« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont en doit répondre, ou des choses que l'on a sous la garde ». L'article 1384 alinéa 1 du Code civil, bien que se présentant sous la forme d'un principe général et absolu de responsabilité, a mis beaucoup de temps pour être considéré comme tel par la jurisprudence et notamment la Cour de cassation. Cependant, depuis quelques années (arrêt Blieck, 1991), la Cour de cassation reconnaît un principe général de responsabilité du fait d'autrui, principe qu'elle n'a pas cessé, depuis cette date, d'élargir à de nombreux domaines. En particulier, un arrêt de la deuxième chambre civile du 12 décembre 2002 marque un pas important car la Cour écarte des critères qu'elle retenait auparavant.
En l'espèce, une fillette qui participait à un défilé de majorettes a été blessée par le bâton manipulé par une autre. Les parents de la fillette ont donc assigné la gardienne du bâton en réparation du préjudice subi sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil et, solidairement, l'association en charge du défilé sur le fondement des articles 1382 et 1384 alinéa 1 du Code civil. Le tribunal de première instance puis la Cour d'Appel de Versailles, le 15 octobre 1999 condamnent solidairement la fillette gardienne du bâton et l'association (et son assureur) à réparer le préjudice subi par la victime.
L'association et la compagnie d'assurance forment un pourvoi en cassation selon le moyen que seules les personnes qui ont pour mission de régler le mode de vue d'autrui ou de contrôler l'activité potentiellement dangereuse à laquelle il se livre répondent des dommages qu'il peut causer par son fait. Or un défilé de majorettes ne présente aucun danger que ce soit pour le public ou pour les participants. De plus, le moyen conteste l'importance du contrôle exercé par l'association sur ses membres, contrôle se bornant selon lui à donner les instructions de marche. Ainsi, le moyen conclut qu'en l'absence de faute de la part de l'association, celle-ci ne peut être tenue responsable du préjudice de la majorette. La Cour d'Appel aurait donc violé l'article 1384 alinéa 1 du Code civil.
Dans quelle mesure une association peut elle voir sa responsabilité engagée, en l'absence de faute de sa part, du fait du dommage causé par un de ses membres au cours d'une activité organisée par elle, alors même que cette activité ne présente aucun danger ?
La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la responsabilité de l'association dans le dommage causé à un de ses membres par un autre des ses membres. Au travers de son raisonnement, quatre éléments se distinguent. Ainsi, le dommage a été causé par un membre de l'association, à l'occasion du défilé organisé par celle-ci, alors qu'elle avait pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de ses membres au cours de ce défilé. Cette responsabilité est engagée en l'absence de dangerosité de l'activité. En outre, deux autres éléments, par leur absence peuvent venir s'ajouter à ceux-ci. D'une part, l'absence de faute de la majorette qui perdu le contrôle de son bâton, et d'autre part l'absence de caractère sportif de l'association ou du moins l'absence du critère sportif dans la solution de la Cour de cassation.
Ainsi, il faut d'abord examiner les conditions de l'engagement de la responsabilité d'une association (I) puis dans un deuxième temps les caractères de la faute et de l'association (II).
[...] Cela rejoint le droit administratif qui permet aux administrés d'engager la responsabilité de l'administration seule en cas de cumul de responsabilités ou de fautes entre celle-ci et son agent. L'élargissement de la jurisprudence de la Cour de cassation dans ce domaine peut donc trouver de nombreuses justifications. Enfin, le fondement de la responsabilité du fait d'autrui permet certainement de donner une dernière explication : en effet, la responsabilité de l'association, de l'organisation ou de n'importe quelle autre personne physique ou morale apparaît comme la contrepartie de l'autorité conférée sur la personne fautive. [...]
[...] En outre peut être discutée la mission de contrôle, d'organisation et de direction de l'association. Ainsi, il semblerait que la Cour de cassation se dirige de plus en plus vers un régime général de la responsabilité du fait d'autrui Les constantes de la responsabilité du fait d'autrui L'arrêt Blieck avait posé dans un premier temps les bases de l'engagement de la responsabilité du fait d'autrui. En effet, la Cour de cassation avait retenu la responsabilité d'une association qui avait accepté la charge d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de ce handicapé ( . [...]
[...] Au contraire, comme l'a précisé la Cour de cassation, en l'absence de dangerosité de l'activité les participants n'ont pas forcément prévu ce type d'accident et ainsi il n'est pas nécessaire qu'une faute soit constatée pour engager la responsabilité de l'association. Le bâton a échappé à la maîtrise d'une participante Celle-ci n'a donc pas commis de faute au sens de l'article 1382 du Code civil et de la jurisprudence (fait dommageable d'omission ou de commission caractérisée par la volonté de nuire ou la malice), mais un quasi-délit (pas d'intention de nuire ni de malice, la négligence ou l'imprudence sont suffisantes) au sens de l'article 1383 du Code civil. [...]
[...] Ces différents arrêts montrent l'importance de l'élargissement de la responsabilité du fait d'autrui qui a eu lieu depuis l'arrêt Blieck. Cependant, une limite peut être apportée. En effet, la Cour de cassation refuse toujours que les grands-parents soient reconnus responsables du fait de leur petit enfant alors que celui-ci est en vacances chez eux (deuxième Chambre civile septembre 1996 et 5 février 2004). La différence de régime entre les deux situations tient au fait que l'enfant réside de façon permanente chez ses père et mère, et seulement occasionnellement chez ses grands-parents. [...]
[...] La dangerosité de la personne a été peu à peu écartée dans certains arrêts pour faire place à la dangerosité de l'activité : en effet, certaines activités sportives ou non présentent un caractère plutôt dangereux (rugby par exemple) qui peut expliquer que l'association soit déclarée responsable des actions menées par ses membres. Or, en l'espèce, la Cour de cassation écarte clairement le critère de la dangerosité de l'activité. Ainsi, comme le remarque Patrice Jourdain, la mise en oeuvre de la responsabilité serait indifférente des risques liés à l'activité. [...]
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