« Alors que, pendant des siècles, les poursuites pour empoisonnement visaient pour l'essentiel des personnes suspectées d'avoir, selon l'expression savoureuse de la marquise de Brinvilliers administré de la poudre à succession à des parents, voici, aujourd'hui se présentent des situations de nature très différente où l'intention de tuer n'apparait pas ». Cette citation de Jean Pradel dans une note intitulée «Empoisonnement » (recueil Dalloz 1998 p.457) met en exergue la problématique apparue il y a une vingtaine d'années concernant l'élément moral dans le crime d'empoisonnement. Le glissement vers ces situations de nature différente sera illustré par l'affaire du sang contaminé. La seconde illustration sera constituée par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 2 juillet 1998.
Un individu séropositif avait obtenu de sa partenaire des relations sexuelles non protégées, après qu'un examen sanguin eut préventivement démontré qu'elle était indemne du VIH. La jeune femme fut atteinte du sida. L'individu fut mis en examen pour empoisonnement.
Se pose la question de savoir dans quelle mesure la transmission volontaire et délibérée du virus du sida par voie sexuelle est susceptible de recevoir la qualification d'empoisonnement. La Cour de cassation de par cet arrêt sanctionne une contradiction et insuffisance de motifs. Elle laisse entier le débat en matière d'élément moral dans le crime d'empoisonnement et est fort embarrassée, si bien qu'on a l'impression qu'elle se dérobe.
[...] La Cour de cassation n'a pas dit qu'il n'y avait pas d'empoisonnement faute d'intention de tuer, contrairement à ce que beaucoup ont affirmé. Les termes de la décision ne nous permettent pas de le deviner. La Cour de cassation n'a rien jugé, elle ne répond pas à la question posée et sa formule laisse toutes les possibilités ouvertes. Mais de par la solution donnée par la Cour de cassation, toute la question est celle de savoir si l'intention doit être ou non définie par référence à l'animus necandi. [...]
[...] Mais cette qualification de substance nuisible ou l'affirmation de l'incurabilité n'est pas suffisante car on minimalise la gravité du VIH. L'individu n'ignorait pas sa séropositivité et ne pouvait méconnaitre le danger de contamination du VIH par la transmission du sperme. Mais substance nuisible ? Incurable ? Mortifère ? . De par la correctionnalisation, on essaie de compenser ce que la jurisprudence n'admet pas en termes d'empoisonnement. [...]
[...] La seconde illustration sera constituée par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 2 juillet 1998. Un individu séropositif avait obtenu de sa partenaire des relations sexuelles non protégées, après qu'un examen sanguin eut préventivement démontré qu'elle était indemne du VIH. La jeune femme fut atteinte du sida. L'individu fut mis en examen pour empoisonnement, et a été renvoyé de ce chef devant la Cour d'assises des Alpes-Maritimes par la Cour d'appel d'Aix- en-Provence. [...]
[...] Les juges du fond se sont prononcés par référence au caractère incurable de la maladie mais selon le pourvoi, ce qui est incurable peut ne pas être mortel. Le pourvoi conteste le fait qu'on a retenu la qualification d'empoisonnement alors que le caractère nécessairement mortifère de la substance administrée n'est pas établi. Et il met en exergue l'idée de risque de contamination mais pas de contamination effective. Il y a pour le pourvoi une part d'aléa. Mais la Cour de cassation ne fait pas allusion aux éléments matériels du crime d'empoisonnement. [...]
[...] La Cour de cassation retient que la Cour d'appel a bien caractérisé le délit en tous ses éléments. Les qualifications délictuelles paraissent donc davantage adaptées De la sorte, la question essentielle devient celle de la nature de la substance administrée. Dans l'affaire de 1999, la Cour d'appel affirme le caractère nuisible dans l'affaire de 1998, la CA affirme le caractère incurable du VIH. Or nuisible et incurable diffèrent de nature à entrainer la mort ou substances mortifères constitutives du crime d'empoisonnement. [...]
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