Beaucoup d'interrogations se posaient à propos des éléments nécessaires à la caractérisation de la force majeure, généralement définie comme une situation exonératoire de la responsabilité comprenant des caractères précis et permettant de démontrer que le lien de causalité n'existe pas entre le fait dommageable que l'on désigne et le fait dommageable qui est constaté. Afin que la force majeure soit constituée, il est nécessaire qu'elle réponde à un certain nombre de caractères, qui sont ceux de l'irrésistibilité, de l'imprévisibilité et de l'extériorité, et dès lors qu'ils sont réunis, la force majeure produit son effet exonératoire. L'Assemblée plénière de la Cour de cassation, par deux arrêts rendus le 14 avril 2006 concernant pour le premier la responsabilité délictuelle et pour le second la responsabilité contractuelle, intervenait pour tenter de mettre fin aux hésitations jurisprudentielles et préciser de manière uniforme pour les deux régimes de responsabilités les caractères sine qua non de la force majeure.
Dans la première espèce, le corps sans vie d'une femme est découvert entre le quai et la voie dans une gare desservie par la Régie autonome des transports parisiens (RATP). L'époux de la victime, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légale de ses enfants mineurs, met en jeu la responsabilité de la RATP, demandant la réparation du préjudice causé par cet accident. La cour d'appel le déboute de sa demande, la force majeure étant caractérisée puisque la victime s'est donné la mort. Le veuf forme alors un pourvoi en cassation.
Le demandeur au pourvoi invoque l'article 1384.1 du code civil selon lequel "la faute de la victime n'exonère totalement le gardien de sa responsabilité que si elle constitue un cas de force majeure".
Ce pourvoi est rejeté par l'Assemblée plénière qui affirme que "si la faute de la victime n'exonère totalement le gardien qu'à la condition de présenter les caractères de la force majeure, cette exigence est satisfaite lorsque cette faute présente, lors de l'accident, un caractère imprévisible et irrésistible". Puis, l'Assemblée plénière juge à bon droit que la faute de la victime exonérait la RATP de toute responsabilité.
Dans la seconde espèce, une personne physique avait commandé à un artisan une machine que lui seul pouvait réaliser le 11 juin 1997. En raison de l'état de santé du débiteur qui a commencé à se détériorer en juillet 1997, les parties conviennent d'une nouvelle date de livraison le 7 janvier 1998. Le 23 janvier 1998, un diagnostic révèle que le débiteur a un cancer. Son état de santé se dégradant rapidement, il décède sans que la machine n'ait été livrée. Le créancier assigne les héritiers du défunt afin d'obtenir une résolution du contrat et la condamnation de ces derniers à des dommages et intérêts. La cour d'appel accepte de prononcer la résolution mais refuse la condamnation des ayants droit, la force majeure ayant été caractérisée. Le créancier forme alors un pourvoi en cassation.
Selon le demandeur au pourvoi, le défunt débiteur aurait violé l'article 1148 du code civil car il savait souffrir d'une infection au poignet lors de la conclusion du contrat. En outre, le débiteur, en proposant de repousser la date de livraison, aurait dû prévoir qu'il ne pouvait respecter ce nouveau délai vu son infection au poignet.
L'Assemblée plénière rejette le pourvoi formé par le créancier et déduit, après avoir rappelé les dispositions de l'article 1148 du code civil, qu'un cas de force majeure est constitué lorsque le débiteur a été empêché d'exécuter par la maladie, dès lors que cet événement présente un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution. Puis après avoir exposé les motifs de la cour d'appel, elle estime que celle-ci "a décidé à bon droit que ces circonstances étaient constitutives d'un cas de force majeure".
Quels sont les critères de la force majeure en matières délictuelle et contractuelle?
La Cour de cassation, par ses solutions, précise que la force majeure doit comprendre cumulativement les éléments de l'imprévisibilité et de l'irrésistibilité aussi bien en matière délictuelle que contractuelle (I). Dès lors, des incertitudes se font jour concernant cette solution puisque l'élément de l'extériorité ne semblerait plus nécessaire dans la caractérisation de la force majeure (II).
[...] Or, comme le comportement de la victime n'était pas prévisible, la RATP est exonérée de sa responsabilité. Il faut savoir que ce critère de l'imprévisibilité était toujours exigé en matière délictuelle. En revanche, en matière contractuelle, le critère de l'imprévisibilité semblait avoir été mis à mal dès un arrêt rendu par la première chambre civile en 1966 et portant sur la responsabilité contractuelle relative à une grève du personnel d'EDF et où il a été jugé que "l'irrésistibilité de l'événement est à elle seule constitutive de la force majeure, lorsque sa prévision ne saurait permettre d'en empêcher les effets". [...]
[...] Quels sont les critères de la force majeure en matières délictuelle et contractuelle? La Cour de cassation, par ses solutions, précise que la force majeure doit comprendre cumulativement les éléments de l'imprévisibilité et de l'irrésistibilité aussi bien en matière délictuelle que contractuelle Dès lors, des incertitudes se font jour concernant cette solution puisque l'élément de l'extériorité ne semblerait plus nécessaire dans la caractérisation de la force majeure (II). Les deux critères cumulatifs de la force majeure: l'irrésistibilité et l'imprévisibilité L'assemblée plénière, par les arrêts du 14 avril 2006, donne une définition unitaire de la force majeure. [...]
[...] Ce pourvoi est rejeté par l'Assemblée plénière qui affirme que "si la faute de la victime n'exonère totalement le gardien qu'à la condition de présenter les caractères de la force majeure, cette exigence est satisfaite lorsque cette faute présente, lors de l'accident, un caractère imprévisible et irrésistible". Puis, l'Assemblée plénière juge à bon droit que la faute de la victime exonérait la RATP de toute responsabilité. Dans la seconde espèce, une personne physique avait commandé à un artisan une machine que lui seul pouvait réaliser le 11 juin 1997. En raison de l'état de santé du débiteur qui a commencé à se détériorer en juillet 1997, les parties conviennent d'une nouvelle date de livraison le 7 janvier 1998. [...]
[...] Le créancier assigne les héritiers du défunt afin d'obtenir une résolution du contrat et la condamnation de ces derniers à des dommages et intérêts. La cour d'appel accepte de prononcer la résolution mais refuse la condamnation des ayants droit, la force majeure ayant été caractérisée. Le créancier forme alors un pourvoi en cassation. Selon le demandeur au pourvoi, le défunt débiteur aurait violé l'article 1148 du code civil car il savait souffrir d'une infection au poignet lors de la conclusion du contrat. [...]
[...] Tout ce que l'on peut dire, c'est que l'Assemblée plénière, par ses décisions du 14 avril 2006 n'a semble-t-il pas réussi à émettre une solution très claire pour unifier le droit sur les critères de la force majeure car même si la solution donnée par la Haute juridiction précise clairement la nécessité de la présence cumulative de l'irrésistibilité et de l'imprévisibilité pour que la force majeure soit caractérisée, on s'interroge sur l'élément de l'extériorité et sur la constitution du cas de force majeure dans les hypothèses où les éléments d'imprévisibilité et d'irrésistibilité seraient présents mais qu'ils s'apprécieraient à des moments différents que ceux exigés dans les deux arrêts. Finalement, de nombreuses incertitudes subsistent et les divergences entre les juridictions sur les caractères de la force majeure vont donc sûrement persister. [...]
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