Depuis la dramatique affaire du sang contaminé qui a bouleversé la France à la fin des années 1980, la responsabilité pénale des membres du gouvernement est devenue un classique de la littérature juridique actuelle. C'est pour juger les trois ministres impliqués dans ce grand scandale politico-sanitaire, que l'article 68-1 de la Constitution de 1958 a été révisé, par le biais de la loi du 27/07/93. Cette révision marque un terme au privilège absolu de juridiction ainsi qu'à l'immunité pénale dont les membres du gouvernement bénéficiaient jusqu'à lors. Désormais, les ministres ne sont plus jugés par une haute cour, mais par une cour de justice de la république, exerçant concurremment ses compétences avec les juridictions de droit commun.
Des juridictions répressives de droit commun qui obligeront les ministres à « répondre de leurs actes », comme l'avait mentionné François Mitterrand dans une déclaration du 9 novembre 1991, de ces actes délictueux ne pouvant ressortir du domaine d'une quelconque responsabilité politique. C'est également pour « répondre de ses actes » que Michel Noir, ancien ministre du Commerce extérieur et ancien maire de Lyon a été convoqué par les tribunaux. En effet, le 26 juillet 1986, ce dernier organise un repas au sein d'un restaurant lyonnais. Autour de la table sont réunis ses collaborateurs lyonnais et parisiens, respectivement membres de la mairie de Lyon et du cabinet ministériel du commerce extérieur. La facture, s'élevant à 12 800 francs est réglée sur le compte d'une des sociétés de Me Bouthors, beau fils de Michel Noir. Le ministre alors poursuivi et condamné par une juridiction de premier degré pour recel d'abus de biens sociaux décide d'interjeter appel.
[...] En cela ,l'arrêt Michel Noir ne fait que confirmer une décision de la Cour de cassation prise par la chambre criminelle le 26 juin 1995,lorsque Alain Carignon, ancien ministre de la communication poursuivi pour complicité et recel d'abus de biens sociaux portant sur des capitaux ou biens privés se voit débouté de sa demande à être jugé par la cour de justice de la république, les juges ayant ici encore estimé l'incompétence de cette dernière. Par ailleurs, Michel Noir soulève dans l'arrêt commenté une violation des articles 459,591 et 593 du code de procédure pénale .Pour ce faire, il évoque le fait que la juridiction correctionnelle de droit commun ne pouvait se charger de statuer sur les faits qui lui sont reprochés, celle- ci étant frappée d'une incompétence constitutionnelle. [...]
[...] C'est ainsi que le 6 février 1997, la chambre criminelle de la Cour de cassation rend un arrêt de rejet, les juges considérant que le droit avait été bien rendu. Rejetant le principe de l'exception d'incompétence des juridictions de droit commun, ils ont également considéré que les faits reprochés à Michel Noir, ne relevant aucunement de l'exercice de ses fonctions de ministre, n'avaient pas lieu à être jugé par la cour de justice de la république, comme le demandait ce dernier. [...]
[...] Le ministre alors poursuivi et condamné par une juridiction de premier degré pour recel d'abus de biens sociaux décide d'interjeter appel. Il demande aux juges du second degré la nullité de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction ainsi que celle du jugement qui en a découlé, car ,selon lui, la juridiction correctionnelle de droit commun n'était pas compétente pour se prononcer sur les faits qui lui sont reprochés. Pour sa défense ,Michel Noir évoque l'article 68-1 de la constitution de 1958,révisé par la loi constitutionnelle du 27/07/93 en vertu duquel, il revient à la cour de justice de la république et à elle seule de statuer sur les actes délictueux accomplis par les membres du gouvernement ,lorsque ceux-ci ont été accomplis dans l'exercice de leur fonction, ce qui ,toujours selon lui ,était ici le cas. [...]
[...] Il évoque notamment la difficulté à prouver la responsabilité pénale d'un ministre, cette dernière s'avérant être la responsabilité personnelle de celui qui a commis un crime. L'on peut entrevoir cette difficulté au sein de l'arrêt commenté. En effet, bien qu'il paraisse évident que Michel Noir ait ici agi à des fins personnelles, aucune preuve formelle ne pouvait attester que ce repas pour lequel il est poursuivi, n'était pas effectivement relatif à la conduite des affaires de son ministère comme il l'affirmait. [...]
[...] C'est en réaction au manque de responsabilisation des actes ministériels délictueux commis dans cette affaire que la Cour de cassation a effectué un revirement de jurisprudence en la matière. Pendant longtemps en effet, cette dernière ayant affirmé la compétence exclusive de la haute Cour, et ce, au détriment des juridictions de droit commun. La haute Cour, ancêtre de la Cour de justice de la République était alors compétente dans tous les cas, quelle que soit la nature de l'acte commis par le ministre incriminé. Autant dire que les juridictions de droit commun ne statuaient jamais sur une affaire impliquant un membre du gouvernement. [...]
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