L'article 223-1 du Code pénal sanctionne l'auteur d'un comportement imprudent en raison de sa seule gravité même s'il n'a pas eu de suites malheureuses. Ce texte d'incrimination assez complexe a été critiqué pour son manque de clarté. La mise en œuvre de cet article est au cœur du présent arrêt de la Cour de cassation du 11 février 1998.
En l'espèce, un navire pouvant transporter au maximum 608 personnes, équipage compris, a assuré un transport avec 112 personnes en surnombre en violation de l'article 49 du décret du 30 août 1984 relatif aux conditions générales de sécurité concernant les engins de sauvetage individuels et collectifs. Jean-Claude Le Cap commandant du navire est poursuivi.
La Cour d'appel a déclaré JC Le Cap coupable de l'infraction de mise en danger délibérée de la personne d'autrui et l'a condamné à 50 000 F d'amende dont 40 000 F avec sursis.
Elle a estimé tout d'abord que l'élément matériel de l'infraction était constitué, d'une part, par la violation d'une obligation de sécurité ou de prudence imposé par la loi ou le règlement du fait du non respect du permis de navigation qui fixait le nombre maximum admissible à bord à 608 personnes et d'autre part, par l'existence pour autrui d'un risque de mort de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente car une météo favorable n'exclut pas « le risque majeur pour des passagers en surnombre d'être confrontés à la survenance toujours possible d'une avarie mécanique, d'un incendie, voire d'une collision » et de ne pas disposer d'un nombre d'engins de sauvetage suffisant pour garantir leur vie.
Elle a estimé ensuite que le comportement de J-C Le Cap était délibéré au regard des circonstances de fait puisque J-C Le Cap positionné sur le pont du navire pour superviser les manœuvres et le changement « percevait nécessairement les risques d'un embarquement excessif et que 112 personnes en surnombre ne laisse aucun doute sur la conscience de la violation des obligations s'imposant à lui ».
A la suite de cette décision, J-C Le Cap a formé un pourvoi en cassation en invoquant deux moyens.
Le 1er moyen divisé en trois branches affirme que le Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en ne caractérisant pas un danger certain, actuel et non hypothétique car elle a fondé sa décision sur « la survenance toujours possible, soit d'une avarie mécanique, soit d'un incendie, soit d'une collision » et il retient également que la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve appartenant au Ministère public.
Concernant le 2nd moyen, il estime que la Cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit de mise en danger d'autrui.
Ainsi, le fait pour un commandant de navire, de laisser embarquer 112 personnes en surnombre en violation des dispositions d'un décret est-il constitutif de l'infraction de mise en danger de la personne d'autrui de l'article 223-1 du Code pénal ?
La chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt en date du 11 février 1998 rejette le pourvoi.
Elle estime que la Cour d'appel a caractérisé, au regard des circonstances de fait, un risque immédiat pour les passagers en retenant « l'existence de conditions météorologiques favorables ne saurait exclure, pour des passagers en surnombre confrontés à la survenance toujours possible d'une avarie mécanique, d'un incendie voire d'une collision, le risque majeur de ne pouvoir, tous, disposer d'engins de sauvetage garantissant la sauvegarde de leur vie » et elle affirme que J-C Le Cap a délibérément violé les règles de sécurité s'imposant à lui puisque alerté par l'affluence des personnes, il percevait nécessairement les risques d'un chargement excédant.
Cet arrêt de la Cour de cassation reflète l'application jurisprudentielle de l'article 223-1 du Code pénal incriminant la mise en danger d'autrui. Il s'agit d'une application jurisprudentielle spécifique car elle ne correspond pas à la lettre du texte.
Ainsi, afin de caractériser l'infraction en l'espèce, la Cour de cassation prend en compte la création d'un risque d'exposition à un danger comme résultat de l'infraction (I) ce qui n'apparaît pas être le résultat du texte de l'article 223-1 du Code pénal. Aussi, elle prend en compte l'intention comme élément moral de l'infraction (II) ce qui est également discutable.
[...] La jurisprudence fait défaut à cette exigence textuelle car elle a modifié le résultat de l'infraction. Il ne s'agit plus d'une exposition directe à un risque mais d'une exposition abstraite à un risque. L'absence du caractère concret du résultat empêche l'utilisation de la théorie de la causa proxima puisque l'on raisonne, en fait, sur de l'inexistant, sur de l'abstrait. Ainsi, après avoir retenu la caractérisation de l'élément matériel de l'infraction, la Cour de cassation envisage l'élément moral et elle prend en compte l'intention de l'auteur pour caractériser cet élément moral. [...]
[...] Concernant le 2nd moyen, il estime que la Cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit de mise en danger d'autrui. Ainsi, le fait pour un commandant de navire, de laisser embarquer 112 personnes en surnombre en violation des dispositions d'un décret est-il constitutif de l'infraction de mise en danger de la personne d'autrui de l'article 223-1 du Code pénal ? La chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt en date du 11 février 1998 rejette le pourvoi. [...]
[...] La mise en œuvre de cet article est au cœur du présent arrêt de la Cour de cassation du 11 février 1998. En l'espèce, un navire pouvant transporter au maximum 608 personnes, équipage compris, a assuré un transport avec 112 personnes en surnombre en violation de l'article 49 du décret du 30 août 1984 relatif aux conditions générales de sécurité concernant les engins de sauvetage individuels et collectifs. Jean-Claude Le Cap commandant du navire est poursuivi. La Cour d'appel a déclaré JC Le Cap coupable de l'infraction de mise en danger délibérée de la personne d'autrui et l'a condamné à F d'amende dont F avec sursis. [...]
[...] Une intention déduite de la violation de l'obligation La Cour de cassation retient qu'au regard des faits relatés par les juges du fond, J-C Le Cap alerté par l'affluence des personnes présentes sur le quai au moment de l'embarquement, percevrait nécessairement les risques d'un chargement excédant largement les capacités de son navire, a délibérément violé les règles de sécurité qui s'imposaient à lui Cette argumentation revient à dire que puisque J-C Le Cap avait conscience de violer l'obligation du nombre maximal de passagers, ce dernier savait qu'il créé une situation dangereuse : il y avait donc intention. En effet, l'intention se définie par la volonté tendue vers le résultat de l'infraction. Donc celui qui a conscience d'exposer des personnes à un danger, s'il viole l'obligation de sécurité, a une attitude caractérisant l'intention c'est-à-dire la volonté dirigée vers le risque. Au regard du risque lui-même (résultat jurisprudentiel de l'infraction) l'attitude est intentionnelle. [...]
[...] Cette modification, même si elle est contraire au principe de légalité, apparaît louable dans la mesure où elle permet de ne plus faire dépendre la constitution du délit d'une circonstance totalement indépendante de la volonté de l'auteur et qui tient au seul hasard des faits, à savoir, la présence d'un autrui sur les lieux de la violation de l'obligation de sécurité. En l'espèce, cela correspond à la survenance effective d'une avarie mécanique, d'un incendie ou d'une collision qui aurait effectivement mis en danger les passagers trop nombreux au regard des engins de sauvetage disponibles. De plus, une circulaire du 24 juin 1994 a précisé que le législateur n'a pas voulu faire dépendre l'infraction de l'intervention d'un tiers et qu'il s'agirait donc bien de l'exposition abstraite telle qu'appliquée par la jurisprudence, ce qui relativise le non respect du principe de légalité. [...]
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