Ces deux arrêts de rejet de la chambre criminelle de la cour de cassation, en date des 14 juin 1995 et 17 octobre 2000, sont relatifs à l'infraction d'empoisonnement, et plus précisément à la qualification juridique de cette infraction.
S'agissant de l'arrêt du 17 octobre 2000, dans les faits, Monique B, épouse G., a administré de la mort aux rats à son mari atteint de la maladie de Parkinson, à plusieurs reprises.
Elle a été mise en examen, par le juge d'instruction, pour crime d'empoisonnement sur une personne particulièrement vulnérable. Elle a fait l'objet d'une ordonnance de transmission de pièces au procureur général, en vue de sa mise en examen devant la Cour d'assises.
Mais, la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Lyon, a infirmé l'ordonnance de transmission des pièces rendue par le juge d'instruction, le 17 septembre 1999. La chambre de l'accusation a renvoyé Madame B. devant le tribunal correctionnel pour administration de substances nuisibles aggravées (délit commis de manière habituelle, ayant entraînée plus de huit jours d'incapacité totale de travail sur une personne particulièrement vulnérable, due à une maladie connue de l'auteur des faits, délit visé aux articles 222-14 et 222-15 du code pénal) car elle estime que la volonté d'attenter à la vie de la victime n'est pas caractérisée. En effet, le crime d'empoisonnement de l'article 221-5 implique la preuve de l'intention d'homicide, que ne suffit pas à caractériser la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance administrée ; la chambre d'accusation estime que Madame B. qui n'a aucune connaissance en matière toxicologique ne pouvait savoir qu'elle quantité de mort aux rats était mortelle, de plus, elle a affirmé vouloir seulement administrer une substance toxique pour rendre son mari malade et obtenir son hospitalisation.
Un pourvoi en cassation a alors été formé pour obtenir la requalification des faits en crime et non en délit, et donc censurer l'arrêt de la chambre d'accusation. En effet, si le crime d'empoisonnement suppose l'emploi et l'administration de substance en vue d'attenter à la vie des personnes, l'expertise médico-légale a bien révélé que la quantité de substance toxique ingérée par la victime aurait pu être mortelle en cas de diagnostic tardif. Si l'empoisonnement implique chez l'agent la connaissance ou la conscience de la nature mortelle de la substance administrée, madame B. en administrant la substance d'abord diluée par « peur de lui administrer une dose trop forte » puis en granules directement, semble prouver son intention d'homicide caractérisée et sa conscience de la nature mortelle de la substance. La chambre d'accusation semble ne pas avoir justifié sa solution en estimant que l'élément intentionnel devait être une parfaite connaissance des effets toxicologiques de la substance administrée.
La cour de cassation, le 17 octobre 2000, rejette tout de même le pourvoi, en se fondant sur l'article 574 du code de procédure pénale, au motif que les droits du demandeur demeurent entiers devant la juridiction de jugement, l'arrêt de la chambre d'accusation est donc régulier et n'encourt pas la censure.
S'agissant de l'arrêt du 14 juin 1995, dans les faits, Marcel Leveillé, vice-président d'un club de football a, à l'occasion d'une rencontre, mis à la disposition des adversaires de son club, des bouteilles d'eau minérales dans lesquelles il avait introduit, à l'aide d'une seringue, une certaine quantité de Valium, médicament qu'il s'était fait prescrire par son médecin traitant dans ce but. Après avoir bu le breuvage, deux joueurs ont subi une altération passagère de leurs facultés physiques.
Il a été poursuivit pour administration de substances nuisibles à la santé. Les premiers juges l'ont relaxé, en estimant que les victimes n'avaient souffert d'aucune maladie.
Mais, la cour d'appel infirme cette décision. Elle estime que Monsieur Leveillé est coupable de coups ou violences volontaires avec préméditation, en effet, selon elle, l'administration d'un calmant diminuant la capacité physique d'un sportif caractérise une atteinte à l'intégrité physique qui est un élément constitutif de l'infraction de violences ou voies de fait visées à l'article 309 ancien du code pénal.
