Le droit à la vie est posé par l'article 2 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, par la loi du 17 janvier 1975 sur l'IVG, par la loi du 29 juillet 1994 et par l'article 16 du code civil. Ces dispositions affirment la primauté de l'être humain dès le commencement de la vie. Toutefois, si cette notion de commencement de la vie ne pose pas de difficulté à partir du moment où la personne est née vivante et viable, il en va différemment pour l'enfant qui n'est pas encore né, c'est-à-dire le fœtus.
Si nous y revenons aujourd'hui c'est que la Cour de Cassation, dans son arrêt du 25 juin 2002, prend part dans le grand débat du statut pénal du fœtus.
En l'espèce Madame Z est enceinte, son terme est prévu pour le 10 novembre 1991. Cette dernière entre en clinique le 17 novembre en raison du dépassement du terme. Alors qu'elle est sous surveillance, elle signale à la sage femme une anomalie du rythme cardiaque de l'enfant. Cette dernière n'estime pas nécessaire de prévenir le médecin. Le 18 novembre un contrôle, à 7h00 du matin, révèle la même anomalie du rythme cardiaque puis un arrêt des battements du cœur. L'enfant est alors déclaré décédé à 8h00, le même jour. Il sera procédé ultérieurement à l'extraction de l'enfant mort né par césarienne.
Madame Z assigne la sage femme Y pour l'homicide involontaire dont l'enfant est la victime, sur le fondement de l'article 221-6 du code pénal et le docteur X en responsabilité des conséquences civiles de ce délit. Le tribunal correctionnel rend un jugement de relaxe concernant le Docteur X et déclare Madame Y coupable d'homicide involontaire.
Madame Z interjette appel et le 19 janvier 2000 la Cour d'Appel de Versailles rend un arrêt infirmatif.
Le Docteur X et la Sage femme Y se pourvoient en cassation en invoquant que les dispositions de l'article 221-6 du code pénal ne peuvent s'appliquer si la victime est un enfant à naître.
La demanderesse invoque que le médecin et la sage-femme sont coupables d'homicide involontaire sur son enfant car l'enfant arrivé à terme, sans l'imprudence et la négligence de Monsieur X. et Mme Y., « avait la capacité de survivre par lui-même, disposant d'une humanité distincte de sa mère. ».
Les juges de cassation ont donc eu à se prononcer sur le point de savoir si l'enfant à naître pouvait être victime d'un homicide involontaire tel que défini par l'ancien article 319 du code pénal et par le nouvel article 221-6 du code pénal.
Ils répondront négativement : « vu les articles 319 ancien, 221-6 et 111-4 du code pénal. […] le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination d'homicide involontaire s'applique au cas de l'enfant qui n'est pas né vivant » et rendront donc un arrêt de cassation, annulant l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 19 janvier 2000 « en toutes ses dispositions en ce qui concerne X…, mais en ses seules dispositions pénales en ce qui concerne Y…, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ».
Cette décision est donc juridiquement justifiée (I) mais s'inscrit cependant dans un débat juridique qui pourrait la rendre critiquable (II).
[...] C'est précisément de cela dont il est question dans notre arrêt qui soustrait les praticiens en question au droit de la responsabilité pénale médicale. Le contre-argument consiste à dire que ces derniers, exerçant des métiers contraignants, doivent néanmoins travailler dans un climat de confiance. Dans le cadre de l'avortement, le législateur a évité que l'on puisse tirer cette conséquence de la loi sur l'avortement en soumettant l'avortement à certaines conditions. De plus, il est incohérent d'appliquer le droit pénal à l'auteur de blessures involontaires dont l'enfant à naître a été victime lorsqu'il a survécu ne serait-ce que quelques instants et de ne pas l'appliquer si l'enfant meurt avant sa naissance. [...]
[...] En conséquence, le principe d'interprétation stricte de la loi pénale n'était pas un obstacle, mais seulement un artifice juridique dissimulant un débat politique. En effet on peut penser que certains juristes ont craint que la reconnaissance de l'homicide involontaire sur le fœtus remette en cause la loi relative à l'avortement. Dans le cas de notre arrêt, l'avocat général, Dominique Commaret, opposée à la motivation de l'arrêt, avait demandé que la protection pénale refusée au foetus, soit tout de même accordée à l'enfant en train de naître. [...]
[...] Malgré l'opposition de la majorité de la doctrine, la Cour de cassation, viendra confirmer la jurisprudence antérieure dans l'arrêt qui nous intéresse (25 juin 2002). En effet, elle casse l'arrêt de la Cour d'Appel de Versailles qui avait condamné pour homicide involontaire la sage femme qui ayant constaté une accélération anormale du rythme cardiaque d'un foetus s'était abstenue d'alerter le médecin. Une fois de plus, la Cour de cassation a estimé qu'il n'y avait ni victime ni délit, partant du postulat d'interprétation stricte de la loi pénale, alors même que les juges du fond avaient constaté que l'enfant était vivant, exempt de malformation et sur le point de naître B. [...]
[...] Une décision digne de l'évolution jurisprudentielle en la matière Un premier courant protecteur Le revirement opéré par l'arrêt du 30 juin 1999 de la Cour de cassation B. Le recours nécessaire au principe d'interprétation stricte de la loi pénale Origine du principe Portée du principe en l'espèce II. Le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale dissimulant les enjeux politiques portant sur la question du statut juridique du fœtus A. Un problème longuement débattu par la doctrine Une méconnaissance du principe de protection pénale par les juges de Cassation Une Cour d'Appel influencée par la doctrine ou sensible à l'éthique ? B. [...]
[...] Nous essayerons de montrer que d'un point de vu strictement juridique la solution de droit posée par la Cour de cassation dans l'arrêt du 25 juin 2002 se justifie totalement. En effet elle se révèle être l'aboutissement d'une jurisprudence allant dans le même sens mais également une application pure et simple du principe de légalité des délits et des peines dont l'un des corollaires est l'interprétation stricte de la loi pénale A. Une décision digne de l'évolution jurisprudentielle en la matière Un premier courant protecteur Le droit pénal a pour finalité la protection de certaines valeurs dont le respect de la vie humaine fait partie. [...]
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