M. Gollnisch, membre du Front National a, lors d'une conférence de presse se déroulant le 11 octobre 2004, tenus des propos négationnistes.
Le terme négationnisme désigne, dans sa signification première, la négation de la réalité du génocide pratiqué par l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale contre les Juifs (puis il est fréquemment employé depuis pour désigner le négation ou encore la contestation de divers autres crimes historiques). Par ses propos, ce dernier semblait ainsi nier l'existence des chambres à gaz dans les camps de concentration lors de la seconde guerre mondiale.
Ce numéro deux du parti le plus important d'extrême droite, se révèle également être professeur à l'université Jean Moulin Lyon III.
Les vives réactions suscitées par son discours amène le président de la faculté à saisir la section disciplinaire de Conseil d'Administration de l'université, ce qui aboutira à une interdiction d'enseigner et même d'exercer dans le domaine de la recherche pour une durée de cinq années. Néanmoins, bien avant que la décision en question ne soit rendue, le président, en se fondant sur son pouvoir de police conféré par l'article 7 du décret du 31 juillet 1985 (renvoyant à l'article premier du décret mentionnant le président d'université comme « autorité responsable »), décide la suspension, pour une période de trente jours, des enseignements de M. Gollnisch.
Une fois ce délai écoulé, un second arrêté, interdisant cette fois l'accès des locaux à l'intéressé est, de nouveau, pris par le président.
Le professeur saisit donc le Conseil d'Etat en référé, procédure juridictionnelle d'urgence, et obtient ainsi la suspension de cette dernière décision au motif que « les risques de désordres invoqués n'étaient pas tels qu'ils justifiaient la mesure d'interdiction d'accès aux locaux de l'université ».
M. Gollnisch dispense donc de nouveau son enseignement mais, des désordres l'ayant accompagné, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, M. Fillon, le suspend de ses fonctions par un arrêté en date du 3 février 2005, en se fondant sur l'article L. 951-4 du Code de l'Education, aux termes duquel « le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans privation de traitement ».
Ainsi, l'indépendance des professeurs d'université peut-elle être sans limites ?
On verra clairement que l'indépendance des professeurs d'université n'est pas totale, (I), d'où un pouvoir de police devant parfois être mis en œuvre pour maintenir l'ordre public (II).
[...] Traditionnellement, l'ordre public correspond à la tranquillité, à la sécurité et à la salubrité. Il s'agit d'éviter le dommages, individuels ou collectifs, provoqués par des désordres, des accidents, des atteintes à la santé, de l'hygiène publique, etc. Ainsi, Maurice Hauriou le définissait comme un état de fait opposé au désordre, l'état de paix opposé à l'état de trouble. Le désordre matériel est le symptôme qui guide la police comme la fièvre est le symptôme qui guide le médecin. Et la police emploie comme la médecine, une thérapeutique qui tend uniquement à faire disparaître les symptômes, elle n'essaie point d'atteindre les causes profondes du mal social Assurer l'ordre public, c'est donc décider les mesures et entreprendre les actions propres à prévenir, et l'objectif de la police administrative est d'agir à l'avance pour éviter que l'ordre public ne vienne à être troublé L'une des autres caractéristiques de la mesure de police est le fait qu'elle doive être nécessaire. [...]
[...] Outre le principe de l'indépendance des professeurs d'université, c'est la notion de pouvoir de police conférée au président de l'université et au ministre qui ressort de manière flagrante en l'espèce. Un pouvoir de police conféré au président d'université ainsi qu'au Ministre de l'Education Nationale Sur la base de l'article 7 du décret du 31 juillet 1985, le président de l'université de Lyon III décide de suspendre l'enseignement conféré par M. Gollnisch. Ainsi, la question qui se pose, est celle de savoir sur quel fondement cela a été possible, même si, au terme de la décision du Conseil d'Etat, l'arrêté se voit annulé, le premier ayant pourtant été effectif. [...]
[...] C'est pour cette raison que, d'une part, la mesure prise par le président de l'université est annulée, car infondée selon le Conseil d'Etat, et, d'autre part qu'elle se trouve avalisée par ce dernier quand elle se révèle être prise par le Ministre de l'Education après des débordements à l'université. Néanmoins, cette mesure du Ministre de l'Education n'équivaut pas pour autant à une sanction. Une suspension du Ministre de l'Education n'équivalant pas à une sanction M. Gollnisch soutient le fait que l'arrêté du 3 février 2005 pris par le ministre, serait une sanction déguisée ainsi qu'une mesure prise en considération de la personne ce qu'entend néanmoins rejeter le Conseil d'Etat . [...]
[...] La réponse apparaît négative puisque l'arrêté du 2 décembre 2004 pris par le président de l'université de Lyon III est effectivement annulé. Il ressort donc bien de l'arrêt que les risques de désordres invoqués n'étaient pas tels qu'ils justifient la mesure d'interdiction d'accès aux locaux de l'université infligé es à M. Gollnisch En outre, les mesures de police ont pour caractéristique majeure de devoir être proportionnées. Elle est appréciée par le juge administratif qui s'attache à vérifier qu'il y a ainsi une proportionnalité entre les avantages de l'ordre public par rapport aux restrictions imposées aux libertés publiques (cela avait été illustré par le Conseil d'Etat dans son arrêt Benjamin, en date de l'année 1933). [...]
[...] Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires ( ) En d'autres termes, non seulement rien ne semble s'opposer au fait que le professeur d'université puisse se voir suspendre mais, de surcroît, cela revête un fondement légal. De plus, le Conseil d'Etat, par une décision en date du 22 novembre 2004 (Ministre de la justice, de l'éducation nationale et de la recherche M.A) par laquelle un professeur avait fait l'objet d'un arrêté du recteur de l'Académie de Nantes, et cela, pour un manquement de neutralité, avait déjà rendu un arrêt similaire. [...]
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