Cour de cassation, chambre criminelle, 11 juin 2002 - le délit de recel et les droits de la défense

Extraits

[...] Les juges du fond ont infirmé le jugement rendu en première instance au motif que le secret de l'instruction correspond à des restrictions nécessaires dans une société démocratique ( ) et que le recel de pièces obtenues par ce délit échappe aux prévisions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 Le journaliste, condamné pour recel a formé un pourvoi en cassation. Afin de justifier son pourvoi, il a mis en exergue le fait que la détention puis la production irrégulière des pièces en justice, en violation du secret de l'instruction était justifiée par une nécessité de se défendre, notamment, contre des accusations de diffamations qui pesaient sur lui. La nécessité des informations à l'exercice des droits de la défense peut- elle justifier un rejet de la répression au titre de recel? [...]

[...] Cour de cassation, chambre criminelle juin 2002 - le délit de recel et les droits de la défense L'article 6 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme consacre un principe, celui du respect des droits de la défense. C'est un principe fondamental, à valeur constitutionnelle ( en ce que la CESDH fait partie du bloc de constitutionnalité). Or, c'est un droit qui est parfois difficile à mettre en œuvre car il peut se heurter à d'autres principes qui sont également importants ; c'est le cas notamment du secret de l'instruction ou du secret professionnel. [...]

[...] Selon les juges du fond, le secret de l'instruction constituait une juste limite à l'exercice des droits de la défense et justifiait donc une condamnation au titre de recel des pièces couvertes par le secret de l'instruction. Or, pour la Cour de cassation, l'exercice des droits de la défense justifie le rejet d'une condamnation au titre de recel. La production de ces pièces litigieuses avait simplement pour but de se défendre contre une accusation de diffamation qui pesait sur lui. Dès lors, la violation du secret de l'instruction ou du secret professionnel qui est pourtant un délit ne saurait être réprimée. [...]

[...] La répression n'est écartée que si la détention et la production des documents recelés sont nécessaires à l'exercice des droits de la défense. Cette motivation, à savoir, le caractère strictement nécessaire à l'exercice des droits de la défense a été reprise notamment par la Chambre Sociale, à propos du vol, par photocopie, de documents par un salarié, afin d'assurer sa défense devant la juridiction prud'homale. Cette solution, en restreignant la qualification de recel, permet un véritable renforcement de la liberté d'expression, en particulier celle des journalistes qui peuvent divulguer sans crainte leurs sources (bien que celles-ci soient irrégulières) sans crainte d'être poursuivis à condition toutefois que cette divulgation soit nécessaire à l'exercice des droits de la défense. [...]

[...] Elle a opté en l'espèce pour la seconde solution, préférant ainsi une protection des droits de la défense à la répression d'une infraction pourtant pleinement constituée. II) Une restriction quant au champ d'application du délit de recel une primauté des droits de la défense manifeste La solution de la Cour de cassation marque une véritable restriction quant à l'utilisation de la qualification de recel en matière de presse, privilégiant ainsi le respect des droits de la défense, au détriment du respect du secret professionnel ou du secret de l'instruction. [...]