Depuis 1991, date d'entrée en vigueur de la Loi Evin, le législateur s'est donné pour objectif de réglementer ou de renforcer la réglementation préexistante, considérée comme étant trop laxiste, concernant la publicité en faveur de certains alcools et jugée discriminatoire concernant d'autres alcools (CJCE 10 Juillet 1980).
Cette réglementation a donné lieu à une interprétation de la Cour de cassation, jugée trop restrictive par une partie de la doctrine et qui a provoqué un « conflit » entre juges du fond et juges de la Cour de cassation. En effet l'entrée en vigueur de la loi Evin a eu pour conséquences l'encadrement et la restriction, que nombreux trouveront démesurés, des publicités en faveur des boissons alcoolisées, dans un objectif de protection de la santé publique.
À l'origine cette réglementation était issue de la lettre de l'article L 18 du Code des débits de boisson, devenu depuis la fameuse loi Evin l'article L 3323-4 du Code de la santé publique qui énonce les supports autorisés pour la publicité des alcools dans les termes suivants:
« La publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode de l'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit. Cette publicité peut comporter en outre des références relatives aux terroirs de production et aux distinctions obtenues. Le conditionnement ne peut être reproduit que s'il est conforme aux dispositions précédentes, tout publicité en faveur de boissons alcooliques, à l'exception des circulaires commerciales destinées aux personnes agissant à titre professionnel ou faisant l'objet d'envoi nominatif ainsi que les affichettes, tarifs, menus ou objet à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, doit être assortie d'un message de caractère sanitaire précisant que l'abus d'alcool est dangereux pour la santé. »
Il ressort de cette disposition, un mécanisme assez liberticide, contrairement à la grande logique des limites posées aux libertés publiques - comme celle de la liberté d'expression d'où découle le droit à la publicité - à interdire préalablement certains types de comportement et à autoriser tous les autres. Les dispositions de la loi Evin de façon assez paradoxale inversent totalement ce principe et se cantonnent comme dans les dictatures « à interdire tout ce qui n'est pas autorisé ». En effet cette loi autorise de façon limitative le discours publicitaire, dont chacun des éléments visuels ou rédactionnels doit pouvoir se rapporter à une mention préalablement autorisée par cette loi codifiée à l'article L 3323-4 du Code de la santé publique. Il s'agit donc d'une approche restrictive qui cantonne la licéïté des discours et évocations publicitaires en faveur des produits alcooliques uniquement et strictement à ce que prévoit la loi.
[...] Les juges du fond dans l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles notamment, relèvent que le message passé par les 3 affiches est informatif en ce qu'il a pour objet de montrer l'origine ancienne du produit, son élaboration, son terroir d'origine (l'Irlande) ou encore son emblème et concluent que ces affiches s'inscrivent dans un graphisme communément utilisé par les professionnels de la publicité conforme à l'article L 3323- 4 du CSP. Mais la notion d'information de la publicité selon la Cour d'appel n'empêche pas nécessairement que celle-ci soit artistique. La réflexion de la Cour d'appel dans cet arrêt se fonde sur le respect des mentions énoncées par la loi, mentions destinées à remplir un objectif d'information sur le produit, ce qui n'exclut nullement que le produit reste attractif. L'attractivité du produit est de l'essence même de la publicité commerciale. [...]
[...] En l'espèce l'ANPA a saisi les juridictions contre le président de la Société Rétrobus responsable des emplacements publicitaires, et le directeur de la société Ricard, distributeur du Wisky Jameson, du chef de publicité illicite en faveur d'une boisson d'alcoolique. Par deux fois le délit a été déclaré non constitué par la Cour d'appel de Paris, puis celle de Versailles. Par deux fois, la Cour de cassation a cassé les arrêts des Cours d'appel et effectué des renvois. L'arrêt commenté se conclut en un nouveau renvoi vers la Cour d'appel d'Orléans. Ce qui nous permet d'imaginer toute sorte de scénarios : soumission de la Cour d'appel d'Orléans ou un arrêt d'assemblée plénière . [...]
[...] Ce qui montre la réelle volonté du TGI de Paris et en l'espèce de la Cour d'appel de Paris de ne pas se restreindre aux dispositions de la loi Evin pour valider ces éléments d'information. Il semble que le TGI et la Cour d'appel de Paris se contentent pour écarter un élément d'information de constater une mise en scène de nature a provoquer chez le spectateur une séduction telle qu'elle pourrait entraîner une consommation excessive d'alcool. En l'espèce la Cour d'appel de Versailles n'ayant pas constaté une telle mise en scène a débouté l'ANPAA. B L'objectif principal des juges du fond : sanctionner l'incitation à la consommation excessive d'alcool. [...]
[...] 2 L'appréciation extensive des mentions par les juges du fond. Dans l'affaire Jameson l'affiche 3 (ci-jointe), dans laquelle sont représentés un voilier, un homme sur un quai et des tonneaux sur lesquels est inscrit Dublin, pourrait sembler litigieuse au regard de l'article L 3323-4 du CSP, la Cour d'appel de Versailles estimant que l'image du voilier ne faisait que reprendre le blason présent sur l'étiquette de la bouteille, alors que cette information ne se rapporte à aucune mention du pré carré. [...]
[...] Le conseil constitutionnel a été clair, il énonce dans sa décision du 8 janvier 1991 que le législateur qui a entendu prévenir une consommation excessive d'alcool s'est borné à limiter la publicité dans ce domaine sans la prohiber de façon générale. La Cour d'appel de Versailles énonce bien que dans l'affaire Jameson elle n'avait pu constater une mise en scène de nature a à provoquer chez le spectateur de l'affiche une séduction entraînant une consommation d'alcool sans modération. Elle semble se contenter seulement de l'élément intentionnel de séduction avéré par une mise en scène. N'ayant pas relevé un tel élément celle-ci valide la publicité En référence à l'exposé des motifs de la loi Evin. [...]
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