Cassation, chambre criminelle, interprétation de la loi, 26 février 2020, Poutine, Grévin, exhibition, exhibition sexuelle, haute juridiction, cour régulatrice, cour d'appel
En son temps, Cesare Beccaria avait noté « Les juges des crimes ne peuvent avoir le droit d'interpréter largement la loi pénale, par la seule raison qu'ils ne sont pas législateurs ». Beccaria pose ici le principe d'interprétation stricte de la loi pénale par le juge, exigence fondamentale du principe de légalité, ce que ne manque pas de rappeler la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 26 février 2020. Suite à cet arrêt, nous allons dans ce commentaire aborder les questions inhérentes à l'interprétation qui doit être faite de la loi pénale.
[...] Ainsi, aurait-il été possible pour la Haute Juridiction de reprendre l'argument développé par l'arrêt attaqué sur l'évolution du regard de la société sur le corps de la femme lequel ne donne plus lieu à aucune réaction au nom de la morale publique et ainsi de ne plus compter l'exhibition de la poitrine de la femme en public parmi les prévisions du délit d'exhibition sexuelle de l'article 222-32 du Code pénal. La question se pose, la frontière entre interprétation stricte et interprétation restrictive pouvant paraître parfois très fine. Néanmoins, peut-être est-il préférable en cas de doute de préférer une interprétation un peu plus restrictive du texte pénal au risque de porter atteinte au principe de légalité des peines et des délits. Un lien solide entre exigences de prévisibilité et d'interprétation stricte de la loi pénale Les exigences d'interprétation stricte et de prévisibilité de la loi pénale sont intimement liées. [...]
[...] La Haute juridiction semble avoir opté pour une interprétation téléologique du texte laquelle consiste à faire appel à la ratio legis de la loi, à rechercher l'intention du législateur. En effet, la Cour considère alors que le législateur a entendu faire entrer la poitrine de la femme dans le champ d'application de l'article 222-32, et ainsi qu'elle est un organe sexuel. Il est à noter que cette interprétation n'est pas étonnante, elle est en cohérence avec celle retenue en matière d'agression sexuelle où la Cour de cassation a retenu dans un arrêt du 11 juillet 1989 que le caractère sexuel du contact corporel entre l'auteur et la victime est établi par l'attouchement de seins. [...]
[...] En effet, la chambre criminelle rappelle que le fait que la personne poursuivie soit le subordonné de la victime est indifférent à la caractérisation de l'infraction. Ces faits ne sont pas sans rappeler la complexité de notre affaire ; en effet, il est reproché aux juges du fond d'avoir étendu l'article 222-32 du Code pénal au-delà de son contenu par l'ajout d'un élément intentionnel pour caractériser l'infraction. Alors que l'arrêt attaqué retient que l'exhibition de la poitrine d'une femme n'entre pas dans les prévisions de l'article 222-32 du Code pénal si l'intention exprimée par son auteur est dénuée de toute connotation sexuelle, ne vise pas à offenser la pudeur d'autrui , la Cour de cassation s'empresse de rappeler que c'est à tort que les juges du fond ont retenu une telle solution. [...]
[...] Est-il alors possible de regarder la solution de la Cour de cassation dans notre cas d'espèce comme le résultat d'une interprétation trop restrictive de l'article 222-32 du Code pénal ? Cette question se pose dès lors que la Cour d'appel défend une conception évolutive, et loin d'être inopportune, sur la nudité féminine que la Cour de cassation ne semble pas reprendre. En effet, l'exigence d'interprétation stricte de la loi pénale ne fait en réalité pas obstacle à ce que le texte d'incrimination s'adapte aux évolutions de la société. [...]
[...] À ce sujet, lorsque des juridictions utilisent des méthodes d'interprétation différentes, elles peuvent parvenir à des solutions différentes. Notamment, il semble que la Cour d'appel ait fondée sa solution sur une interprétation plutôt littérale de l'article 222-32 du Code pénal pour retenir que l'infraction d'exhibition sexuelle n'était pas caractérisée tandis que la Cour de cassation semble avoir opté pour une interprétation téléologique. L'interprétation littérale est la plus conforme au principe de légalité en ce qu'elle consiste simplement à se tenir à la lettre du texte. [...]
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