C'est l'arrêt Jand'heur qui, en 1930, pose de façon solennelle les principes de la responsabilité du fait des choses. Le législateur a par la suite légalisé cette jurisprudence et désormais la responsabilité du fait de toutes les choses est indifféremment reconnue sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er. Cependant, engager la responsabilité du gardien d'une chose n'est pas toujours aussi aisé et la jurisprudence a du par la suite poser un certain nombre de principes qui diffèrent d'ailleurs selon les arrêts, ce qui sera vu par la suite.
Dans un arrêt du 25 novembre 2004, la Cour de cassation refuse d'engager la responsabilité du gardien d'un escalier. En effet, un particulier est tombé dans l'escalier d'un cabinet d'avocat et a assigné celui-ci et son assurance en réparation du préjudice subi sur le fondement de l'article 1384 du Code civil. Il affirme que l'escalier présente un vice interne car il n'est pourvu que d'une seule rampe alors que la réglementation en impose deux. Or, ayant dérapé car les marchés étaient glissantes et dépourvues de tapis anti dérapant, il n'a pu se rattraper à la seconde rampe.
La Cour d'Appel rejette sa requête car, selon les conclusions de l'expert, l'escalier n'a pas de rôle causal dans la chute de la victime. Celle se pourvoit alors en cassation selon différents moyens. D'une part, elle affirme que le gardien d'un escalier présentant une anormalité est responsable du dommage que cet escalier peut causer, or l'escalier présente une anormalité puisqu'il n'est pourvu que d'une seule rampe. D'autre part, si le demandeur a prouvé l'anormalité de la chose objet du dommage, c'est à son gardien de démontrer que la chose n'a eu qu'un rôle passif. De plus, selon la victime, n'a pas caractérisé correctement le rôle passif de l'escalier. Enfin, elle affirme que l'escalier était glissant et dangereux et que la Cour d'Appel aurait du rechercher si « la configuration globale des lieux et de l'escalier n'avait pas causé le dommage subi ».
Dans quelle mesure la responsabilité du gardien d'une chose peut elle être engagée ?
La Cour de cassation rejette le pourvoi de la victime en s'appuyant sur les conclusions de l'expert, sur l'absence d'autre élément au dossier pouvant démontrer la dangerosité de l'escalier et enfin elle conclut que l'anormalité de l'escalier (absence d'une seconde rampe) n'a aucun rôle causal dans la chute de la victime puisqu'au moment de sa chute celle-ci se trouvait du coté de l'escalier muni d'une rampe.
La Cour de cassation conclut que la chose n'avait pas été l'instrument du dommage, et qu'ainsi la responsabilité du gardien ne peut pas être engagée. Cependant, elle se fonde sur le critère de l'anormalité. Or, ce critère avait été écarté dans plusieurs arrêts précédents pour retenir une présomption de rôle actif de la chose en cas de contact avec la victime. Il faut donc se demander si la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et décide désormais de revenir au critère de l'anormalité (I). D'autre part, outre ce critère, qui d'ailleurs est caractérisé, la Cour de cassation impose un rôle causal de l'anormalité (II) : il ne suffit plus de prouver que l'escalier présente une anormalité mais aussi qu'elle a eu un rôle dans le préjudice dont souffre la victime.
[...] Cette affirmation négative empêche toute hypothèse contraire lorsqu'elle est faite par des experts qui, par définition, sont spécialistes en la matière. Ainsi, dans l'arrêt du 25 novembre 2004 il est précisé l'expert concluait ( . ) que la marche ( . ) ne pouvait être la cause du dommage La Cour de cassation se retrouve en quelque sorte bloquée par les conclusions de l'expert car s'il affirme une chose, il serait difficilement envisageable que la Cour conclut l'inverse, l'opposé alors qu'elle n'est pas spécialiste. [...]
[...] Il s'agit de l'arrêt de la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation du 24 février 2005. La Cour de cassation retient que la porte vitrée, qui s'était brisée, était fragile, ce dont il résultait que la chose, en raison de son anormalité, avait été l'instrument du dommage Ici c'est un vice interne de la chose qui a conduit à la conclusion de son anormalité. Ainsi, tous les problèmes que peut présenter la chose objet du dommage semblent pouvoir être retenus par la jurisprudence, et ce même si le problème n'est en réalité qu'un manque de conformité à une obligation légale ou réglementaire. [...]
[...] Cependant, ces constations en amènent deux autres. En effet, d'une part, la Cour de cassation détermine elle si la victime aurait pu ou non se rattraper sur la seconde rampe, ce qui ne semble être qu'une hypothèse plus ou moins vérifiée d'ailleurs, et pourtant d'une importance capitale puisqu'à elle seule elle détermine la réparation du dommage (et en l'espèce plutôt l'absence de réparation). D'autre part, puisque la Cour de cassation le fait, il peut être recherché dans le cadre de commentaire s'il semble que la seconde rampe aurait été utile. [...]
[...] En effet, la Cour de cassation précise que l'anormalité de la chose liée à l'absence d'une seconde rampe du coté du mur . tandis que le pourvoi s'appuie davantage encore dessus : un escalier présentant une anormalité l'escalier était anormal démontré l'anormalité de la chose qui présentait une anormalité Ce critère, pour l'un comme pour l'autre, semble donc revêtir un rôle particulièrement important. Certes, la Cour de cassation ne retient pas pour autant la responsabilité du gardien, mais elle affirme que l'anormalité n'avait eu aucun rôle causal Or, la causalité fait le lien entre le fait générateur du dommage et le dommage lui même. [...]
[...] Cependant, il faut noter un dernier élément. En effet, dans son dispositif, la Cour de cassation affirme que mais attendu que l'arrêt, ( . ) retient que l'expert concluait que ( . ) ; qu'aucun autre élément ( . ) ; que M. lorsqu'il a chuté . Cela pour montrer que la syntaxe ne permet pas de déterminer avec certitude si c'est l'arrêt qui retient l'absence de lien de causalité entre l'anormalité et la chute ou si ce sont les experts. [...]
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