Les dispositions du Code pénal relatives aux agressions sexuelles sont d'application délicate et suscitent un abondant contentieux devant la Cour de cassation. L'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, en date du 7 décembre 2005, rejette d'ailleurs un pourvoi formé suite à la condamnation d'un jeune homme pour agressions sexuelles.
Un mineur a commis des atteintes sexuelles sur des enfants mineurs de moins de quinze ans. En première instance, le prévenu a été condamné pour agressions sexuelles sur le fondement de l'article 222-22 du Code pénal. Un appel a alors été formé. La Cour d'appel de Bordeaux (chambre spéciale des mineurs) a rendu un arrêt le 19 janvier 2005, par lequel elle a condamné pénalement et civilement le prévenu pour agressions sexuelles aggravées par la circonstance de leur commission sur des mineurs de moins de 15 ans, et a par la même déclaré ses parents civilement responsables. Ces derniers formèrent un pourvoi en cassation au moyen pris de la violation des articles 1383 du Code civil, 222-22 et suivants du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénal, ainsi que pour un défaut de motifs et manque de base légale. Les demandeurs au pourvoi faisaient grief à l'arrêt d'avoir condamné le prévenu pour agressions sexuelles aggravées alors que « tout jugement ou arrêt de condamnation en matière correctionnelle, doit constater l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction, que le délit d'agression sexuelle suppose l'usage par son auteur de violence, contrainte, menace ou surprise, que la violence, contrainte, violence, menace ou surprise ne saurait se déduire du seul âge de la victime, lequel n'en constitue qu'une circonstance aggravante ». Ainsi selon eux la Cour d'appel aurait privé sa décision de base légale en se bornant à retenir, afin de condamner le prévenu du chef d'agressions sexuelles, que l'état de surprise ou de contrainte résultait du très jeune âge des victimes.
[...] La chambre criminelle de la Cour de cassation n'opère donc pas un revirement de jurisprudence dans son arrêt de 2005. En confirmant la prise de position de la Cour d'appel, elle revient sur la jurisprudence antérieure, qui avait proclamé une présomption d'absence de consentement en faveur des victimes mineures. Le raisonnement de la Cour de cassation est donc le même que celui de la jurisprudence traditionnelle, à savoir que si la victime est un mineur très jeune, alors elle ne dispose pas de la faculté de discernement, lui permettant d'appréhender la situation. [...]
[...] Cet énoncé permet donc de déduire qu'en cas d'atteinte sexuelle exercée par un mineur sur des mineurs, il ne peut pas y avoir d'inculpation pour atteinte sexuelle au sens de l'article 227-25 du Code pénal. Le seul moyen d'incriminer le jeune homme était donc le chef d'agression sexuelle, qui nécessitait de prouver l'absence de consentement, en raison d'un état de contrainte, violence, menaces, ou de surprise. On peut considérer que c'est pour s'assurer de la condamnation du prévenu que la Cour a confirmé l'arrêt de la Cour d'appel, qui déduisait du jeune âge des victimes, la contrainte ou surprise et donc l'agression sexuelle. [...]
[...] A contrario pour les enfants qui ont dix ans ou plus, les juges paraissent indiquer qu'il faudra caractériser des éléments de contrainte, menace, ou surprise, l'âge en tant que tel étant inopérant pour la constitution de l'agression sexuelle. Toutefois même pour ces victimes, la preuve a été facilitée. En effet, la loi du 8 février 2010 a introduit l'article 222-2-1 au Code pénal. La contrainte étant alors expressément définie par la loi, les victimes devraient avoir moins de difficultés à attester de cet état et à faire condamner leurs agresseurs sur le fondement de l'article 222-2 du code pénal, ce qui illustre une fois de plus la volonté protectrice du législateur à l'encontre des victimes d'abus sexuels. [...]
[...] Si le consentement est aussi important, c'est parce qu'il permet de distinguer les agressions sexuelles des simples atteintes sexuelles. Les atteintes sexuelles strictes sont exercées sur la victime avec son consentement alors que dans les agressions sexuelles, la victime n'est pas consentante puisque sous un état de contrainte, violence, menace ou surprise. La caractérisation de l'atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise est donc la clé d'une condamnation sur le fondement de l'article 222-2. En effet si on ne prouve pas l'absence de consentement, résultant d'un état de contrainte, menace, violence ou surprise, alors ni l'élément matériel, ni l'élément moral ne sont constitués et il n'y a alors pas d'agression sexuelle au sens juridique. [...]
[...] La Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt de rejet le 7 décembre 2005. Elle a alors écarté le moyen invoqué au motif que la Cour d'appel avait justifié sa décision. En effet, pour déclarer le prévenu coupable d'agressions sexuelles aggravées, la Cour avait énoncé que l'état de contrainte ou de surprise résultait du très jeune âge des enfants, lequel les rendait incapables de réaliser la nature et la gravité des actes qui leur étaient imposés. [...]
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