Commentaire d'arrêt, Chambre criminelle, Cour de cassation, 5 octobre 2010, contamination consciente et volontaire par voie sexuelle
Après le « sida sur ordonnance » (par référence à l'affaire du sang contaminé), c'est désormais le « sida par complaisance » (par référence à la contamination consciente et volontaire par voie sexuelle) qui alimente la colonne des faits divers sordides. Cela a été récemment le cas (cf. Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2 octobre 2014) d'un homme ayant sciemment transmis le virus du Sida à sa partenaire et exposé cinq autres femmes au risque de contracter le virus de l'immunodéficience humaine, après avoir déjà été condamné, en 2005, à une peine de 9 ans de prison pour des faits similaires.
L'arrêt rendu par la chambre criminelle du 5 octobre 2010 illustre des faits semblables, mais s'agissant cependant d'un primo-délinquant.
En l'espèce, un homme ayant eu des relations sexuelles non protégées avec sa partenaire, à de multiples reprises, pendant une dizaine de mois, alors que celui-ci se savait contaminé par le virus de l'immunodéficience humaine et qu'il n'avait pas averti cette dernière, a été jugé coupable en première instance ainsi qu'en seconde instance, d'administration de substances nuisibles ayant entrainé une mutilation ou infirmité permanente sur le fondement des articles 222-15 et 222-9 du Code pénal.
[...] La chambre criminelle approuve ces énonciations : suffisantes à caractériser l'intention tel que prévu par l'article 121-3 du Code pénal. Rejet ainsi d'un dol spécial : dol général suffisant. Dol général = Cornu : dans son ouvrage “Vocabulaire juridique” définit le dol général comme le fait d'accomplir les agissements matériels incriminés par la loi, en connaissance de cette incrimination. Dol spécial = (cf. Cornu, “Vocabulaire juridique”) : intention particulière dans laquelle les agissements ont été commis et qui s'ajoute au dol général. [...]
[...] La question sous-jacente au pourvoi du prévenu est donc celle de savoir si l'ancienneté de la contamination et la durée des relations sexuelles lui avaient vraiment fait perdre conscience de la situation. La Cour de cassation ne répond pas directement à l'argument du pourvoi et estime que l'élément intentionnel est suffisamment établi par la connaissance par le prévenu de son état déjà ancien et de la dissimulation volontaire de son état de santé. Positionnement implicite (en ce que la Cour de cassation ne répond pas) bienvenu : ce déni n'aurait eu vocation à prospérer que sous la coupe d'une reconnaissance d'une irresponsabilité pénale ou d'une atténuation de responsabilité. [...]
[...] L'utilisation de cet adverbe démontre là la volonté de la Cour de cassation de rejeter le débat sus-énoncé et de se concentrer sur l'expert médical dénonçant l'état actuel de la victime. En considérant ainsi que la contamination au VIH était source d'infirmité permanente, elle confirme ainsi sa solution adoptée dans un arrêt du 10 janvier 2006. II. Les contours de l'élément moral de l'infraction La Cour de cassation énonce que la volonté du prévenu était effectivement établie et par là même, rappelle ainsi la seule exigence d'un dol général au regard de l'infraction de l'article 222-15 du Code pénal, rejetant ainsi implicitement celle d'un dol spécial De plus, en faisant fi de l'argument au pourvoi avancé par le prévenu s'agissant d'un déni de sa part, de sa séropositivité, la chambre criminelle se refuse ainsi a trop de clémence à l'encontre d'un comportement, très justement étayé par la cour d'appel, pour le moins dangereux A. [...]
[...] Mais elle ajoute et la conjonction de coordination ET est à souligner : pour sa vie. Juxtaposer ainsi l'adjectif gravissime et vie démontre bien justement que le caractère simplement nuisible du VIH ne va pas de soi et qu'il s'avère d'avantage être susceptible d'attenter à la vie de la personne. Or, la jurisprudence inclut donc dans les substances nuisibles celles qui sont susceptibles de provoquer la mort. Susceptible de provoquer la mort et de nature à entrainer la mort (cf. [...]
[...] La potentialité de cette mort ne vient d'une part que du risque de contamination (pas systématique à chaque rapport + du fait des traitements associés (cf. supra : venin . La jurisprudence, justement, s'agissant des substances de nature à entrainer la mort considère que la certitude de la mort n'est pas exigée : cf. Crim février 1958 : l'arséniate de plomb, produit dont la présence dans l'eau de boisson aurait été de nature à provoquer, après des absorptions répétées, des phénomènes d'intoxication lente pouvant aboutir à la mort : Cass. [...]
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