Le statut juridique des bébés a toujours fait débat en doctrine. La loi reconnaît le statut d'embryon, de foetus puis d'être humain. Il est question de la protection de ce statut dans deux arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de Cassation :
● Le 05/10/1998, Pascale enceinte de 8 mois a été grièvement blessée dans un accident de la circulation impliquant Noëlle X. A la suite de l'accident, elle a donné naissance à un garçon par césarienne qui est décédé 1H plus tard à la suite de lésions vitales irréversibles subies au moment du choc. La Cour d'Appel de Versailles a été saisie de l'affaire et a rendu un arrêt en date du 30/01/2003 qui confirme le jugement rendu en première instance, car il condamne Joëlle pour homicide involontaire sur la personne de Yoan à 1 an de prison avec sursis et 5000 francs d'amende ainsi que 18 mois de suspension de permis. Un pourvoi en cassation a été formé par le procureur général. La Cour d'Appel a estimé que l'enfant était décédé une heure après sa venue au monde à la suite de la perte de maîtrise du véhicule par Joëlle. La Cour de Cassation dans un arrêt du 02/12/2003 rejette le pourvoi et confirme l'existence de l'homicide involontaire sur la personne de Yoan.
● Le 10/10/2003, Kevin et Florinda ont un accident de la circulation. Cette dernière enceinte de 22 semaines est décédée ainsi que son bébé. Le ministère public a cité Kevin devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire sur la personne de Florinda. Le mari de celle-ci a fait citer Kevin pour homicide involontaire sur la personne de l'enfant à naître. Les juges du fond ont condamné Kevin pour homicide involontaire sur Florinda et l'ont relaxé pour l'infraction portant sur l'enfant à naître. Les parties civiles et le procureur général ont fait appel de la décision de relaxe. La cour d'appel a confirmé le jugement rendu en première instance. La Cour de Cassation a alors été saisie de l'affaire. Le mari de Florinda reproche à Kévin d'avoir commis un homicide involontaire sur la personne à naître, tandis que la Cour d'Appel refuse d'étendre cette incrimination au cas de l'enfant à naître. La Cour de Cassation rejette le pourvoi dans un arrêt du 27/06/2006 et ne condamne Kevin pour homicide involontaire que sur la personne de Florinda.
Ces deux affaires regroupent le même problème : dans quelle mesure peut-on retenir l'infraction d'homicide involontaire sur un enfant à naître ou né ?
La Cour de Cassation retient l'homicide involontaire lorsque l'enfant est né vivant puis est décédé après avoir vécu quelques instants au minimum. Elle rejette cette qualification lorsque l'enfant à naître n'est par définition pas encore né. On constate donc une discrimination entre les êtres à naître et ceux nés dont il convient d'expliquer les fondements (I), une différenciation de statut qui s'appuie sur de nombreuses bases légales (II).
[...] D'après NEIRINCK, seules les personnes peuvent être sujets de droit tandis que les choses sont objets de droit. Certaines juristes estiment que le législateur a considéré l'embryon comme une chose (c'est le cas pour G.MEMETEAU ou encore D.VIGNEAU). D'autres enfin font valoir que la distinction entre les personnes et les choses est ici inopérante (v. D.THOUVENIN). Si le statut de l'embryon et du foetus demeure incertain, ces incertitudes n'ont pas empêché d'accorder une certaine protection juridique à l'enfant né vivant et viable. [...]
[...] Cette position de la Cour de cassation n'est pas une nouveauté. La Chambre criminelle dans un arrêt du 30/06/1999 a cassé un arrêt condamnant pour homicide involontaire le gynécologue qui, à la suite d'une erreur, avait provoqué l'avortement d'une patiente enceinte de quelques semaines au motif que les atteintes à la vie du Code pénal ne concernent que la personne juridique Cette position n'est pas toujours suivie par certains arrêts de Cour d'appel notamment dans une hypothèse semblable aux nôtres, car dues à un accident de voiture ayant causé la mort d'un foetus viable dans un arrêt en date du 03/02/2000. [...]
[...] La France, comme nous l'avons vu précédemment, ne reconnaît pas de droit au fœtus. Certes, l'adage infans conceptus pro nato habetur, considéré comme un principe général du droit, permet de faire remonter rétroactivement la date de constitution de certains droits, en faveur de la personne, à la date de sa conception, mais l'application de cette règle est toujours subordonnée à la naissance comme nous l'avons vu dans nos deux arrêts. La reconnaissance prénatale est possible, mais l'auteur de la reconnaissance ne peut être considéré comme le père d'un enfant avant la naissance (Conseil d'Etat, arrêt du 29/03/1996). [...]
[...] La Cour de cassation n'étend donc pas la notion d'« autrui au fœtus. Dans l'arrêt en date du 27/06/2006, elle évoque sa propre jurisprudence pour justifier sa position. En effet, elle dispose que la Cour de Cassation à plusieurs reprises, rappelant le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale considère qu'« autrui ne peut concerner l'enfant en voie de naître ; que l'incrimination d'homicide involontaire ne peut s'appliquer qu'au cas de l'enfant né vivant Elle va même au-delà du principe, car elle soulève véritablement le problème de la protection des enfants à naître. [...]
[...] En effet, l'embryon et le fœtus sont par définition des personnes humaines en devenir. L'absence de droits subjectifs n'exclut pas que la personne en devenir bénéficie d'une protection objective, à l'aide de droits fondamentaux d'inspiration constitutionnelle tels que le respect de l'être humain dès le commencement de la vie, la dignité de la personne humaine en référence à l'article 16 Code civil qui dispose que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie Dès sa naissance, l'enfant bénéficie aussi de toutes les protections légales reconnues dans notre pays, et ce, jusqu'à son décès. [...]
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