La doctrine a longtemps été divisée sur la question de savoir si l'on pouvait cumuler les condamnations relatives à la mise en danger d'autrui d'une part, et à une infraction effectivement réalisée d'autre part. Un arrêt du 11 Septembre 2001 par exemple, rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, traite de son concours avec l'infraction de blessures involontaires aggravées.
En l'espèce, des patients avaient contracté certaines pathologies à la suite d'anesthésies pratiquées par un médecin. Il fut démontré par la suite que les pathologies étaient la conséquence directe des anesthésies, qui n'avaient pas été réalisées par le médecin dans les conditions d'hygiène et de sécurité prévues par le décret du 5 Décembre 1994.
Les victimes ont ainsi assigné le médecin en justice afin d'obtenir sa condamnation ainsi que des dommages-intérêts au titre de leur préjudice.
La cour d'appel d'Aix en Provence a, le 15 Juin 2000, confirmé le premier jugement suite à l'appel du prévenu et l'a condamné à deux ans d'emprisonnement, ainsi qu'à des réparations civiles.
Le prévenu a formé un pourvoi en cassation contre chaque chef d'accusation. Il prétend tout d'abord que la condamnation pour le délit de mise en danger d'autrui ne peut pas être prononcée en plus de celle pour blessures involontaires aggravées. Il conteste par ailleurs le fait que le délit de blessures involontaires soit aggravé puisqu'il n'estime pas avoir violé de façon manifestement délibérée le décret en cause.
La question qui se pose ici est donc la suivante : dès lors que les éléments communs à une infraction et au délit de mise en danger d'autrui sont présents, un juge peut-il prononcer une double déclaration de culpabilité pour un même fait fautif ?
La Cour de cassation rejette les différents moyens invoqués au pourvoi en énonçant que le délit de blessures involontaires aggravé est constitué. Le cumul étant impossible (I), il n'y a pas lieu d'étudier l'existence du délit de mise en danger d'autrui (II).
[...] Il convient de préciser qu'il n'y a pas de présomption de risque du seul fait de la violation d'une obligation de sécurité (ex : crim. 03/04/2001). La preuve doit découler des faits, sauf par exemple dans le cas où le fautif aurait déjà été sommé d'arrêter et qu'il ait malgré tout continué. En l'espèce, le risque provoqué par la violation a été prouvé par les juges du fond au vu des faits, et la Cour de cassation n'a pas vérifié qu'il était réellement caractérisé. [...]
[...] Enfin, pour la doctrine et la Cour de cassation, c'est la valeur sociale visée par l'infraction qui détermine la possibilité ou pas de cumul de qualifications. C'est le cas ici puisque les deux infractions protègent l'intégrité physique ou psychique de la personne humaine. Parfois, la Cour de cassation admet en effet le cumul quand la valeur sociale atteinte est différente (exemple : crim. 3/03/1960 pour destructions et homicide), ce qui se vérifie notamment par le fait qu'elles se trouvent dans une partie différente du Code pénal (et a fortiori dans un autre Code ce qui n'est pas le cas ici). [...]
[...] Application de la règle du non bis in idem L'arrêt confirme ainsi le principe de droit général selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits Il est en effet habituel en jurisprudence de refuser de prononcer plusieurs condamnations pour un fait fautif commis à l'égard des mêmes personnes (Y. Mayaud), ce que la Cour de cassation a confirmé être le cas en l'espèce. Ce principe est énoncé dans de nombreux textes internationaux comme le Pacte de New York relatif aux droits civils et politiques de 1966 (article 14 le protocole 7 de la CEDH (article ou encore la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (article 50). [...]
[...] L'infraction de blessures involontaires est définie à l'article 222- 19 du Code pénal comme une infraction non intentionnelle. Ici, la Cour d'appel avait constaté la présence de l'élément matériel de cette infraction ; l'existence d'une incapacité totale de travail de plus de trois mois pour une victime et de moins de trois mois pour les autres (article 222-20), mais celle-ci suppose comme élément moral une simple négligence, imprudence. Constatant que les dommages des victimes avaient été provoqués par un manquement manifestement délibéré d'une obligation particulière de sécurité imposée par la loi ou le règlement (décret de 1994), elle a donc retenu la circonstance aggravante de cette infraction prévue aux articles 222-19 alinéa 2 et 222-20 du même Code. [...]
[...] La Cour de cassation reprend ici sa solution (crim. 14/10/1954) selon laquelle un même fait ne peut être retenu comme constitutif à la fois d'un crime ou d'un délit [ici, la mise en danger d'autrui] et d'une circonstance aggravante accompagnant une autre infraction [violation délibérée aggravant les blessures involontaires] confirmée par la suite. L'ensemble de la doctrine est conforme à cette solution sauf peut-être M-L. Rassat qui se prononce pour une double (voire triple) déclaration de culpabilité, car selon elle il s'agit d'un concours réel d'infractions. [...]
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