Cet arrêt de la Cour de cassation renvoie à une affaire extrêmement médiatisée, dite « l'affaire du sang contaminé », sur laquelle la France entière a donné son avis. Mais il serait important de regarder les faits réels, et leur qualification juridique, avant de former une opinion. À partir de 1983, où l'on commençait tout juste à s'inquiéter du virus du SIDA et de ses risques, il a été remarqué que les donneurs de sang ne subissaient pas de sélection suffisante, « y compris auprès des populations à risques ».
Il en a résulté qu'en 1985, le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) s'est trouvé en possession d'une grande quantité de sang contaminé par le virus. Mais le responsable du CNTS, ainsi, par la suite, que d'autres hauts fonctionnaires et responsables ministériels, ont ordonné, en connaissance du haut risque que cela représentait, l'écoulement de ces stocks en les transfusant malgré tout. Les médecins n'étaient pas au courant de la contamination des stocks qu'ils transfusaient, et il existait à l'époque des doutes quant à la mortalité du virus.
Ici, il fallait donc se demander si la simple administration de substances de nature à donner la mort pouvait qualifier le crime d'empoisonnement ; et par ailleurs, si le fait de faire administrer ces substances par d'autres personnes – en l'occurrence, des médecins – pouvaient rendre ces personnes coupables de complicité du crime.
[...] Qui plus est, comme pour la complicité, c'est un raisonnement logique qui l'emporte : puisqu'il n'y a pas de crime d'empoisonnement, il n'y a pas de non-dénonciation de crime. Ainsi, la chambre criminelle de la Cour de cassation donne raison à la chambre d'accusation de la cour d'appel, mais cette affaire retentissante aura détruit de nombreuses carrières politiques, la vie de patients innocents, et n'aura pas permis de punir une faute flagrante des autorités ayant ordonné la poursuite des transfusions. [...]
[...] Ils ne peuvent donc pas, de ce point de vue, se rendre coupables d'un crime dont ils n'avaient pas connaissance, seuls les médecins qui ont prescrit l'administration des produits sanguins auraient pu être auteurs principaux de ce crime, mais la preuve n'est pas apportée qu'ils aient connu le caractère nécessairement mortifère des lots du CNTS Eussent-ils connu et le caractère mortel du virus, et sa contamination dans les produits sanguins, peut-être auraient-ils pu être accusés de complicité. Qui plus est, le lien de causalité jouant entre les faits et la complicité de ces faits empêche également cette qualification. Le lien de causalité nécessaire La complicité dans une affaire ne pourra donc être incriminée, logiquement, que si les faits eux-mêmes le sont. [...]
[...] Cependant, malgré l'absence évidente de volonté criminelle, il y a une certaine imprudence de la part des prévenus. Une imprudence En effet, il est indiqué que dès 1983, les médecins ont commencé à savoir que le virus se transmettait par voie sanguine. Cette découverte a été suivie d'une circulaire du 26 juin 1983 de la direction générale de la Santé, réitérée en 1985 par une autre circulaire, indiquant qu'il devenait nécessaire de prendre plus de précautions lors des donneurs de sang, et de mieux les sélectionner pour éviter les risques. [...]
[...] On peut supposer que ce sont les patients encore en vie, et les familles de ceux qui sont morts, ainsi que des associations de soutien qui ont déposé une plainte contre les médecins et contre les responsables ayant donné l'ordre d'écouler le sang contaminé. Cette plainte a été examinée, et les prévenus ont été condamnés en première instance à 6 ans d'emprisonnement, certains pour empoisonnement, et d'autres pour complicité ou non-dénonciation du crime d'empoisonnement. La 13 chambre d'accusation de la Cour d'appel de Paris a infirmé cette décision en rendant une ordonnance de non-lieu, c'est pourquoi les victimes ont formé un pourvoi en cassation. [...]
[...] On en a pendant très longtemps ignoré les modes de transmission, ainsi que le caractère mortel. Ceci explique la volonté pour les responsables de l'affaire du sang contaminé d'épuiser les stocks de sang atteints du virus car ils ne croyaient pas vraiment que ce sang pouvait conduire à la mort certaine et rapide des personnes à qui on le transfusait. La Cour de cassation le reconnaît bien : des incertitudes régnant encore, à l'époque, dans les milieux médicaux, quant aux conséquences mortelles du SIDA Là encore, il manque donc un élément pour qualifier les faits de crimes d'empoisonnement. [...]
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