur sous curatelle : ce denier révèle de façon spontanée que son père avait également prévu d'assassiner son ex-compagne, projet en vue de la réalisation duquel Kevin.X précise-t-il l'avait lui-même aidé en réalisant repérages et filature de Mme.Y.
[...] De façon générale, il est regrettable que les juges de cassation ne saisissent pas l'occasion de ce nouveau litige pour apporter une définition précise à la notion de vérification sommaire. Cela aurait permis de préciser la jurisprudence de 1996 et de fixer celle à venir. Le raisonnement tenu ici parait difficile à comprendre, et il semble en réalité que les juges de la chambre criminelle caractérisent un acte coercitif de la part du juge d'instruction. La caractérisation d'un acte d'instruction coercitif ? [...]
[...] Il faut cependant être prudent, et le terme de coercition doit être entendu de façon large, et ne pas seulement viser la coercition physique du témoin. Il est alors possible d'estimer que les questions posées par le juge d'instruction au témoin sont constitutives d'une coercition, sinon physique, au moins morale. Ce dernier réitère en effet une audition à laquelle il avait déjà été procéder par les services de police dans le cadre d'une commission rogatoire : le témoin sait certainement qu'il risque de devenir suspect s'il ment lors de cette seconde audition. L'absence de l'avocat dans cette situation le dessert également. [...]
[...] Or le juge d'instruction a ici procédé à ce qui s'apparente à une véritable audition de témoin à l'égard de Kevin.X. Pour caractériser cet aspect « trop approfondi », les juges retiennent premièrement que Kevin.X avait répondu de « manière circonstanciée » : il ne s'agissait pas pour lui de confirmer de façon sommaire l'existence d'un projet d'assassinat de la part de son père ainsi que sa propre complicité afin que le dossier soit transmis, mais de préciser le mode opératoire que ce dernier lui avait décrit, ainsi que le détail des repérages et filatures qu'il avait lui-même entrepris. [...]
[...] Cette analyse peut cependant être contrée par une seconde qui reviendrait à dire qu'il n'y a pas ici d'acte coercitif et que, en conséquence, l'arrêt commenté pose une nuance au principe dégagé en 1996 selon lequel le juge d'instruction ne peut procéder qu'à des actes non coercitifs : il ne peut certes prendre que des actes non coercitifs, mais alors « tous les actes non coercitifs ne sont pas permis au titre de vérifications sommaires » Les deux analyses semblent possibles, et il reste difficile de se prononcer de façon tranchée. Il est donc difficile de savoir ici si les juges accordent davantage d'importance au critère sommaire ou approfondi ou à celui de la coercition : dans tous les cas, le résultat est le même puisque l'audition réalisée outrepasse les simples vérifications sommaires. [...]
[...] La loi, reprise dans le cas d'espèce, lui attribue donc la qualité pour contester cette régularité en cas de doute, quand bien même il s'agit d'un acte qui n'ait pas été directement pris à son égard. C'est bien le cas dans l'arrêt étudié puisque l'acte litigieux est l'audition du fils du requérant, audition par laquelle le premier s'incrimine tout en incriminant le second. Cette règle est une nouvelle fois érigée en principe par la chambre criminelle de par sa position liminaire dans l'arrêt, destiné à irriguer ce dernier. [...]
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