Dans l'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de Cassation du 29 juin 2005, une salariée est engagée comme secrétaire comptable. Elle fait l'objet d'un avertissement le 22 février 1999. Le 13 mars de 1999, elle est convoquée à un entretien préalable au licenciement avec une mise à pied conservatoire, avant d'être licenciée pour faute grave le 9 avril 1999. La salariée fait un recours contre son employeur pour harcèlement moral. La Cour d'appel reçoit sa demande et lui alloue des dommages et intérêts. L'employeur se pourvoit en cassation. La Cour d'appel a relevé que la salariée a fait l'objet d'un changement de bureau que la juridiction qualifie de « local exiguë, sans outils de travail ». Elle parle de conditions de travail inacceptables et relève l'existence d'un harcèlement moral. En revanche, pour l'employeur, la salariée n'a pas fait l'objet de harcèlement moral puisque le local était occupé précédemment et que la délocalisation était justifiée par la présence de documents dans le local, par une meilleure communication avec l'employeur. Il précise également que la salariée disposait d'une imprimante et d'un téléphone. L'employeur ajoute enfin qu'il portait une attention particulière à sa formation, qu'il avait aménagé ses horaires de travail, qu'il avait pris son fils en stage dans l'entreprise, qu'il lui versait des primes malgré ses absences, qu'il était intervenu auprès de l'inspection académique pour la scolarité de sa petite fille,…, faits excluant tout harcèlement moral de sa part. La Cour de Cassation rejette le pourvoi : « la Cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de faits et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que l'employeur avait affecté la salariée dans un local exiguë et sans outils de travail lors de sa reprise du travail le 11 février 1999, que ledit local était dépourvu d'un chauffage récent, que l'employeur avait également volontairement isolé la salariée des autres salariés de l'entreprise en leur demandant de ne plus lui parler, qu'il avait été encore jusqu'à mettre en doute son équilibre psychologique et avait eu un comportement excessivement autoritaire à son égard ; elle a pu en déduire que par leur conjonction et leur répétition, ces faits constituaient un harcèlement moral ».
Quels sont les éléments retenus pour qualifier certains agissements de harcèlement moral ? Pour être qualifiés de harcèlement moral, la Cour de Cassation exige que les agissements soient répétés et dégradent les conditions de travail du salarié. Ces exigences semblent répondre à certains critères de l'article 122-49 du code du travail, alors même que les faits sont antérieurs à la loi de modernisation sociale ; et sur ces critères, la Cour semble exercer un contrôle de qualification légale qu'elle avait pourtant abandonné à l'appréciation souveraine des juges du fond.
La qualification de harcèlement moral doit répondre à des conditions tenant à la nature et aux effets des agissements (I). La position de la Cour de Cassation vis à vis de cette qualification semble souple même si elle semble rétablir l'exercice d'un contrôle de qualification sur la Cour d'appel (II).
[...] L'employeur se pourvoit en cassation. La Cour d'appel a relevé que la salariée a fait l'objet d'un changement de bureau que la juridiction qualifie de local exiguë, sans outils de travail Elle parle de conditions de travail inacceptables et relève l'existence d'un harcèlement moral. En revanche, pour l'employeur, la salariée n'a pas fait l'objet de harcèlement moral puisque le local était occupé précédemment et que la délocalisation était justifiée par la présence de documents dans le local, par une meilleure communication avec l'employeur. [...]
[...] Elle ne fait qu'un contrôle de motivation. La Cour énonce que la Cour d'appel a estimé, par une appréciation souveraine, que Ce qui montre l'absence de contrôle, ce qu'elle confirmera dans son rapport annuel de 2004. En l'espèce, la Cour de Cassation semble rétablir le contrôle. En effet, la Cour énonce que la Cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de faits et de preuve [ ] a pu en déduire Mais un doute subsiste puisque l'arrêt n'a pas été diffusé et a été rendu en formation restreinte. [...]
[...] La dégradation peut être matérielle et / ou morale. En l'espèce, la Cour relève qu'il a été attribué à la salariée un local exiguë sans outils de travail dépourvu de chauffage décent Il y a donc dégradation matérielle. La Cour relève également qu'elle avait été isolée des autres salariés, que son employeur avait demandé à ses collègues de ne plus lui parler, qu'il avait mis en doute son équilibre psychologique et qu'il avait un comportement excessivement autoritaire à son égard. [...]
[...] La nature des agissements par leur conjonction et leur répétition, ces faits constituaient un harcèlement moral Il faut donc un caractère répétitif dans les agissements. Ainsi, il n'y a pas de harcèlement moral pour une agression ou un incident ponctuel. Mais il n'est pas nécessaire que ce soit le même acte sous la même forme. En l'espèce, la Cour d'appel a relevé un isolement volontaire de la salariée de la part de son employeur ou encore un comportement excessivement autoritaire de l'employeur à son égard. Le problème du caractère répétitif des agissements est celui de la détermination d'un seuil. Combien d'agissements sont nécessaires ? [...]
[...] La position souple de la Cour de Cassation L'article L122-49 du code du travail exige plusieurs éléments avant de sanctionner un harcèlement moral : des agissements répétés dégradant les conditions de travail du salarié. Ici la Cour exige ces deux éléments. En revanche, elle n'exige pas une atteinte aux droits ou à la dignité du salarié ou une altération de sa santé physique ou mentale ou la compromission de son avenir professionnel. Cela s'explique par le fait que les faits litigieux sont antérieurs à la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et donc à l'apparition de l'article L122-49. [...]
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