En droit et plus particulièrement en matière pénale, la présomption de connaissance (nemo censetur ignorare legem) apparaît comme une fiction indispensable à l'exercice de la justice répressive. Le grand principe traditionnel en droit se vit opposer une exception nouvelle avec l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal en 1994 : l'article 122-3. Les auteurs du nouveau Code pénal ont admis l'erreur invincible dans un texte strict et restrictif. Au regard de la jurisprudence récente, l'erreur sur le droit cause d'irresponsabilité pénale fait l'objet de divergences tant dans son interprétation que dans sa mise en œuvre.
Tel est le cas dans les deux arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation des 11 mai et 12 septembre 2006.
Dans la première espèce, le prévenu a été poursuivi du chef de conduite d'un véhicule à moteur malgré l'invalidation du permis de conduire résultant de la perte totale des points. En première instance, le prévenu a été condamné mais la Cour d'appel de Lyon dans son arrêt du 2 novembre 2005 le relaxe aux motifs qu'une attestation lui a été remise par un agent de police judiciaire (conformément aux instructions du vice-procureur de la République) selon laquelle sa situation administrative est parfaitement régulière malgré l'annulation du permis de conduire français. La Cour d'appel en déduit que l'intéressé a pu légitimement croire qu'il était autorisé à conduire avec son permis international même s'il est avéré que cette attestation lui a été remise par erreur.
Dans la seconde espèce, l'association France-Galop, concessionnaire de la ville de Paris pour l'exploitation de l'hippodrome d'Auteuil (site classé par arrêté ministériel), a demandé à la société Jaulin d'ériger courant 2000 et 2002 une importante structure sur ce même site afin d'abriter un salon. Le prévenu (président du conseil d'administration de la société Jaulin) a notamment été poursuivi pour avoir effectué ces travaux sans permis de construire et en ayant méconnu les dispositions du plan d'occupation des sols (les deux autres chefs d'accusation étant relatifs à la modification et à la dégradation d'un site classé). Le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable des deux premières infractions écartant l'erreur sur le droit alléguée et l'a relaxé pour le surplus. La Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 22 avril 2005 le relaxe des deux premières infractions pour lesquels le tribunal correctionnel l'avait déclaré coupable et l'exonère ainsi entièrement de sa responsabilité.
[...] La chambre criminelle de la Cour de cassation dans l'arrêt du 11 mai 2006 rejette le pourvoi et estime que la Cour d'appel a caractérisé l'erreur sur le droit au sens de l'article 122-3 du Code pénal. La chambre criminelle de la Cour de cassation dans l'arrêt du 12 septembre 2006 casse l'arrêt de la Cour d'appel de Paris au visa de l'article 122-3 du Code pénal estimant que cette dernière ne justifie ni le caractère inévitable de l'erreur, ni la croyance dans la légitimité d'une prétendue autorisation. [...]
[...] Le pourvoi relève qu'il ne saurait y avoir erreur sur le droit dans la mesure où l'information est incomplète (les lettres ne mentionnant pas la question du permis de construire), qu'elle émane d'autorités incompétentes en matière d'urbanisme, que l'un des courriers est postérieur à l'infraction puisqu'il date de 2003 et enfin qu'il ne saurait y avoir accord tacite d'un permis de construire par l'administration qui n'a pas été préalablement saisie d'une telle demande. La question qui s'est posée à la Cour de cassation est celle de savoir dans quelle mesure on admet l'erreur sur le droit cause d'irresponsabilité pénale au sens de l'article 122-3 du Code pénal. [...]
[...] Des conditions légales restrictives L'article 122-3 du Code pénal pose trois conditions pour que l'erreur sur le droit puisse être retenue en tant que cause d'irresponsabilité pénale. Premièrement, il faut que l'erreur porte sur une règle de droit, ensuite il faut que l'erreur présente un caractère inévitable et enfin, il faut qu'il y ait eu, de la part de l'auteur de l'infraction, une croyance dans la légitimité de son acte. Le texte est donc strict, les trois conditions semblent cumulatives ce qui par voie de conséquence ne laisse pas a priori une grande marge d'appréciation au juge. [...]
[...] Dans l'arrêt du 11 mai 2006, on se trouve dans le domaine d'application de l'erreur sur le droit (attestation remise par un agent de police judiciaire), l'attestation remise par erreur déclare que la situation administrative de l'intéressé est parfaitement régulière en dépit de l'annulation de son permis de conduire français et la Cour d'appel en déduit que l'intéressé a pu légitimement croire qu'il était autorisé à conduire avec son permis international. La Cour d'appel déduit des faits entrants dans le champ d'application de l'erreur sur le droit qu'une des conditions de sa mise en œuvre est remplie : la croyance dans la légitimité de l'acte. Mais où sont les deux autres conditions ? Doit-on en déduire que pour la Cour de cassation qui suit le raisonnement de la Cour d'appel, les conditions ne sont pas cumulatives, mais alternatives ? [...]
[...] La Cour de cassation se montre ici sévère dans son contrôle et exige explicitement les conditions de l'article 122-3 du Code pénal. Cependant, au regard de l'arrêt du 11 mai 2006, la position de la Cour de cassation ne semble pas si claire et rigoureuse et la question de la mise en œuvre de l'article 122-3 demeure posée. En effet, la Cour de cassation estime que la Cour d'appel a caractérisé l'erreur de droit au sens de l'article 122-3 du Code pénal alors même que la Cour d'appel ne mentionne qu'une seule des trois conditions de manière explicite. [...]
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