Dans toutes les sociétés anonymes, l'article L.225-18 du Code de commerce impose sans conditions la désignation d'au moins un commissaire aux comptes. Le commissaire aux comptes détient un rôle prépondérant au sein de la société, qui est celui de certifier que les comptes annuels sont réguliers et sincères, tout en donnant une image fidèle du résultat, de la situation financière et du patrimoine de l'entreprise. Comme le souligne le professeur Viandier, le commissaire aux comptes est un « technicien de la comptabilité, initié aux mystères des comptes, apte à pénétrer les carences de l'évaluation et de l'imputation, il est l'assistant idéal du chef d'entreprise tenté par la criminalité d'affaires ». L'exercice de la profession de commissaire aux comptes implique une honnêteté sans faille. À défaut le professionnel peut voir sa responsabilité pénale engagée pour des infractions qu'il aurait lui-même commises ou qui auraient été commises par des tiers.
C'est dans ce cadre qu'intervient l'arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 18 mai 2011.
En l'espèce, la comptabilité de la société Rieux, mise en redressement puis en liquidation judiciaire, présente depuis plusieurs années de graves anomalies ayant permis de masquer d'importants déficits et d'obtenir le maintien de différents concours bancaires. Ces anomalies avaient d'ailleurs été constatées par un commissaire aux comptes prédécesseur. M. Yvan X, commissaire aux comptes actuel de cette société, est alors poursuivi pour s'être rendu complice de la banqueroute et des escroqueries dont les dirigeants de la société ont été déclarés coupables, ainsi que du chef de confirmation d'informations mensongères.
[...] Nonobstant, la Chambre criminelle de la Cour de cassation en cassant l'arrêt rendu par la juridiction de second degré semble, quand à elle, privilégier une interprétation plus extensive de la complicité en la matière. En effet, celle-ci met en avant le fait que compte tenu de tous les éléments relevés, la Cour d'appel n'avait pas justifié sa décision de relaxe. Il est dès lors possible d'entrevoir derrière cette solution une consécration du principe édicté par Loisel selon lequel Qui peut et n'empêche, pêche. [...]
[...] Le ministère public forme alors un pourvoi en cassation, afin que le prévenu soit condamné des chefs d'accusation en question. Pour ce faire, le procureur général reproche à l'arrêt une insuffisance et une contradiction de motifs équivalant à une absence de motivation de la part de la juridiction du second degré. Ainsi, la question à laquelle les magistrats de la haute juridiction ont du répondre est celle de savoir si compte tenu des éléments qui ont été soulevés par la Cour d'appel, cette dernière est-elle en mesure de relaxer aussi facilement le prévenu ? [...]
[...] Mais, ce dernier peut aussi voir sa responsabilité civile engagée. Un point commun semble régir ces deux responsabilités : la responsabilité du commissaire aux comptes peut, tant sur le plan civil que sur le plan pénal, être établie dès lors qu'une négligence ou une abstention peut être prouvée. En effet, même si la lettre des articles régissant ces responsabilités impliquent la commission d'un acte positif, les magistrats ont su néanmoins interpréter ces dispositions en tenant compte de la réalité du monde actuel. [...]
[...] Cela fut le cas notamment d'un arrêt rendu par la Chambre criminelle rendu en date du 31 janvier 2007. À la suite d'une escroquerie à la TVA commise par les dirigeants d'une société, la haute cour après avoir affirmé qu' un professionnel de la comptabilité ne pouvait ignorer le caractère fictif des comptes et leur utilisation frauduleuse a conclu qu'en certifiant en connaissance de cause, durant plusieurs exercices, des comptes inexacts, le prévenu avait sciemment fourni à l'auteur principal les moyens de commettre les escroqueries poursuivies, ce qui le rendait complice de l'infraction. [...]
[...] De ce fait, pour que la responsabilité de M. Yvan X. soit engagée il n'est pas nécessaire de prouver un acte de positif de sa part, sa simple réticence ou abstention de ne pas démentir les informations en questions caractérisent l'élément matériel du délit de confirmation d'une information mensongère. Si l'élément matériel du délit de conformation d'informations mensongères semble être démontré, l'élément moral de cette infraction doit nécessairement être prouvé afin que le commissaire aux comptes puisse valablement être inquiété de ce chef d'accusation. [...]
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