Dans quelle mesure la force majeure peut elle être constituée par le fait de la victime elle même ?
La Cour de cassation rappelle les conditions d'exonération de l'auteur (ici en l'occurrence du gardien de la chose puisqu'il s'agit d'un train) qui sont l'imprévisibilité, l'irrésistibilité et l'extériorité. Elle constate leur présence à tous et conclut donc à la force majeure, du fait notamment que la victime semble avoir agi volontairement en se jetant entre le train et la voie. La force majeure se trouve donc ici caractérisée par ce qui est appelé le « fait de la victime ». l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Le second arrêt concerne la responsabilité contractuelle. En l'espèce, un professionnel avait commandé une machine particulière à un fabricant. Or ce fabriquant se trouvait dans l'incapacité temporaire de réaliser une telle machine, ils avaient donc conclu de reporter la date de livraison. Cette seconde date n'a pas été respectée non plus et, atteint d'un cancer, le fabricant est mort avant d'avoir pu livrer la machine. Le cocontractant assigne donc les héritiers du fabricant en résolution du contrat et en paiement de dommages-intérêts. La Cour d'Appel résout le contrat mais refuse d'octroyer des dommages-intérêts car elle constate la force majeure ayant empêché le fabricant de remplir ses obligations contractuelles. Le cocontractant se pourvoit donc en cassation, selon le moyen que le fabricant savait souffrir du poignet droit depuis plusieurs mois au moment de la conclusion du contrat, et n'a pas pris toutes les mesures nécessaires afin de prévenir un tel événement (la non livraison de la machine). Ainsi, en invoquant la force majeure, la Cour d'Appel a violé l'article 1148 du Code civil car tous les éléments, notamment l'imprévisibilité, ne sont pas réunis en l'espèce.
Dans quelle mesure la maladie d'un cocontractant peut elle constituer une cause exonératoire de responsabilité pour celui-ci c'est-à-dire un cas de force majeure ?
La Cour de cassation admet elle aussi la force majeure et rejette le pourvoi. Selon elle, le caractère grave de la maladie du fabriquant n'étant apparu qu'après la conclusion du contrat, il était imprévisible. Celui-ci ne pouvait donc pas le prévoir et encore moins y résister. Il y a donc force majeure.
À travers ces deux arrêts l'Assemblée plénière souhaite rappeler à une jurisprudence fluctuante les critères constitutifs de la force majeure. Plusieurs points sont à envisager afin de comprendre totalement cette décision. D'une part, il apparaît que l'Assemblée plénière a rendu ce jour une solution très attendue en définissant la force majeure (I). D'autre part, la solution établie ce 14 avril 2006 est plus étendue qu'elle ne le paraît (II).
Ce plan n'est certes pas semblable à ceux présentés par les différents juristes ayant commenté ces deux arrêts. Cependant, reprendre le même plan aurait pu semblé trop inspiré de ces écrits et pas assez personnel. C'est pourquoi le plan diffère quelque peu de ceux rencontrés habituellement.
[...] Il faut aussi envisager le fait générateur du dommage dans le second arrêt. En effet, la Cour de cassation rappelle à plusieurs reprises qu'il s'agit d'une faute de la victime (le terme de faute est employé trois fois en quelques lignes seulement). Il s'agit en outre d'un acte volontaire. Non seulement la victime a commis une faute mais en plus elle l'a fait volontairement. Vu sous cet angle, il apparaît évident que le gardien du train qui l'a tuée ne saurait être responsable. [...]
[...] Ces deux arrêts présentent des faits qui ne sont pas ceux rencontrés habituellement dans des demandes d'indemnisation de la part de victimes. Ces particularités entraînent à la fois que plusieurs autres questions apparaissent et ne peuvent trouver qu'une seule réponse, mais elles entraînent aussi la possibilité pour la Cour de cassation de montrer que la responsabilité ne peut être engagée avec excès. Rappelant des conséquences périphériques Les faits étant particulier ils permettent aussi de rappeler des conséquences sur l'indemnisation des victimes de la force majeure, notamment dans le premier arrêt. [...]
[...] Cela dit, leur préjudice existe tout autant. C'est pourquoi la Cour de cassation a toujours accepté de les indemniser au titre de ce préjudice personnel du fait de la perte d'un être cher. Le problème qui se pose ici est que la victime a commis une faute telle qu'elle exonère le gardien de la chose responsable La question s'est souvent posée à la Cour de savoir quel statut doivent avoir les victimes par ricochet : doivent ils en effet supporter les conséquences de la faute de la victime directe ? [...]
[...] Dans le premier du 14 juin 2006, certes la Cour de cassation ne précise rien mais l'action volontaire de la victime impose cette extériorité. Dans tous les cas où le fait de la victime a conduit au dommage, l'extériorité est nécessairement présente. La thèse de l'abandon du critère de l'extériorité est soutenue par de nombreux auteurs tels que ceux cités précédemment ou encore le professeur Antonmattéi selon que l'extériorité n'est plus un critère de la qualification de la force majeure Cependant, en lisant l'arrêt d'une autre manière il peut être établie la conclusion inverse. [...]
[...] La réponse a été donnée par l'Assemblée Plénière (de la Cour de cassation) le 19 juin 1981 dans un arrêt dans lequel elle affirme celui dont la faute a causé un dommage ( . ) est déchargé en partie de la responsabilité mise à sa charge s'il prouve qu'une faute de la victime a concouru à la production du dommage [même lorsque la demande d'indemnité est formée] par un tiers qui ( . ) demande réparation du préjudice personnel dont il a souffert Ainsi, les victimes par ricochet ne sont pas indemnisées si la faute de la victime exonère totalement le responsable ce que rappelle ici la Cour de cassation, a fortiori lorsque la faute est volontaire et constitue un suicide. [...]
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