Autorité de la chose jugée, procedure civile, fin de non-recevoir, procès civil, concentration des moyens, notion de cause
La notion de cause est surement l'une des plus difficiles et des plus controversées du droit judiciaire privé. C'est pourtant à son sujet, en tant que critère de la délimitation du domaine de l'autorité de la chose jugée, que la Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, a dû se prononcer, dans son arrêt du 7 juillet 2006.
En l'espèce, le litige opposait deux frères dont l'un se prétendait titulaire d'une créance de travail à salaire différé à l'encontre de la succession du père. Il réclama donc une première fois la somme d'argent sur le fondement d'une disposition du code rural, mais perdit son procès au motif que les conditions d'application de ce dispositif n'étaient pas réunies, l'activité professionnelle n'ayant pas été exercée au sein d'une exploitation agricole.
Une fois cette première décision passée en force de chose jugée, le frère formula alors une seconde demande en paiement de sa créance, mais cette fois sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
[...] En réalité, l'autorité de la chose jugée est fondée sur la volonté du législateur d'assurer la sécurité juridique. En l'espèce, la Cour de cassation apprécie l'autorité de la chose jugée par rapport à ce qui est demandé, les deux demandes tendant à obtenir le paiement d'une somme d'argent. Or dans les textes, l'efficacité de cette fin de non-recevoir est subordonnée à la satisfaction de la condition de la triple identité qui veut que le nouveau procès oppose les mêmes parties prises en la même qualité, qu'il ait le même objet et qu'il ait la même cause. [...]
[...] De plus, l'alinéa 2d met les trois éléments structurant l'autorité de la chose jugée sur un même plan d'égalité. Si la solution ne peut se justifier sur un plan technique, il semble que l'arrêt de l'assemblée plénière de 2006 puisse se justifier en le considérant comme une décision politique au sens de l'organisation du procès civil. La Cour de cassation a en effet décidé, pour apprécier l'efficacité de la fin de non-recevoir, de ne plus retenir que la condition d'identité des parties et la condition d'identité de l'objet. [...]
[...] On comprend ainsi que cette décision du 7 juillet 2006 s'inscrit dans une politique jurisprudentielle généralisée tendant à introduire une once de loyauté. En revirant ainsi de jurisprudence, la Cour de cassation entend empêcher qu'une même contestation soit sans cesse reprise, en ne permettant plus à un plaideur de décliner un à un, comme les grains d'un chapelet (Perrot), chacun des fondements éventuels de sa prétention. L'explication de la décision de l'Assemblée plénière de 2006 réside alors dans le souci de la Cour de cassation de désengorger le rôle des tribunaux. [...]
[...] La Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, rend le 7 juillet 2006 un arrêt de rejet. Si sur le point technique qui lui était soumis la Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir déduit que le demandeur ne pouvait être admis à contester l'identité de cause des deux demandes en invoquant un fondement juridique qu'il s'était abstenu de soulever en temps utiles, de sorte que la demande se heurtait à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation elle va cependant plus loin et pose comme principe qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci Alors, du fait du nouveau principe posé, la Cour régulatrice vient rompre avec une jurisprudence plus ancienne concernant la notion de cause, ce qui la conduit à considérer qu'il y a bien identité de cause entre les deux procès. [...]
[...] Il fait grief à l'arrêt de retenir la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée alors que selon lui il n'y a pas identité de cause. Il soutient en effet dans son moyen que la cause doit s'entendre du fondement de la demande, et qu'en l'espèce ses deux demandes avaient des fondements différents. La question posée à l'Assemblée plénière de la Cour de cassation est celle de l'appréciation de l'identité de cause, et plus particulièrement celle de savoir si l'autorité de la chose jugée peut être retenue en cas de demandes successives visant le même but, mais ayant des fondements juridiques différents. [...]
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