Cour de cassation chambre criminelle 10 novembre 2020, statut de l'enfant à naître, victime par ricochet, homicide involontaire, article 1240 du Code civil, infans conceptus, arrêt Dangereux, préjudice moral, pretium affectionis, commentaire d'arrêt
L'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 10 novembre 2020 nous invite à réfléchir sur la notion de victime par ricochet, et plus particulièrement vis-à-vis du statut de l'enfant à naître. En l'espèce, un homme décède des suites d'un accident de la circulation commis par une personne en état d'ébriété, conduisant à une vitesse excessive. À l'occasion du procès pénal ayant déclaré l'auteur de l'infraction coupable d'homicide involontaire, la compagne de la victime s'est constituée partie civile en son nom propre, ainsi que pour le compte de son fils, conçu avec la victime directe de l'accident.
[...] La Cour de cassation se refusait jusqu'alors à retenir un lien de causalité et énonçait, comme dans un arrêt de la 2e chambre civile du 24 février 2005 qu'« il n'existait pas de lien de causalité entre l'accident et le préjudice allégué ». La Cour de cassation a néanmoins retenu une approche différente dans un arrêt, mentionné dans l'arrêt soumis à notre réflexion, de la 2e chambre civile en date du 14 décembre 2017, dans lequel la Cour admet l'indemnisation d'une victime conçue, mais non née au moment du dommage. [...]
[...] La Cour de cassation confirme donc la qualification du préjudice moral de l'enfant en tant que victime par ricochet. La victime identifiée, et le préjudice relevé, ce dernier doit néanmoins être rattaché au dommage par un lien causal La consécration d'une causalité anachronique La Cour de cassation énonce « qu'un lien de causalité entre le décès accidentel et préjudice » est caractérisé. Le lien de causalité permet de relier la réalisation du dommage à l'existence du préjudice. Cette notion de causalité connait deux écoles ; la théorie de la causalité adéquate et celle de l'équivalence des conditions. [...]
[...] En l'espèce, l'enfant à naître obtient, à sa naissance, réparation d'un préjudice moral, en compensation du décès accidentel de son père. Toutefois, ce préjudice moral est réellement constitué moins par le fait du décès que par l'absence du père qui en découlera. En effet, dire que l'enfant à sa naissance peut se prévaloir d'un préjudice d'affection pour un dommage antérieur à sa naissance est paradoxal. On peut relever en ce sens que le lien d'affection ne pourra pas être rompu puisque celui, au moment de la réalisation du dommage était inexistant. [...]
[...] Or la naissance du préjudice réfléchi s'effectue au moment de la naissance de l'enfant ; ce qui explique l'existence du lien de causalité entre le dommage de la victime principale et le préjudice de la victime par ricochet, bien que celui-ci soit « anachronique ». L'existence juridique et la qualification du préjudice sont donc affirmées par la Cour de cassation qui profite de cet arrêt pour entériner la jurisprudence antérieure - du 14 décembre 2017 - à propos de la délicate question de la réparation du préjudice subi par l'enfant à naître. [...]
[...] Toutefois, la Cour de cassation confirme le raisonnement des juges du fond et fait application du principe de l'infans conceptus. Ce principe reposant sur une fiction juridique permet de faire comme si l'enfant était né, quand il y va de son intérêt. Autrement dit, par application de ce principe, l'enfant à naître est considéré comme détenant la personnalité juridique alors qu'il n'est pas encore né ; il ne bénéficiera cependant réellement de ses droits qu'au moment de sa naissance, s'il né vivant et viable. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture