Jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, seules les personnes physiques pouvaient être déclarées pénalement responsables. En instituant la responsabilité pénale des personnes morales le nouveau Code pénal dans son article 121-2 a rompu avec les principes classiques même si il existait déjà des cas ou les personnes morales faisaient l'objet d'une répression que ce soit par le paiement d'amendes que de possibles sanctions administratives. Mais cette responsabilité est néanmoins limitée dans ses conditions de mise en œuvre car, si les personnes morales sont pénalement responsables dans les mêmes conditions que les personnes physiques, il n'en reste pas moins que l'on ne peut par exemple leur imposer des peines privatisent de liberté. De plus le fait que ce sont des fictions juridiques induit nécessairement que les éléments, matériel et intellectuel de l'infraction, soient réalisés par un intermédiaire qui pourra être une ou plusieurs personnes physiques. D'ailleurs il apparaît alors logique de retenir la responsabilité de la personne morale et non des intermédiaires que si les infractions ont été commises dans l'intérêt de la personne morale. C'est pourquoi l'article 121-2 du NCP pose le principe que la mise en œuvre de la responsabilité pénale des personnes morales n'est possible que si l'infraction a été commise par l'intermédiaire de ses organes ou de ses représentants et ce pour le compte de la personne morale.
Mais il est vrai que l'identification de la responsabilité des personnes morales n'est pas, comme on pourrait le croire, aussi facile à déceler que ces principes pourraient le laisser entendre et c'est ce que nous allons pouvoir constater avec ces deux arrêts très récents rendus par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 23 mai et le 20 juin 2006.
En l'espèce, dans le premier arrêt, un salarié de la société Lohner est victime d'un accident mortel du fait du déséquilibre d'une nacelle qu'il commandait sur le chantier de la compagnie des transports strasbourgeois le 2 juin 1999. Ses proches attaquent alors pour le chef d'homicide d'involontaire Michel B le préposé de la société SNC Aficoor devenue Norisko Coordination ainsi que la société elle même qui devait être le propriétaire de la nacelle.
Le tribunal correctionnel déclare Michel B coupable mais ne retient pas par contre la responsabilité de la société. Michel B interjette alors appel de ce jugement et la Cour d'appel confirme sa culpabilité mais retient aussi celle de la société. En conséquence la société se pourvoit alors en cassation devant la Chambre criminelle.
Selon la Cour d'appel la société est responsable pénalement car elle n'a pas pris de dispositions de sécurité spéciales que lui imposait pourtant la particularité du sol et cela lui avait été indiqué par un courrier de l'inspection du travail. De plus elle considère que le nombre d'heures passées au contrôle technique de l'engin dans le but d'assurer cette mission de sécurité de prévention était insuffisant.
Selon la société, la Cour d'appel n'a pas recherché le sens véritable de l'article 121-2 du NCP car elle n'a pas établie le lien qui doit être nécessaire pour retenir la responsabilité de la société, à savoir que la faute doit avoir été commise par les organes ou représentants de la société.
Est-il nécessaire d'identifier clairement la responsabilité des organes dirigeants d'une personne morale pour retenir sa responsabilité ?
La Cour a considéré qu'en effet il était nécessaire d'établir clairement la responsabilité des organes dirigeants pour retenir la responsabilité de la personne morale et que donc si le lien n'est pas établi expressément, cette responsabilité ne peut être retenue. En l'occurrence ce lien n'a pas été établi en l'espèce et la responsabilité de la société ne peut être retenue sur l'interprétation faite par la Cour d'appel de l'article 121-2 du NCP. La Cour de cassation par son arrêt du 23 mai 2006 casse donc l'arrêt rendu en appel.
Ensuite concernant le second arrêt, en l'espèce, Alain G, salarié de la société Sollac Lorraine a fait une chute mortelle le 17 novembre 2002 lors d'une inspection du fait qu'il avait emprunter une plate forme métallique dont la dangerosité n'avait pas été signalée alors qu'elle était hors service et qui a donc cédé sous son poids. Ses proches ont donc attaqué la société Sollac Lorraine du chef d'homicide involontaire.
Le tribunal correctionnel a retenu la responsabilité de la société qui a donc interjeté appel mais qui a de nouveau été déboutée. En conséquence elle se pourvoit en cassation devant la Chambre criminelle.
Selon la société Sollac Lorraine, la Cour d'appel a méconnu le sens de l'article 121-2 du NCP car elle a déclaré la société responsable pénalement sans préciser l'identité de ceux qui ont commis l'infraction de manquement à des obligations de sécurité et que donc le lien entre la responsabilité des organes dirigeantes et la commission de l'infraction n'a pas été établie. De ce fait la société ne peut être tenue pour responsable de l'accident. De plus selon l'article 131-35 du NCP l'affichage de la condamnation dans les locaux de la société ne peut durée plus de 2 mois. Or la Cour d'appel a ordonné l'affichage de la décision pendant 3 mois et a donc prononcé une peine qui est supérieure à celle prévu par la loi, ce qui viole l'article 111-3 du NCP.
Selon la Cour d'appel la société est responsable car cette infraction de manquements à des obligations de sécurité a été commise pour le compte de la société et en conséquence elle n'a pu être commise que par des organes ou des représentants de celle ci et ce qu'importe leur identité. De plus la décision sera affichée dans les locaux de la société pendant 3 mois.
Est-il possible de retenir la responsabilité d'une personne morale en faisant peser contre elle une présomption de commission par ses organes dirigeants et qui donc dispense d'une identification claire des intermédiaires qui ont commis l'infraction pour le compte de la société ?
La Cour a considéré qu'en effet il existait une présomption de commission par les organes dirigeants de la société qui permet donc de retenir la responsabilité pénale de cette dernière sans avoir à identifier clairement les intermédiaires qui ont commis l'infraction pour le compte de la société. La société est donc responsable mais par contre il y a bien violation des articles 131-35 et 111-3 du NCP car en effet l'affichage de la décision ne pouvait durer que 2 mois maximum et non 3 mois comme prévu par la Cour d'appel. En conséquence la Cour, par cet arrêt du 20 juin 2006, casse l'arrêt rendu par la Cour d'appel mais elle se charge aussi de mettre fin au litige en retenant la responsabilité de la société et en fixant à deux mois l'affichage de la décision.
A travers ces deux arrêts il conviendra donc d'étudier d'abord l'illustration qui est donnée des problèmes d'identification de la responsabilité pénale des personnes morales (I) pour pouvoir envisager par la suite la protection des personnes morales vis à vis d'un engagement excessif de leur responsabilité pénale (II).
[...] Mais ces deux arrêts constituent également l'occasion de rappeler la volonté de protéger les personnes morales vis à vis d'un engagement excessif de leur responsabilité pénale II. La protection des personnes morales vis à vis d'un engagement excessif de leur responsabilité pénale En effet, même si la solution rendue par la Chambre criminelle le 20 juin 2006 est très critiquable, elle reste néanmoins l'occasion de dégager a contrario certains principes fondamentaux qui traduisent la protection des personnes morales vis à vis d'un engagement excessif de leur responsabilité pénale et ce de la même manière qu'avec l'apport de la solution rendue par la Chambre criminelle le 23 mai 2006. [...]
[...] Mais d'autres choix ont par contre suscité des débats et de la controverse. D'une manière générale on a considéré que ces fonctions rapportaient à des fonctions de direction, d'administration, de gestion ou de contrôle ou qui sont habilités à prendre des décisions. Ce lien nécessaire entre le représentant et la faute commise concerne toutes les infractions et donc également les infractions non intentionnelles comme en l'espèce. Ces fautes peuvent être de négligence, d'imprudence ou un manquement à une obligation de sécurité et on retrouve donc avec cet arrêt la difficulté d'établir un lien de responsabilité entre la faute et les actes du représentant. [...]
[...] Enfin même si, concernant les fautes non intentionnelles, des arrêts ont affirmé clairement les liens de responsabilité existants entre la faute et les représentants ou organes de la personne morale (Crim. 1er décembre 1998, Bull crim. il est clair qu'avec cet arrêt du 23 mai 2006 on voit bien que la situation n'est pas encore clarifiée quant à l'identification de la responsabilité des personnes morales et des incertitudes liées à l'importance du rôle des représentants ou des organes décisionnels. D'ailleurs on retrouve aussi une certaine controverse à propos de la responsabilité des personnes morales pour les infractions commises pour leur compte. [...]
[...] De plus il apparaît que l'expression pour le compte de est assez réductrice s'agissant d'une infraction non intentionnelle car la personne morale n'en tire pas forcement un avantage. D'une manière générale on peut dire que la responsabilité de la personne morale peut être engagée dès lors que l'infraction est commise par un organe ou un représentant de celle ci agissant dans le cadre de ses fonctions, au nom de la personne morale, dans la direction ou l'administration de celle ci. [...]
[...] Le tribunal correctionnel a retenu la responsabilité de la société qui a donc interjeté appel mais qui a de nouveau été déboutée. En conséquence elle se pourvoit en cassation devant la Chambre criminelle. Selon la société Sollac Lorraine, la Cour d'appel a méconnu le sens de l'article 121-2 du NCP car elle a déclaré la société responsable pénalement sans préciser l'identité de ceux qui ont commis l'infraction de manquement à des obligations de sécurité et que donc le lien entre la responsabilité des organes dirigeantes et la commission de l'infraction n'a pas été établie. [...]
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