Un patient, après avoir reçu des soins et subi des examens dans six établissements, décède d'une infection nosocomiale.
Les ayants cause du patient décédé assignent en justice deux de ces établissements.
La Cour d'appel d'Aix en Provence, le 4 mars 2009, les déboute de leurs demandes au motif qu'ils ne rapportaient pas la preuve du lieu de contamination.
Le problème qui se pose ici devant la Cour de cassation est celui de savoir à qui incombe la charge de prouver la causalité juridique d'un dommage corporel à la suite d'un acte médical, en présence de plusieurs auteurs possibles.
La Cour de cassation, le 17 juin 2010, casse et annule la décision de la Cour d'appel en inversant la charge de la preuve. Elle soumet les établissements concernés à l'obligation de prouver qu'ils ne sont pas à l'origine de l'infection.
[...] Plus largement, on peut alors voir cet arrêt comme une manifestation de volonté très nette d'assouplir la causalité juridique en présence de plusieurs auteurs possibles, mais indéterminés, de dommage corporel causé à la suite d'un acte médical ou d'un produit de santé. En effet, l'établissement d'un lien de causalité ne devient alors plus l'élément principal du litige. Ne reste à la charge de la victime que la preuve du caractère nosocomial de l'infection. Les différents auteurs possibles du dommage devront donc établir eux-mêmes qu'ils ne sont pas à l'origine du dommage pour échapper à leur responsabilité contractuelle. [...]
[...] En effet, en supposant que les deux établissements soient tous deux de possibles auteurs du dommage, il leur revient, à eux seuls, de prouver leur innocence Nous sommes ainsi en présence de deux coauteurs possibles. Ces deux coauteurs se partageant la faute, ils ont une obligation in solidum. Cette expression a été forgée en responsabilité contractuelle pour signaler que chaque coauteur du dommage est tenu d'indemniser intégralement la victime sans tenir compte du partage des responsabilités. De même, en l'espèce, la présomption de causalité établie sera in solidum. Il appartiendra alors à la Cour d'appel d'Aix en Provence, devant laquelle la Cour de cassation renvoie l'affaire, de fixer les dommages-intérêts possibles. [...]
[...] Ce fait est pleinement consacré par l'article 1315 du Code civil, cité dans le visa de l'arrêt étudié. En effet, suivant l'adage du droit romain Actori incumbit probatio la charge de la preuve incombe au demandeur : il doit prouver ses affirmations (art du code de procédure civile). La Cour de cassation l'avait d'ailleurs déjà, auparavant, précisé : Il appartient au patient de démontrer que l'infection dont il est atteint présente un caractère nosocomial (Cass. Civ. 1ère mars 2001). La victime doit, par conséquent, à l'appui de la demande en réparation de son dommage, démontrer qu'il existe un lien de causalité entre les soins qu'il a reçu lors de son hospitalisation dans l'établissement de santé et l'infection. [...]
[...] Seulement, normalement, ils doivent aussi prouver le lien de causalité entre le dommage et la faute contractuelle de l'auteur de ce dommage. Pourtant, nous sommes ici en présence de deux auteurs possibles et distincts À qui incombe alors la charge de la preuve du lien de causalité ? B La charge de la preuve du lien de causalité entre la faute contractuelle et le dommage : Comme le précise l'article 1147 du Code civil, cité dans le visa de l'arrêt en présence, le non-respect des engagements d'un contrat pour inexécution, donne lieu à une indemnité. [...]
[...] Il lui faut aussi démontrer un préjudice, mais surtout, comme nous l'avons vu, un lieu de causalité entre la faute et le préjudice subi. C'est souvent sur la preuve du lien de causalité que les demandes en réparation échouent, dans la mesure où il est souvent difficile de prouver que le préjudice résulte directement de la faute, et non de causes extérieures. Dans les faits étudiés, il était clairement impossible pour les demandeurs de prouver le lien de causalité direct entre le dommage causé à la victime et l'un, ou les deux, établissements mis en question. [...]
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