En l'espèce, le commandant d'un navire, dont le permis de navigation limitait la capacité à 608 personnes, avait assuré le transport de 112 personnes en surnombre, ce qui représente environ 20% de dépassement. La Cour d'appel de Rennes, dans une décision confirmative du 26 septembre 1996, a déclaré le prévenu coupable de l'infraction de mise en danger délibérée d'autrui, au motif que, malgré l'existence de conditions météorologiques favorables, il subsistait un risque, pour les passagers, d'être confrontés à un incident, et donc de ne pouvoir tous disposer de moyens de sauvetage.
La Cour a également relevé que le commandant, alerté par l'affluence des personnes candidates à l'embarquement, avait « nécessairement perçu les risques d'un chargement excédant largement les capacités de son navire », violant ainsi, de façon délibérée, les règles de sécurité qui s'imposaient à lui.
La question posée à la Cour de cassation consiste à se demander si le délit de risques causés à autrui peut être caractérisé, alors même que les probabilités de réalisation du risque paraissent infimes et que rien ne semble démontrer une violation délibérée des obligations de sécurité et de prudence.
[...] Ces dernières sont également invoquées, en vain, par le demandeur au pourvoi, au titre de l'élément moral. Vers une présomption de la conscience du risque? L'article 223-1 consacre la notion de dol éventuel, qui correspond à l'état d'esprit de celui qui, n'ignorant pas le risque qu'il crée, adopte tout de même le comportement dangereux. Il s'agit de l'agent qui, sans vouloir le résultat dommageable, l'envisage comme possible. Dès lors, ce type de dol se trouve entre l'intention et la faute d'imprudence ou de négligence ; on parle parfois d'imprudence consciente ou d'imprudence qualifiée. [...]
[...] Il a ainsi été jugé que ce délit n'était pas constitué malgré une vitesse de 224km/h sur l'autoroute, dès lors que la voie était rectiligne, la chaussée sèche, la visibilité parfaite, la circulation fluide et le véhicule en parfait état de marche (Cour d'appel de Douai octobre 1994). La Chambre criminelle a néanmoins rejeté le pourvoi, qui semblait voué à l'échec puisque la potentialité du risque relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, lesquels ont vraisemblablement déduit la caractérisation du risque de la seule violation des règles de sécurité. II. [...]
[...] Une telle analyse permet d'incriminer l'exposition à un risque qu'elles qu'en soient les conséquences, c'est-à-dire que le risque d'accident se réalise ou non. L'article 223-1 dispose en effet que constitue une infraction le fait d'exposer directement autrui à un risque Toutefois, en cas de réalisation, l'infraction matérielle fera disparaître l'infraction formelle définie par cet article (Crim septembre 2001). Ainsi, en l'espèce, le prévenu se voit condamné en l'absence de tout résultat dommageable, la Cour d'appel de Rennes ayant estimé que le fait de transporter des passagers en surnombre caractérisait leur exposition directe à un risque. [...]
[...] Ainsi, aux termes de l'article précité, il faut être en présence d'un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente Sont donc uniquement concernés les dommages corporels d'une certaine gravité. Or, il apparaît difficile de prouver cet élément en l'absence de réalisation du risque. S'agissant du caractère immédiat, il suppose que l'agent ait créé un risque de danger certain et actuel, et non simplement hypothétique. Les juges devront donc, en principe, établir une probabilité de résultat, une causalité par anticipation. Là encore, à défaut de dommage, une telle preuve semble délicate à apporter. [...]
[...] Avec l'arrivée du Code pénal de 1994, la notion de risque connaît une évolution majeure. Auparavant étaient uniquement incriminés des comportements étrangers au risque qui, dans de telles hypothèses, existe déjà, de façon autonome par rapport à l'auteur, par exemple du fait de l'imprudence de la victime. Le risque est alors analysé comme la condition préalable à l'infraction ; sont ainsi sanctionnées l'entrave aux mesures d'assistance (article 223-5 du Code pénal) ou encore l'omission de porter secours (article 223-6 alinéa 2). [...]
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