L'état de nécessité suppose-t-il que celui qui s'en prévaut soit exempt de toute faute ?
C'est à cette question que la Cour de Cassation a du répondre dans un arrêt de la Chambre criminelle en date du 1er Juin 2010.
En l'espèce, un chasseur pyrénéen expérimenté a été confronté, lors d'une battue, à l'ourse Cannelle dernière ourse femelle et espèce animale protégée. Cette ourse était signalée, et la battue n'aurait pas dû avoir lieu suite à ce signalement. Toutefois, en tentant de lui fuir, celui-ci se réfugie dans une « niche terrasse », puis la quitte sans attendre l'aide des autres chasseurs qui l'avaient informé par téléphone de leur avancement. Le chasseur est alors confronté une nouvelle fois avec l'ourse et lui porte un coup de feu qui ne l'épargnera pas.
Le chasseur est relaxé par les juges de premiers degrés du chef de destruction d'un animal appartenant à une espèce protégée selon l'article L.415-3 du Code de l'environnement. Cependant, des associations s'étant constituées parties civiles font appel, et obtiendront la condamnation du chasseur par une décision de la Cour d'Appel de Pau en date du 10 septembre 2009. Ce dernier forme alors un pourvoi en cassation afin de faire valoir ses droits.
[...] II) Le rejet clairement fondé de la cause objective de non imputabilité Afin de rejeter la demande de l'auteur de l'acte délictueux, la Cour de Cassation se fonde d'une part sur le caractère prévisible du danger radiant toute possibilité de se prévaloir de tout fait justificatif en ce qui concerne la commission de l'acte, et d'autre part, en érigeant l'infraction en question en une infraction non intentionnelle de façon à ce qu'aucune difficulté puisse venir perturber l'imputabilité de l'infraction à son auteur. Le caractère prévisible du danger Il s'agit là d'une condition supplémentaire relevant de l'ancien Code Pénal, où la jurisprudence refusait de retenir l'état de nécessité lorsque l'agent, par sa propre faute, avait contribué à créer la situation dangereuse. [...]
[...] En effet, un individu commettant le délit de façon intentionnelle, comme en l'espèce, ne sera pas punis pour cette intention, il sera punis au même titre qu'un individu ayant commis l'infraction de façon non intentionnelle. Les condamnations prononcées seront les mêmes alors que l'intention des deux auteurs n'étaient pas les mêmes, ce qui constitue ainsi une certaine inégalité en la matière. Ne serait-ce pas une étroite mais nouvelle manifestation d'un ancien gouvernement des juges ? Beaucoup d'auteurs répondraient par la négative en prétextant que l'époque de l'arbitraire des juges revêt d'une époque belle et bien enterrée, ensevelit, mais cette question reste à discuter. [...]
[...] Aussi, ces deux jurisprudences dégagent manifestement la règle de proportionnalité des biens sauvegardés. En effet, la proportionnalité de la réponse induit que le bien sacrifié doit être inférieur ou égal au bien sauvegardé par l'acte accompli. Dans ces deux arrêts, les biens victimes ne pouvaient se défendre par leurs propres moyens, l'un étant déjà immobilisé par l'attaquant, et les autres ayant leurs pattes attachées. Ils sont alors considérés comme des biens «supérieures» au bien sacrifié, compte tenu de leur incapacité à se défendre de leur propre moyen. [...]
[...] Le demandeur remet en cause l'appréciation des juges quant à l'état de nécessité qu'il soutient. Celui-ci aurait, selon lui, agit pour faire face à un danger imminent et actuel qui le menaçait, cet acte étant nécessaire à la sauvegarde de sa propre personne selon l'article 122-7 du Code Pénal, ce qui ne peut lui imputer le délit dont il l'auteur. Or, la Cour d'Appel de Pau avait, elle, mis en avant l'existence d'une faute antérieure de la part du prévenu. [...]
[...] D'une part, l'auteur d'un acte commis sous l'empire de la nécessité ne témoigne d'aucune puissance de nuire particulière et, d'autre part, la menace d'une peine se révèlerait impuissante à empêcher la commission de l'infraction en question, étant une réponse à un danger précis. La société n'aurait alors pas à intervenir puisque selon l'adage Nécessité n'a pas de loi ceci étant, des conditions sont indispensables afin de ne pas donner cette prérogative de se prévaloir de l'état de nécessité à tout individu auteur de n'importe quel acte infractionnel. L'état de nécessité est donc une cause indirecte d'irresponsabilité. La responsabilité pénale de l'agent est alors écartée puisqu'il est supposé n'avoir commis aucune faute. [...]
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