Arrêt du 17 octobre 2018, droit pénal, viol et agression sexuelle, délai de prescription, amnésie traumatique, article 9-1 du Code pénal, article 7 du Code pénal, article 9-3 du Code pénal, suspension de délai de prescription, jurisprudence du 20 mai 1980, arrêt du 7 novembre 2014, obstacle insurmontable, caractère de force majeure
En l'espèce, un homme a été violé en 1982, alors qu'il n'avait que 10 ans. Il décide alors de porter plainte contre son agresseur, en 2007, mais sa plainte a été classée sans suite.
33 ans après les faits (2015), la victime se constitue partie civile. Une information est ouverte et, le 19 décembre 2016, le juge d'instruction rejette sa demande d'expertise psychologique. À la suite de l'information, par une ordonnance du 20 mars 2017, le juge d'instruction constate qu'aucun élément insurmontable n'ayant entaché le délai de prescription, l'action publique est prescrite. La victime interjette appel en affirmant qu'un mécanisme de refoulement entrainant une amnésie totale constituait bien un obstacle insurmontable. Les juges du fond déboutent sa demande et confirment l'ordonnance de non-lieu. La Cour d'appel énonce que le délai de prescription (de 10 ans) était dépassé bien avant la plainte initiale de la victime en 2007, et que l'amnésie traumatique de la victime ne constitue pas « un obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure ayant pu suspendre le délai de prescription ».
[...] Cour de cassation, chambre criminelle octobre 2018, n° 17-86.161 - Le délai de prescription de l'action publique Le rôle de qualification du juge est fondamental. Cependant, il est parfois compliqué de donner une solution juste tant la généralité de la loi s'accommode mal avec la réalité. C'est ce qu'illustre l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, datant du 17 octobre 2018. En l'espèce, un homme a été violé, en 1982, alors qu'il n'avait que 10 ans. Il décide alors de porter plainte contre son agresseur, en 2007, mais sa plainte a été classée sans suite ans après les faits (2015), la victime se constitue partie civile. [...]
[...] En effet, les obstacles de faits peuvent également suspendre la prescription. Ainsi, le législateur laisse le choix de la qualification au juge et ouvre une porte sur la potentielle appréciation de l'amnésie traumatique comme un obstacle insurmontable permettant l'interruption de la prescription. De plus, Sébastien Fucini, dans son article commentant cette décision sur Dalloz, crée un parallèle avec une jurisprudence antérieure de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation datant du 7 novembre 2014. [...]
[...] Cet arrêt met en lumière une évolution jurisprudentielle et un problème relatif au délai de prescription de l'action publique. Il convient donc, en l'espèce, de se poser la question suivante : l'amnésie traumatique survenue après un viol peut-elle être considérée comme un obstacle insurmontable permettant de suspendre le délai de prescription de l'action publique ? La Cour de cassation répond par la négative et rejette le pourvoi de la victime. En effet, la haute juridiction confirme l'arrêt de la Cour d'appel au motif « qu'il résulte l'absence de nécessité d'autres investigations ». [...]
[...] Une solution accablant les victimes Comme vu précédemment, la haute juridiction refuse la reconnaissance de l'amnésie traumatique comme un obstacle insurmontable entraînant l'interruption du délai de prescription de l'action publique. Cette décision est sévère, car la conséquence est que la victime ne peut obtenir réparation du préjudice qu'elle a subi suite à son viol. De plus, cette solution peut être remise en question par rapport aux circonstances de l'apparition de son amnésie. En effet, si la victime a oublié les faits c'est suite au traumatisme de son agression. [...]
[...] Ainsi, la victime ne pouvait pas obtenir réparation, car le délai de prescription de l'action publique était dépassé. Cet arrêt réaffirme donc que le délai de prescription était, au moment des faits, de 10 ans pour viol commis sur mineur. Cependant, le 3 août 2018, le législateur a pris une décision en faveur des victimes et permettant de renforcer la lutte contre les violences sexuelles commises sur des mineurs. En effet, le nouvel article 7 du Code de procédure pénale rallonge le délai de prescription à 30 ans pour les viols et à 20 ans pour les agressions sexuelles. [...]
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