« Amis jusqu'à quel prix? »; dans une société de plus en plus individualiste, l'amitié n'est plus un frein à la cupidité. Pire, en matière pécuniaire, la promesse faite à un ami ne lie semble-t-il plus ces mêmes amis. Seulement, le droit peut-il rétablir cette situation, cette dérive? Telle fut la question posée à la Cour de cassation via l'affaire dite du « Quinté + »; Messieurs FRATA (requérant) et d'ONOFRIO (défendeur) jouaient aux courses hippiques. Monsieur FRATA avait pour habitude de faire valider ses tickets de jeu par Monsieur d'ONOFRIO. En échange, Monsieur FRATA versait 10% de ses gains à Monsieur d'ONOFRIO. Un jour, la combinaison s'est révélée gagnante; Monsieur FRATA informa alors Monsieur d'ONOFRIO qu'il lui verserait ses 10%, soit 149.577,70 FF. Monsieur FRATA s'est finalement rétracté et refusa de verser à Monsieur d'ONOFRIO les 10% promis.
Monsieur d'ONOFRIO engagea donc une procédure à l'encontre de Monsieur FRATA qui lui donna raison en première instance. Monsieur FRATA interjeta alors appel. Cet appel a donné lieu à un arrêt de la cour d'appel de METZ en date du 7 octobre 1993, arrêt qui a confirmé le jugement rendu en première instance. A la suite de cet arrêt, Monsieur FRATA forma un pourvoi en cassation, qui donna lieu à un arrêt du 10 octobre 1995, arrêt de rejet.
Monsieur FRATA (requérant) a, pour demander cassation de l'arrêt de la cour d'appel de METZ, employer un moyen décomposé en quatre branches: tout d'abord, Monsieur FRATA estime que la Cour d'appel a violé l'article 1271 du Code civil qui dispose que « La novation s'opère de trois manières: lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte; lorsqu'un nouveau débiteur est substitué à l'ancien qui est déchargé par le créancier; lorsque, par l'effet d'un nouvel engagement, un nouveau créancier est substitué à l'ancien, envers lequel le débiteur se trouve déchargé ». En effet, la Cour d'appel aurait admis une novation en l'absence d'une obligation civile préexistante, qui, selon le requérant est nécessaire à la novation d'une obligation civile en obligation naturelle. Ensuite, le requérant dénonce une violation de l'article 1273 du Code civil disposant que « La novation ne se présume point; il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte ». Ainsi, selon Monsieur FRATA, la Cour d'appel, pour admettre la novation s'est fondée sur des témoignages et autres PV de comparution personnelle des parties et non sur un acte. Il convient d'ajouter à ces deux premières branches les hypothétiques violations des articles 16 et 913 du nouveau Code de procédure civile.
La Cour de cassation, dans un arrêt de rejet du 10 octobre 1995 a estimé que: Monsieur FRATA (requérant) s'étant défendu du fait que son engagement n'avait en aucun cas de conséquences civiles, les deux dernières branches du moyen de ce dernier ne pouvaient opérées. La transformation d'une obligation naturelle en obligation civile ne nécessite en aucun cas l'existence préalable d'une obligation civile. Par conséquent, la première branche n'est pas fondée. Monsieur FRATA ayant semble-t-il renoncé à l'application de l'article 1341 du Code civil: « Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre ». La Cour d'appel n'a nullement violé l'article 1273 du Code civil (voir plus haut) et la seconde branche n'est pas fondée. Par conséquent, le moyen ne pouvant opérer en ses branches 2 & 3, et n'est pas fondé en ses branches 1 & 2; la Cour de cassation a rendu un arrêt de rejet.
Cette affaire a donc proposé à la Cour de cassation le débat suivant: le consentement d'une seule personne peut-il suffire à faire naître à son égard une obligation civile?
Ce débat sur la novation reposa sur les dispositions du Code civil (I); et de ce que la jurisprudence a souhaité envisager concernant l'engagement unilatéral de volonté (II). Ce raisonnement répond efficacement au problème de droit posé à la Cour de cassation, à savoir si l'engagement unilatéral de volonté est possible; en effet, si le Code civil demeure muet, voire semble opposé à un tel engagement, la Cour de cassation en admettra tout de même le principe, sous conditions.
[...] Il se trouve que la Cour de cassation admet un tel engagement, sous conditions. II/ L'engagement unilatéral de volonté admis en jurisprudence L'engagement unilatéral de volonté est donc admis en jurisprudence, et ce, même en l'absence d'obligation civile préalable la Cour de cassation rappellera également le caractère souverain de la Cour d'appel pour apprécier la portée des preuves A. Absence d'obligation civile préalable Dans cet arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 1995, la jurisprudence a parfaitement admis, en son second attendu que la possibilité d'une novation d'une obligation civile en obligation naturelle, et ce, sans même qu'ait existé préalablement une obligation civile. [...]
[...] Or, dans cette affaire, la novation que fait valoir Monsieur d'ONOFRIO ne tient que par des témoignages. Par conséquent, le requérant, dans la seconde branche de son moyen soutient que la cour d'appel de METZ a violé dans son arrêt l'article 1273 du Code civil. Le Code civil n'est donc pas entièrement muet, quant à la question de la novation d'une obligation: il fait état des cas dans lesquelles cette novation est permise en son article 1271; et il rappelle que cette novation ne peut être présumée et doit se prouver au moyen d'un acte. [...]
[...] Ces dispositions renvoient au différents cas de novation prévus par le Code civil. Toutefois, il est nécessaire de rappeler que ces mêmes dispositions demeurent inchangées depuis 1804. Ainsi, Monsieur FRATA a rappelé à la Cour de cassation que la novation, au sens du Code civil ne peut intervenir que dans trois cas précis: lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte; lorsqu'un nouveau débiteur est substitué à l'ancien qui est déchargé par le créancier; lorsque, par l'effet d'un nouvel engagement, un nouveau créancier est substitué à l'ancien, envers lequel le débiteur se trouve déchargé Or, Monsieur FRATA souligne que dans cette affaire, la cour d'appel de METZ a admis la novation d'une obligation naturelle en obligation civile alors même qu'aucune obligation civile n'a préalablement existé. [...]
[...] Dans son arrêt rendu le 10 octobre 1995, la Cour de cassation a donc écarté la notion de novation lui permettant ainsi de contourner les dispositions prévues par le Code civil notamment concernant l'énumération des cas dans lesquels une telle novation est admise. De plus, la Cour de cassation a laissé la juridiction d'appel statuer souverainement sur l'ensemble des moyens lui étant soumis. Ces deux attendu que ont donc rendu non fondé les deux principales branches du requérant; à noter qu'ils étaient précédés d'un premier attendu que ayant rendu les deux dernières branches du moyen du requérant inopérant. [...]
[...] Par conséquent, cet arrêt du 10 octobre 1995 est un arrêt de rejet, dont la valeur de la décision est sans nul doute claire et pertinente. La Cour de cassation admet donc sans le moindre doute la possibilité d'un engagement unilatéral de volonté alors même que le Code civil de 1804 ne contient toujours aucune disposition à ce propos. Qu'en est-il dans le projet de réforme CATALA? Le projet du futur Code civil propose d'opposer les actes juridiques conventionnels personnes), et les actes juridiques unilatéraux. [...]
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