Cour de cassation, chambre criminelle, 25 mars 2014, responsabilité pénale, personnes morales, infractions non intentionnelles, délégation de pouvoir, répression stricte, faute simple, commentaire
En l'espèce, un salarié sous contrat de professionnalisation avec une société, a le 27 septembre 2007 bénéficié d'une formation aux principes généraux de sécurité à respecter sur les chantiers. Au cours de l'exercice de son activité, il a manifesté à son tuteur le besoin de changer de poste. Le 10 mars 2008, il a donc été affecté sur un autre chantier. Quelques jours auparavant, le chef de secteur et le chef de chantier avaient effectué sur ce chantier un « quart d'heure de sécurité » en rappelant des consignes de sécurité très strictes sur le chantier, sa périphérie, sur la pose du blindage et des filets de protection de la trachée. Le tuteur du salarié est passé sur le chantier pour rappeler les consignes de sécurité pour éviter tout risque de glissade en raison de la météo pluvieuse. Cependant le 13 mars, le salarié a été victime d'un accident sur le chantier, il a été blessé alors qu'il travaillait à proximité d'une pelle mécanique utilisée sur le chantier.
[...] Si les juges vont énoncer les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de la personne morale, ces dernières vont se révéler être peu restrictives et vont ainsi concourir à un contrôle strict de la personne morale en facilitant l'engagement de sa responsabilité (II). Des conditions de mise en œuvre de la responsabilité de la personne morale peu restrictive L'article 121-2 du Code pénal prévoit que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. [...]
[...] Le jugement de première instance sera infirmé par les juges de la cour d'appel dans un arrêt en date du 12 novembre 2012. Les juges vont déclarer la personne morale coupable des délits de blessures car. Le directeur de la société avait subdélégué ses pouvoirs au tuteur du salarié victime qui disposait donc de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour assurer la formation qui aurait dû être faite au salarié. La société va alors se pourvoir en cassation. [...]
[...] Dans l'arrêt soumis au commentaire, le directeur avait subdélégué au tuteur du salarié victime ses pouvoirs et responsabilités pour faire appliquer la réglementation relative à la protection et à la sécurité des personnes, il lui avait donc transmis la compétence, l'autorité, les moyens nécessaires et la possibilité de proposer des sanctions disciplinaires. Le délégataire appartenait à l'entreprise, disposait de tous les moyens nécessaires au bon déroulement de sa mission, la délégation était donc valable au regard des faits énoncés. La cour d'appel va se baser sur la validité de cette délégation de pouvoir pour établir que le tuteur du salarié blessé dans l'accident était un représentant de l'entreprise. [...]
[...] Pour savoir si l'infraction a été commise ou non pour le compte de la personne morale, il existe deux conceptions : la conception dite étroite selon laquelle l'infraction se fait au profit de la personne morale si elle lui apporte un bénéfice, une économique, puis il y a la conception dite large selon laquelle l'infraction n'apporte aucun bénéfice à la personne morale, mais elle a été accomplie dans le cadre d'activité de la personne morale en lien avec ses missions. Dans son pourvoi, la société va contester le fait que les juges de la cour d'appel n'ont pas précisé en quoi l'infraction avait été commise pour le compte de la société. Cependant, les juges de la chambre criminelle vont confirmer l'interprétation faite par les juges d'appel. [...]
[...] Cette conception a été confirmée par un arrêt rendu par la chambre criminelle le 23 février 2010. Les articles L. 4141-1 et R. 4141-2 et suivants du Code du travail impose au dirigeant, en vue de ses missions en matière d'hygiène et de sécurité, de fournir une formation adéquate à ses salariés, le manquement à ses articles par l'absence de formation adéquate au salarié, va constituer pour les juges une faute simple susceptible engager la responsabilité de la personne morale qu'ils en concluent que le manquement à l'origine de l'accident, à savoir l'absence de formation appropriée du salarié aux risques de liés à l'utilisation d'une pelle mécanique, a été commis par un représentant de la personne morale, agissant pour le compte de celle-ci Ce raisonnement sera repris par les juges en cassation est un représentant de la personne morale au sens de l'article 121-2 du Code pénal, et engage la responsabilité de celle-ci en cas d'atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité physique trouvant sa cause dans un manquement aux règles qu'il était tenu de faire respecter en vertu de sa délégation Ainsi, rechercher la faute commise par le représentant n'a comme seul intérêt que de rechercher la responsabilité de la personne morale puisque la personne physique ne sera pas poursuivie alors qu'elle a elle-même commis la faute. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture