« Les juges de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi ». Cette célèbre citation de Montesquieu limite clairement le rôle du juge. En effet aux yeux du penseur politique, le pouvoir normatif, qui est le pouvoir de créer des normes, n'était pas de la compétence du juge, mais de celle du législateur. Et c'est justement cette conception du rôle du juge, à savoir un rôle secondaire et passif, qu'on retrouve dans cet arrêt de la chambre criminelle en date du 31 mars 2009. C'est un retour à une conception classique étant donné que depuis quelques années, on assistait à un déclin manifeste de la légalité. Le législateur respectant alors de moins en moins les contraintes qui s'imposaient à lui, et qui l'obligeaient à prévoir en termes clairs et précis les actions et omissions qu'il érigeait en infractions. Le législateur édictait fréquemment des normes dites « infractions ouvertes », qui se prêtaient à des applications très largement comprises avec des conséquences peu favorables pour les justiciables. Les infractions ouvertes, complétées par la jurisprudence apparaissaient alors comme des instruments de délégation, le pouvoir d'incrimination n'étant plus en fait exercé par le législateur, mais par le juge. L'incrimination perdant de son antériorité pour se révéler seulement au fil de la jurisprudence. Dans cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme avec rigueur la position secondaire du juge par rapport au législateur. C'est bien le législateur qui fait la loi et le juge n'est là que pour l'appliquer.
[...] L'affirmation de la légalité va de pair avec l'affirmation de son corolaire, l'interprétation stricte de la loi pénale par le juge. L'article 111-4 du Code pénal pose cette exigence : la loi pénale est d'interprétation stricte ; on dit d'ailleurs qu'en droit pénal tout est de droit, étroit En effet si le texte est clair et précis, mais que le juge l'interprète selon ses volontés alors il viole la loi, mais exerce également un abus d'autorité, car ses fonctions, telles que définies par la séparation des pouvoirs, ne lui permettent pas de définir la loi, mais seulement de l'appliquer. [...]
[...] Les Harkis seraient alors en droit d'invoquer l'article 33 de la loi de 1881 pour injures subies à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée. Ensuite ils firent observer que la Cour d'Appel, ne pouvait refuser de condamner l'homme politique sur le fondement de l'article 33 (alinéa après s'être assuré que les propos dont elles étaient saisies fustigeaient les harkis à raison de leur origine ethnique ou de leur religion. Enfin, les demandeurs au pourvoi ont avancé que la Cour d'appel avait statué par des motifs contradictoires, devant alors entrainer la censure de la cour. [...]
[...] II- Une carence du législateur concernant la loi de 2005 La non-condamnation du politicien sur le fondement de l'article 5 de cette loi interdisant les injures prononcées à l'encontre de harkis s'explique tout simplement par l'absence de sanction. Le législateur a donc fait l'impasse sur cette partie de la loi, sans laquelle l'incrimination n'a plus aucun sens On comprend alors la solution de l'arrêt, en ce qu'elle confirme, la décision prise en appel de relaxer le prévint. Et on en arrive donc à la constatation que les harkis sont dépourvus de toute défense juridique concernant les injures L'absence de sanction dans le texte d'incrimination L'arrêt du 31 mars 2009 se heurte à un vide juridique, qui peut paraître aberrant, au vu du principe de légalité des délits et des peines. [...]
[...] Ainsi si le législateur ne respecte pas le principe de légalité des délits et des peines, le juge sera confronté à un problème. Il sera contraint de refuser l'application de la loi en raison notamment de son incompatibilité avec les normes de la CEDH. Mais ici la légalité n'est pas le problème, en tout cas pas de la façon dont on pourrait s'y attendre. En effet si la loi n'est pas appliquée ce n'est pas parce qu'elle est incomplète ou imprécise et que le juge est dans l'incapacité de l'interpréter. [...]
[...] Un arrêt de jurisprudence postérieure, en date du 23 juin 2009, vient confirmer la position très sage de la chambre criminelle, en ce qu'elle se contente de confirmer la relaxe du prévenu, en raison de l'absence de sanction à la norme juridique enfreinte. Cet arrêt était relatif à un délit d'injure publique envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à la région musulmane, qui manifestait contre la représentation de la pièce de théâtre Au nom du père L'arrêt a retenu que l'acte initial de poursuite visait des propos atteignant les manifestants en leur qualité de personnes appartenant à une religion déterminée, en l'espèce l'Islam et a donc condamné le prévenu. [...]
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