Cour de cassation chambre criminelle 25 septembre 2001, infractions non intentionnelles, homicide involontaire, excès de vitesse, article 221-6 du Code pénal, manquement à une obligation de sécurité, article 121-3 du Code pénal, lien de causalité, loi du 10 juillet 2000, article R413-14 du Code la route, théorie de la causa proxima, commentaire d'arrêt
En l'espèce, un automobiliste roulant de nuit, hors agglomération, au-delà de la vitesse maximale autorisée a percuté un sanglier arrivant sur la chaussée. À la suite de ce choc, l'automobiliste est entré en collision avec une conductrice arrivant en sens inverse provoquant le décès de cette dernière. Le conducteur a alors été poursuivi au chef d'accusation d'homicide involontaire et d'excès de vitesse par le Ministère public.
En première instance le prévenu est relaxé, les juges du fonds considèrent que la survenue inopinée du sanglier était à l'origine de la succession de chocs ayant abouti au décès de la conductrice et que, même si le conducteur avait roulé à vitesse raisonnable, cet enchaînement de circonstances pouvait provoquer les mêmes conséquences. Le Ministère public interjeta appel du jugement. La Cour d'appel a infirmé le jugement en condamnant le conducteur du véhicule pour homicide involontaire. Le conducteur forma un pourvoi.
[...] Pour ce faire, elle a admis qu'un événement d'apparence secondaire, l'excès de vitesse, à contrario de l'événement premier, le choc avec le sanglier, peut donc être directement causal dès lors qu'il est un paramètre déterminant au dommage. Là réside l'intérêt de l'espèce, la volonté de la Haute Cour est de s'éloigner d'une conception chronologique isolée des éléments afin d'apprécier le lien causal. La cause directe s'apprécie de manière globale, afin d'en restituer à la fois le point d'impact et les effets qui en découlent. Tout ce qui s'inscrit dans la logique d'un enchaînement continu a ainsi vocation à être direct, même s'il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une cause chronologiquement première. [...]
[...] De surcroît, ne peut-on pas considérer l'excès important de la vitesse comme l'élément causal premier du dommage ? Nous pensons que oui, car dans l'hypothèse où il n'y aurait pas eu d'excès de vitesse, la collision avec le gibier aurait soit, pu être évitée, soit la collision avec le gibier aurait été d'une intensité moindre, évitant l'accident et le décès de la victime. De plus, si l'on se fit uniquement à l'ordonnancement chronologique des événements, l'excès de vitesse est intervenu avant la collision avec le gibier d'où il suit que celui-ci constitue l'élément déterminant du dommage. [...]
[...] L'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation témoigne de l'enjeu de cette détermination du lien de causalité. Les dispositions de la loi du 10 juillet 2000 tendent à préciser la définition des délits non intentionnels, illustrant sans conteste le plus significativement nos propos. Jusqu'à cette loi du 10 juillet 2000, l'indifférence du caractère direct ou indirect de la causalité était manifeste. En effet, toute faute simple d'imprudence ou de négligence suffisant à mettre en œuvre la responsabilité pénale de l'auteur d'une atteinte involontaire à l'intégrité physique d'une personne. [...]
[...] C'est à ce clivage que tient la séparation entre ce qui est déterminant et ce qui l'est moins. Ainsi, la causalité directe ne se confond pas avec la cause immédiatement antérieure d'un événement générateur puisque le paramètre déterminant assurant l'étroite liaison avec le dommage résulte d'un enchaînement continu d'événements. Elle n'est donc plus une application de la théorie de la causa proxima (l'événement le plus proche du résultat pénal), mais plutôt de la théorie de la causalité adéquate. Cette recrudescence de l'étendue de l'appréciation de la faute aura pour conséquence de n'exiger, dans ce cas, qu'une faute simple, une poussière de faute dans le cas où une causalité directe est admise. [...]
[...] Le Ministère public interjeta appel du jugement. La Cour d'appel a infirmé le jugement en condamnant le conducteur du véhicule pour homicide involontaire. Le conducteur forma un pourvoi. Il estime, sur le moyen unique que, le décès de la victime ne pouvait avoir pour cause directe son excès de vitesse puisque si le sanglier n'était pas survenu, sa voiture n'aurait pas changé de trajectoire et l'accident n'aurait pas eu lieu. La cause première de l'accident ainsi constituée revêtait donc les caractères de la force majeure. [...]
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