Arrêt du 18 juin 2003, pourvoi 02-85.199, affaire du sang contaminé, infraction intentionnelle, caractérisation d'une intentionnalité, complicité, empoisonnement, don du sang, non-assistance à personne en danger, dépistage obligatoire, transfusion sanguine, code pénal, VIH Virus de l'immunodéficience humaine, homicide
En l'espèce, les centres de transfusion sanguine ont continué à collecter les dons de sang sans sélection suffisante des donateurs malgré des circulaires de la direction générale de la Santé en 1983 et 1985 à propos de la transmission du virus du VIH par voie sanguine. Le Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS) s'est trouvé en possession de stocks de produits sanguins presque entièrement contaminés. En toute connaissance du risque, le directeur général de cet organisme a fait adopter par le conseil d'administration la poursuite de la distribution des lots contaminés. Le 8 février 1985, avant l'adoption de cette poursuite jusqu'à l'écoulement des stocks, deux sociétés ont déposé des dossiers concernant des tests de dépistages au Laboratoire Nationale de la Santé dont la société française Diagnostics Pasteur. Cette dernière n'étant pas en mesure de produire ce test de dépistage en quantité suffisante et à la demande du directeur de cette société, la mise en place du dépistage obligatoire des donneurs de sang a été retardée. Une première poursuite a été engagée, suivie de la condamnation du directeur général de CNTS et de Diagnostics Pasteur « du chef de tromperie sur la qualité des produits sanguins les rendant dangereux pour la santé de l'homme » et de deux autres individus « du chef d'abstention volontaire d'empêcher la commission du délit précité ».
[...] Cour de cassation, chambre criminelle juin 2003, n°02-85.199 - L'empoisonnement peut-il être caractérisé en l'absence de connaissance du caractère mortel de la substance utilisée ? Le directeur général du centre national de transfusion sanguine peut-il être retenu coupable d'empoisonnement en n'empêchant pas la distribution par des médecins du sang contaminé par le virus du VIH ? C'est à cette question qu'a dû répondre la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 18 juin 2003. En l'espèce, les centres de transfusion sanguine ont continué à collecter les dons de sang sans sélection suffisante des donateurs malgré des circulaires de la direction générale de la Santé en 1983 et 1985 à propos de la transmission du virus du VIH par voie sanguine. [...]
[...] Selon eux, « la chambre de l'instruction n'a pas tiré de ses constatations et appréciations les conséquences qui s'imposaient » en refusant de renvoyer du chef d'empoisonnement le directeur général de CNTS qui a sciemment décidé d'écouler les stocks contaminés par l'intermédiaire des médecins alors simples instruments passifs. La Cour de cassation rejette le pourvoi en retenant que le crime d'empoisonnement ne peut être caractérisé « que si l'auteur a agi avec l'intention de donner la mort, élément moral commun à l'empoisonnement et aux autres crimes d'atteinte volontaire à la vie de la personne ». Les juges ont dû répondre à la question suivante : l'empoisonnement peut-il être caractérisé en l'absence de connaissance du caractère mortel de la substance utilisée ? [...]
[...] Selon le professeur LIEVAUX à propos de la caractérisation d'un empoisonnement au VIH « Peut-être faudrait-il considérer l'infraction caractérisée dans l'indifférence du résultat effectivement atteint ». [...]
[...] Le juge d'instruction de Paris a été saisi à nouveau de plaintes avec constitution de parties civiles composées essentiellement des personnes contaminées et de leurs ayants droits des chefs d'empoisonnement, complicité de ce crime et non-assistance à personne en danger. Le juge d'instruction estimant que les faits peuvent revêtir une qualification criminelle a rendu le 20 mai 1999 une ordonnance de transmission des pièces au procureur général. Après cassation d'un premier arrêt de la chambre de l'instruction et renvoi devant cette même chambre, un nouvel arrêt a été rendu. [...]
[...] La notion d'intention est donc fondamentale afin de caractériser un crime ou un délit : comme les juges le rappellent dans cet arrêt, « l'intention est l'élément moral commun à l'empoisonnement et autres crimes d'atteinte volontaire à la vie de la personne ». Les juges ont rendu un arrêt de rejet, car cette intention ne pouvait être retenue en l'espèce, car l'élément indispensable, l'intention de donner la mort, ne pouvait être caractérisé, le résultat n'ayant pas été obtenu. En effet, l'article 221-5 du Code pénal énonce une intention de donner la mort, ce que les juges rappellent dans cet arrêt « le crime d'empoisonnement ne peut être caractérisé que si l'auteur a agi avec l'intention de donner la mort » : il faut une intention de tuer et celle-ci doit être établie à l'encontre de l'accusé, de l'auteur direct de l'infraction : les médecins. [...]
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