Dans un arrêt de rejet rendu par la Chambre criminelle de la Cour de Cassation le 27 janvier 2010 au visa notamment des articles 427, 591 à 593 du Code de procédure pénale, ainsi que des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, la Cour a été amenée à se prononcer sur la valeur probante de documents obtenus de façon déloyale par un particulier.
En l'espèce, un homme faisant l'objet d'une procédure de licenciement avait dénoncé aux services de gendarmerie les agissements frauduleux de son employeur qu'il accusait d'avoir détourné des fonds sociaux à des fins personnelles, rapportant la preuve de ses allégations par le biais de documents photocopiés par ses soins, à l'insu de son employeur, et alors qu'il faisait encore partie du personnel de la société.
A l'issue de l'enquête, l'employeur fut poursuivi et condamné par les juges du fond du chef d'abus de biens sociaux, la Cour d'appel le déboutant de sa demande visant à écarter des débats lesdits documents qu'il déclarait frauduleusement obtenus, au motif qu'il n'était pas démontré que l'employé ait frauduleusement soustrait les pièces produites, puisqu'à la date des faits ce dernier demeurait employé de la société.
[...] Puis, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme pose le principe du droit à un procès équitable. Evincer l'action publique d'un tel mode de preuve ne va-t-il pas à l'encontre de ce principe ? Sans doute les juges auraient-ils pu mettre parties civiles et action publique sur un pied d'égalité, autorisant cette dernière à agir plus librement, mais là encore, au vu de ses moyens nettement plus perfectionnés, c'est un autre principe qui aurait été bafoué, à savoir celui des droits de la défense que cette jurisprudence s'efforce tant bien que mal de faire respecter. [...]
[...] A moins qu'elle ne fasse un bond en arrière, niant sa jurisprudence récente qui semblait limiter cette possibilité aux besoins de la défense (Crim janvier 2007). Quoiqu'il en soit, pour tout mode de preuve, qu'il ait été obtenu frauduleusement ou non, il est crucial d'en déterminer la valeur probante qui en droit pénal, contrairement au droit civil, n'est pas fixée par avance par la loi. Aussi en matière pénale, leur examen demeure soumis à l'appréciation souveraine des juges ainsi qu'aux règles procédurales de droit commun. [...]
[...] L'acceptation du recours à des procédés déloyaux dans l'obtention d'un mode de preuve par un particulier au bénéfice des parties civiles Effectivement, la Cour de Cassation a développé au fil des années une jurisprudence selon laquelle une personne ayant commis une infraction pour recueillir une preuve n'est pas pénalement responsable si ladite infraction a été commise dans le but d'exercer ses droits de la défense en justice. Et dans son arrêt de 2010, elle réitère une formule auparavant consacrée (Crim avril 1987, Crim février et 23 juillet 1992) selon laquelle dès lors qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter des moyens de preuve remis par un particulier aux services d'enquête, au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale et qu'il leur appartient seulement ( ) d'en apprécier la valeur probante Et en effet, l'article 247 alinéa 1 du Code de procédure pénale visé par la Cour dispose que Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction Ainsi, un salarié lorsqu'il est face à son employeur dans le cadre d'une action prud'homale peut apporter au débat des documents obtenus frauduleusement sans voir sa responsabilité pénale engagée, lorsque cet acte était strictement nécessaire à l'exercice des droits de sa défense (Crim mai 2004). [...]
[...] En outre, l'employeur invoquait l'ingérence dans l'exercice de son droit au respect de la vie privée commise par l'employé en soustrayant ces pièces à son insu, ingérence dont les juges du fond n'avaient pas pris la peine de rechercher le caractère nécessaire et proportionné, violant par la même le principe de loyauté de la preuve. Dès lors, la question posée à la Cour de Cassation était de savoir si des documents obtenus de façon illicite ou déloyale par un particulier pouvaient être admis comme mode de preuve pour dénoncer les agissements d'un individu et apportés aux débats. [...]
[...] Egalement, le juge ne peut fonder sa décision sur des éléments parvenus à sa connaissance et qui n'auraient pas été soumis à la libre discussion des parties, car ce principe du contradictoire impose en effet que les preuves produites par l'une des parties soient impérativement communiquées à l'autre. Les moyens preuves avancés servent donc à appuyer la conviction du juge, dès lors qu'ils ont été régulièrement versés au débat et soumis à la libre discussion des parties (Crim novembre 1959), formule reprise en d'autres termes par la Cour de Cassation en 2010. [...]
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