L'évolution du droit français donne lieu à une création de règles de droit toujours plus importante. Cette multiplication des textes rend, d'une certaine manière, le travail des juges, et notamment du juge pénal, de plus en plus délicat. Celui-ci, en application, et en conséquence, du principe de légalité (Art 11-3 du Code pénal) a pour devoir de qualifier les faits, c'est-à-dire de conceptualiser les faits susceptibles d'avoir une incidence judiciaire pour les rapprocher de la norme juridique et plus concrètement dire quelle infraction constitue le fait incriminé et par quel texte il est prévu et puni.
En l'espèce, Xavier Sourzat, restaurateur, a conservé dans son congélateur des denrées animales ou d'origine animale dont la date limite de consommation était soit dépassée soit non indiquée. Il a été poursuivi devant le tribunal de police pour exposition, mise en circulation ou mise en vente de denrées animales ou d'origine animale non conformes aux normes sanitaires, contravention prévue aux articles R 231-16 et R 237-2 du code rural. L'affaire se poursuit devant la cour d'appel de Limoges qui prononce la relaxe de M. Sourzat le 8 octobre 2004 au motif que le seul fait de détenir ces denrées dans un congélateur ne justifie pas pour autant leur mise en circulation et donc ne constitue pas une infraction au sens des articles ci-dessus énoncés.
Pour la Cour de cassation il s'agit de savoir si un individu, relaxé de l'infraction pour laquelle il était poursuivi initialement, peut être poursuivi pour les mêmes faits sur le fondement d'une autre infraction du fait d'une requalification par le juge pénal.
[...] L'affaire va alors être renvoyée pour être appréciée sur le fondement du code de la consommation, issu du processus de requalification. A présent que le rôle de la Cour de cassation dans le processus de qualification puis de requalification des faits de l'espèce a été analysé, un 2e temps de réflexion nous conduira à nous interroger sur l'opportunité de cette requalification. II / De la question de la requalification par le juge pénal La requalification des faits par le juge pénal paraît, selon la décision du 31 mai 2005 de la Cour de cassation, être la meilleure solution pour une bonne application de la justice Toutefois, il peut être intéressant de se demander quel sens cette requalification a-t-elle dans une situation de mise en perspective, notamment par rapport à la notion de droits de la défense La confirmation par la Cour de cassation du devoir de vérification de la qualification pénale par le juge La question qui se posait, en partie, à la Cour de cassation dans cet arrêt était de savoir si le juge est tenu de rechercher d'office si les faits invoqués peuvent recevoir une autre qualification que celle invoquée par les parties et d'examiner ensuite la demande sur ce fondement juridique, que les parties n'avaient pas envisagé. [...]
[...] Le procureur général près la cour d'appel de Limoges forme un pourvoi en cassation au motif que dans un 1er temps le juge de police n'a pas vérifié si les faits dont il était saisi étaient constitutifs d'une contravention ; et dans un 2e temps que la cour d'appel s'est contentée d'apprécier la conformité des faits aux articles R 231-16 et R 237-2 du code rural, mais n'a pas recherché s'ils pouvaient être qualifiés d'infractions au regard de l'article R 112-25 du code de la consommation. Pour la Cour de cassation il s'agit de savoir si un individu, relaxé de l'infraction pour laquelle il était poursuivi initialement, peut être poursuivi pour les mêmes faits sur le fondement d'une autre infraction du fait d'une requalification par le juge pénal . [...]
[...] Ces derniers évoquaient la compétence d'actes réglementaires pour définir les normes sanitaires applicables aux denrées animales et d'origine animale, d'une part, et la condamnation à une amende prévue pour les contraventions de 5ème classe au fait d'exposer, de mettre en circulation ou de mettre en vente une partie quelconque d'un animal abattu d'origine animale non conforme aux normes sanitaires mentionnées à l'article R 231-16 En appliquant ces textes aux faits de l'espèce, la cour d'appel en a déduit qu'une condamnation n'était pas envisageable au motif que la seule présence des denrées dans des congélateurs ne caractérise pas la mise en vente ou la mise en circulation incriminée Toutefois, cette déclaration paraît contestable. En effet, la cour d'appel n'évoque pas, ici, le fait que M. Sourzat exerce le métier de restaurateur et les conséquences que cet élément peut induire. Or, en l'espèce, les denrées alimentaires étaient conservées dans la cave du restaurant ce qui laisse à penser que M. [...]
[...] Une question centrale se pose par rapport à cette réflexion : la requalification doit-elle être précédée par le consentement à être jugée de la personne poursuivie ou simplement par l'obligation de lui donner la parole sur la nouvelle qualification envisagée ? Les réponses jurisprudentielles à cette question sont multiples et surtout très fluctuantes au fil du temps. Mais depuis un arrêt du 16 mai 2001 la requalification doit toujours être précédée d'une possibilité ouverte à la défense de s'exprimer sur la qualification envisagée. [...]
[...] Toutefois, il faut noter les difficultés d'adaptation que la garantie des droits de la défense face à la requalification des faits impose, notamment en cas d'absence de la personne à l'audience par exemple. Ainsi, l'arrêt du 31 mai 2005 participe à la consécration au juge du pouvoir de requalification des faits, d'une part, et à la confirmation du devoir de requalification, cette confirmation laissant tout de même planer la question de la garantie des droits de la défense, question posant à l'adresse de la jurisprudence future la question de la place de la personne poursuivie dans la mise en œuvre concrète de la requalification. [...]
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