La nécessité d'assurer l'équilibre entre l'intérêt de l'entreprise et le respect des droits de la défense dans l'épineux problème de la production en justice par le salarié des documents de l'entreprise en vue d'assurer sa défense trouve sa consécration dans 2 décisions récentes de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 mai 2004 qui mettent fin à une divergence au sein même de la Haute juridiction entre sa chambre criminelle qui considérait que le salarié commettait un vol s'il produisait dans l'instance prud'homale des documents de l'entreprise, peu important que ce geste soit dicté par le souci d'assurer sa défense, et sa chambre sociale qui admettait la licéité de ce mode de preuve dès lors que le salarié avait eu connaissance de ces documents à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.
Cette contradiction était à l'évidence source d'insécurité juridique. C'est ainsi, que dans la 1re décision, la salariée, comptable, poursuivie pour vol de documents pour avoir produit dans l'instance prud'homale des cahiers comptables, avait soulevée, en s'appuyant sur l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 9 novembre 2000, l'erreur de droit, cause d'exonération de sa responsabilité pénale, due à la divergence d'interprétation des 2 chambres de la Cour de cassation. La Cour d'appel de Rouen, dans son arrêt, en date du 18 décembre 2002, avait admis son argumentation.
Mais la Cour de cassation a censuré cette décision en estimant que, « d'une part, l'erreur de droit n'était pas invincible mais surtout que, d'autre part, les juges n'ont pas recherché si les documents étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de la défense l'opposant à son employeur ».
Ainsi, cette première décision semble marquer une ouverture dans la possibilité pour le salarié de produire les documents de l'entreprise et sera confirmée dans le second arrêt qui définit précisément dans quelles conditions la production des documents de l'entreprise en vue d'une instance prud'homale est admise.
De fait, le salarié peut-il, pour assurer sa défense, produire en justice des documents appartenant à son employeur ?
[...] En effet, le fait justificatif tiré des droits de la défense qui pourrait donner la possibilité au salarié de produire des documents sans être condamné pour vol ne peut exister qu'en cas de strictement nécessaire. C une formule fondamentale dans cet arrêt qui limite considérablement cette ouverture laissée au salarié, et qui permet la conciliation droit de propriété- droit de la défense. A noter, que cette même formule, qui auparavant n'existait pas dans le principe de la chambre sociale a aujourd'hui été repris. [...]
[...] Attention, si ces conditions ne sont pas respectées le salarié encourt une condamnation pour vol. En effet, la formule est la suivante : ce fait constitue un vol sauf si exercice des droits de la défense. Mais, pour invoquer ce fait justificatif tiré des droits de la défense des conditions doivent être respectées. Donc, si pas de respect de ces conditions, on en revient à un vol car il ne sera pas possible d'invoquer le fait justificatif les conditions faisant défaut. [...]
[...] En effet, ici, le caractère délictueux des actes commis ne fait pas de doute : la CC réaffirmant de manière implicite que la production en justice par le salarié de documents appartenant à son employeur peut constituer un vol. Simplement, elle admet de venir neutraliser le caractère délictueux au nom du grand principe de l'exercice des droits de la défense. Ici, l'exercice des droits de la défense serait tenu pour supérieur au droit de propriété de l'employeur protégé par le vol. [...]
[...] Comme le prononce madame Girault, l'apaisement est bien là, mais l'imprévisibilité ne peut être totalement exclue, et la prudence demeure Ainsi, la combinaison et la complémentarité de ces 2 arrêts pourraient inviter le salarié tenu à produire en justice des documents appartenant à l'entreprise d'emprunter une voie procédurale utile. En effet, l'appréhension de documents appartenant à l'employeur, si elle se révèle efficace, ne constitue pas le seul moyen d'organiser sa défense. Il peut avoir recours à l'article 145 du nouveau code de procédure civile (mesures d'instruction in futurum) ou à l'article 11 du NCPC. [...]
[...] En effet, la Cour de cassation vient peut-être lui ouvrir une porte, mais celle-ci n'est pas très large. En effet, la possibilité ouverte par la chambre criminelle est très restrictive et limitée. II : Une ouverture doublement limitée On peut parler d'ouverture doublement limitée car cette ouverture dans la possibilité pour le salarié de produire en justice des documents appartenant à son salarié est, d'une part, conditionnée et, d'autre part, contrôlée Cette restriction était nécessaire pour ne pas tomber dans l'excès inverse. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture