Cour de cassation, chambre criminelle, 19 juin 2012 - Non respect d'une convention collective de travail étendue

Extraits

[...] ] La solution de la Cour de cassation peut être comprise notamment à la lumière du pourvoi de l'employeur qui mettait en avant que cet article n'autorisait pas les dérogations conventionnelles dans une matière déterminée, mais de façon générale. La Cour de cassation semble ainsi adopter cette interprétation puisqu'elle refuse de considérer remplies les conditions posées à l'article L.2263-1 du Code du travail. Les Sages de Paris estiment, à l'inverse de la Cour d'appel, que les conditions mentionnées à l'article L.2263-1 ne sont pas remplies. Par conséquent, les juges de cassation se penchent sur la question de la sanction de la méconnaissance d'une convention collective dès lors que les conditions de l'article précité ne sont pas réunies. [...]

[...] B.) Le non-respect de la convention dérogatoire en vertu d'une disposition législative expresse dans une matière déterminée : le délit d'entrave. Pour casser et annuler l'arrêt de la Cour d'appel puis rejeter, au fond, la qualification pénale du délit d'entrave, les juges de cassation se sont appuyés sur l'article L.2263-1 du Code du travail. Ils ont ainsi repris les termes de l'article disposant que lorsqu'en application d'une disposition législative expresse dans une matière déterminée, une convention ou un accord collectif de travail étendu déroge à des dispositions légales, les infractions aux stipulations dérogatoires sont punies des sanctions qu'entraîne la violation des dispositions légales en cause Les Sages de Paris suivent en fait une jurisprudence constante issue de l'ancien article L.153-1 du Code du travail remplacé par l'article L.2263-1. [...]

[...] En effet, ces conventions doivent, en principe, être respectées par leurs signataires et même, plus largement, par toutes personnes concernées s'agissant d'une convention ou d'un accord collectif de travail étendu. Selon la formule, ces accords tiendraient même lieu de loi pour les personnes concernées. L'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 19 juin 2012 dévoile bien la place centrale que tiennent ces conventions. En effet, dans son arrêt, la Cour de cassation a eu à se pencher sur la question de la sanction de la méconnaissance, par l'employeur, d'une convention collective de travail étendue. [...]

[...] B.) Les sanctions civiles comme seul moyen de protection de la convention dérogatoire non instituée en vertu d'une disposition législative expresse dans une matière déterminée. Les Sages de Paris, en l'espèce, refusent de caractériser le délit d'entrave faute de disposition législative autorisant expressément, dans une matière déterminée, une dérogation conventionnelle à la loi. Les juges de cassation estiment donc que la méconnaissance de la disposition conventionnelle dérogeant à la loi ne peut être sanctionnée au titre du délit d'entrave que si et seulement si les conditions prévues par l'article L.2263-1 sont remplies. [...]

[...] En estimant, en l'espèce, que la protection de la convention ne peut être assurée que par les seuls recours civils, la chambre criminelle de la Cour de cassation perpétue une jurisprudence constante puisque, dans les trois arrêts du 4 avril 1991, elle retenait déjà cette solution. Un arrêt du 5 mars 2013 de la Cour de cassation rappelle le principe de la double protection pénale et civile des conventions collectives de travail étendues. Toutefois, dans ce dernier arrêt, le juge de cassation applique de façon positive pour la première fois, l'article L.2263-1 du Code du travail en retenant la qualification du délit d'entrave. [...]