Un pourvoi en cassation a alors été formé à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel pour que les faits soient requalifiés en un délit d'administration de substance nuisible à la santé et non en délit de violences volontaires avec préméditation, et donc censurer l'arrêt de la cour d'appel. En effet, les éléments constitutifs des délits d'administration d'une substance nuisible à la santé par simple mise à la disposition du produit à la victime et de violences volontaires avec préméditation sont totalement distincts, et en l'espèce, il n'y a ni violences ni préméditation. De plus, ne constitue pas une violence, laquelle suppose que son auteur cherche à atteindre sa victime par un coup le visant directement, le simple fait d'introduire du Valium dans une bouteille d'eau dans l'espoir que celui qui la boira verra ses facultés provisoirement et partiellement amoindries.
La cour de cassation, dans un arrêt du 14 juin 1995, rejette le pourvoi. Même si elle estime qu'en se prononçant ainsi les juges ont écarté à tort le délit prévu et réprimé par l'ancien article 318 pour lui substituer la qualification de violences ou voies de faits avec préméditation, les peines prononcées et les dommages et intérêts sont, en effet, justifiés dans les conditions de l'article 598 du code de procédure pénale.
Un problème de droit découle donc logiquement de ces deux arrêts : La qualification juridique erronée des faits entraîne-t-elle automatiquement une censure de la décision en cause ? Ou, autrement dit : Existe-t-il une possible justification des solutions jurisprudentielles en cas d'erreur de qualification des juges ?
Ce problème sera résolu en deux temps, le premier étant consacré à l'étude de la nécessité d'une qualification appropriée et le second à l'analyse du tempérament à l'exigence d'une exacte qualification.
[...] En effet, en l'espèce, dans l'arrêt de la cour de cassation du 14 juin 1995, un problème de qualification apparaît. Dans les faits, les premiers juges ont relaxé monsieur Leveillé, alors que la cour d'appel le déclare coupable du délit de violences volontaires avec préméditation. Les moyens du pourvoi évoquent le fait que l'introduction de Valium dans des bouteilles d'eau dans l'espoir que celui qui la boira verra ses facultés provisoirement et partiellement amoindries, ne peut s'analyser en des violences. [...]
[...] Si la qualification des faits est fondamentale, la qualification donnée par la poursuite (au plus tard, lors de la mise en mouvement de l'action publique) ne lie pas les magistrats d'instruction ni les juridictions de jugement. B. La non annulation d'une décision non définitive de la chambre de l'accusation en cas d'erreur de qualification La qualification, qui permet de désigner les faits sous une catégorie juridique, est la raison du pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon. [...]
[...] Au vu de cette analyse de la cour de cassation, il semblerait logique que la censure de l'arrêt de la cour d'appel intervienne, la qualification des faits étant erronée. Mais la cour de cassation précise que la peine prononcée et les dommages et intérêts alloués sont justifiés dans les conditions prévues par l'article 598 du code de procédure pénale Cet article dispose que Lorsque la peine prononcée est la même que celle portée par la loi qui s'applique à l'infraction, nul ne peut demander l'annulation de l'arrêt sous prétexte qu'il y aurait erreur dans la citation du texte de loi Cet article met en avant la théorie élaborée par la cour de cassation : celle de la peine justifiée (cette théorie a été instaurée, notamment, pour éviter les pourvois concernant une erreur sur la qualité d'auteur ou de complice du délinquant puisque la peine encourue restait inchangée, cette théorie a vu, depuis, son champ d'application étendu). [...]
[...] Un pourvoi en cassation a alors été formé pour obtenir la requalification des faits en crime et non en délit, et donc censurer l'arrêt de la chambre d'accusation. En effet, si le crime d'empoisonnement suppose l'emploi et l'administration de substance en vue d'attenter à la vie des personnes, l'expertise médico-légale a bien révélé que la quantité de substance toxique ingérée par la victime aurait pu être mortelle en cas de diagnostic tardif. Si l'empoisonnement implique chez l'agent la connaissance ou la conscience de la nature mortelle de la substance administrée, madame B. [...]
[...] Dans le syllogisme judiciaire, la majeure est constituée par la règle de droit, la mineure par les faits poursuivis et la conclusion par l'application de la règle de droit aux faits. Dans ce processus intellectuel, l'interprétation tend à cerner la portée exacte de la règle de droit, tandis que la qualification est l'opération qui, par le rapprochement de la règle de droit interprétée à l'espèce, conduit à la conclusion. Les juges doivent donc non seulement qualifier les faits mais également interpréter strictement la loi pénale. [...]
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